
Les rebelles houthis sortent « vainqueurs », renforçant leur pouvoir et leur influence, tandis que les Saoudiens restent embourbés dans un conflit dont ils ne peuvent se sortir.
Les partisans Houthi se rassemblent pour marquer le jour de l’Achoura à Sanaa, au Yémen, le 8 août 2022. REUTERS/Khaled Abdullah
L’expiration du cessez-le-feu de six mois sans prolongation au Yémen est un revers majeur pour l’Arabie saoudite, qui reste coincée dans un bourbier coûteux dont elle veut désespérément sortir.
Entre-temps, l’administration Biden a fait de la fin de la guerre au Yémen une priorité absolue, de sorte qu’elle sera également affectée par la fin de la trêve. Les rebelles chiites zaydites connus sous le nom de Houthis, en revanche, sont les vainqueurs de la guerre et exercent leur pouvoir.
La trêve, négociée par les Nations Unies en mars, a mis fin à toute activité militaire majeure, mais a souvent été violée par les deux parties lors de petits affrontements. Le blocus du nord du Yémen contrôlé par les Houthis n’a été que partiellement levé. C’est pourquoi les Houthis exigent maintenant que le « siège » soit complètement levé et que, sans cela, le cessez-le-feu deviendra une « impasse ». Le blocus est responsable de la catastrophe humanitaire et de la malnutrition massive qui ont fait des dizaines de milliers de victimes.
Les Houthis ont démontré leurs capacités militaires lors d’un grand défilé à la fin du mois dernier pour marquer leur prise de Sana’a il y a huit ans. La parade comprenait des véhicules blindés, des mortiers et de l’artillerie. Le clou du spectacle a été le largage par des hélicoptères de chocolats et de raisins secs sur la foule. Abdul Malik al Houthi, le commandant des rebelles, a prononcé un discours dans lequel il a affirmé que tous les équipements avaient été fabriqués au Yémen, y compris les drones et les missiles balistiques qui ont été utilisés pour frapper des cibles en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
En réalité, les drones et les missiles sont basés sur des systèmes iraniens introduits clandestinement au Yémen malgré le blocus saoudien, ce qui souligne l’impact de l’Iran sur le conflit. Soutenir les Houthis ne coûte rien à l’Iran et enlise les Saoudiens dans une guerre coûteuse qui a mis en évidence les faiblesses de l’armée saoudienne. Téhéran se félicite également des difficultés que la guerre crée pour Washington.
Les États-Unis et les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité ont rencontré l’Union européenne et d’autres pays pour proposer la prolongation du cessez-le-feu le mois dernier. Ils ont noté que la trêve a permis à 21 000 Yéménites de quitter le pays par avion, beaucoup pour recevoir des soins médicaux, souvent en Jordanie. C’est un rare cas de collaboration entre les puissances.
Les Houthis sont intensément anti-américains et ne font pas confiance à Washington pour être des interlocuteurs équitables étant donné le soutien américain de longue date aux Saoudiens sur le plan diplomatique et militaire. Et la rencontre du président Joe Biden avec le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane à Djeddah n’a fait que renforcer leur antipathie à l’égard des États-Unis.
Si les combats à grande échelle reprennent, le prince héritier Mohamed Ben Salmane – désormais Premier ministre saoudien – est le grand perdant. L’intervention saoudienne de 2015 au Yémen – une action téméraire, mal planifiée et mal exécutée – est sa signature en matière de politique étrangère. MBS sera désormais coincé dans une guerre qu’il ne peut pas gagner, et qui laisse les villes saoudiennes ouvertes aux attaques de missiles et de drones. Pire, si les Saoudiens reprennent les frappes aériennes dans le nord, il y a une forte probabilité de victimes civiles, ce qui nuira encore plus à l’image publique déjà mauvaise du Royaume.
Malheureusement, les États-Unis n’ont aucun moyen de pression sur les Houthis. L’objectif louable de Biden de mettre fin à la guerre est en péril, et il n’a pas de bonnes options pour revenir au cessez-le-feu. Le seul espoir maintenant réside dans la pression internationale, sinon c’est le peuple yéménite qui continuera à souffrir le plus.
Source en anglais : Responsible Statecraft, Bruce Riedel – 04-10-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Source française : Yémen : La fin du cessez-le-feu plonge à nouveau le pays dans la guerre (les-crises.fr)