Par Elsa GAUTIER
Depuis trois ans, une jeune génération de militants LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres) organise la marche des fiertés à Lorient (Morbihan). Un activisme qui bouscule l’habituelle invisibilité des gays et trans lorientais.
Juillet 2021. Les drapeaux arc-en-ciel flottent pour la première fois en nombre dans le centre-ville de Lorient (Morbihan). Un tout jeune collectif de militants LGBT – lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres – vient d’organiser la première marche des fiertés lorientaise.
Un vrai succès : 700 personnes sont au rendez-vous. Et une surprise, car jusqu’à récemment, la Pride – jadis appelée Gay Pride ( « fierté gay » en anglais) – était plutôt réservée aux grandes villes, comme Rennes ou Paris.
En 2022, nouveau carton plein, avec cette fois 1 300 manifestants. Et les organisateurs de la Pride lorientaise espèrent faire encore mieux lors de la 3e édition, samedi 3 juin 2023. « La première année, c’était la stupéfaction » Avec huit autres bénévoles – lycéens pour la plupart, Nelson, organise, à 16 ans seulement, sa troisième Pride ! Avant de lancer l’événement, lui et ses amis militaient déjà en 2021 sur d’autres sujets. « Avec Youth for Climate, on avait participé à organiser les manifs climat. Puis, on avait fait des collages féministes. On était plusieurs LGBT dans le groupe, avec cette envie de se lancer dans le militantisme. »
À une quinzaine, ils ouvrent en 2021 une cagnotte en ligne qui récolte 800 €, impriment des goodies, contactent la presse et battent le rappel sur les réseaux sociaux.
De quoi bluffer les « vieux LGBT » lorientais. « La première année, c’était la stupéfaction, dans le bon sens du terme , raconte Rhys Guillerme, homme trans de 41 ans, installé avec son compagnon à Lorient depuis quinze ans. J’ai toujours été ouvertement LGBT, mais jamais militant. À Lorient, il y a plein de LGBT mais il n’y a pas tellement de lieux communautaires, à part le Drôle De, un bar connu des anciens. Les gens sont isolés. Ils ont un pote gay ou une pote lesbienne. Il n’y a pas de sentiment d’appartenance ou de communauté d’expérience. Je ne sais pas si c’est une spécificité lorientaise… Cette idée de ne pas sortir du rang. »
La Pride de 2021 a en tout cas eu pour Rhys Guillerme l’effet d’un électro-choc. Et l’a poussé à fonder l’association Queer Asso, qui propose écoute et soutien aux personnes transgenres. « Les petits jeunes, eux, ils n’ont aucun problème avec le fait d’être visibles. Ça m’inquiète parfois, confie Rhys Guillerme. Parce que quand on est un jeune LGBT visible, il faut parfois courir vite… »
« Des gens nous ont jeté des œufs »
Comment expliquer l’émergence de cette nouvelle génération militante ? « Il y a un effet d’époque. Dans les années 80-90, il y a eu la génération des militants anti-sida. Puis, en 1998, le pacs. Et, dans les années 2010, le mariage pour tous et la PMA (procréation médicalement assistée), analyse Rhys Guillerme. Depuis quinze ans, on a grappillé des droits, de la visibilité, de la tranquillité. Mais on sent que le vent tourne un peu, que les idées réactionnaires se diffusent, pas seulement aux États-Unis. »
C’est l’une des raisons de l’engagement d’Alessio, 15 ans, qui participe, cette année, à l’organisation de la Pride : « Même si la société avance sur ces questions, il reste beaucoup à faire. Et la montée de l’extrême droite fait peur. »
Globalement bien accueilli à Lorient, le défilé de la Pride a tout de même été visé l’année dernière par des gestes isolés d’hostilité. « Des gens nous ont jeté des œufs depuis leur balcon. L’année d’avant, on nous avait jeté de l’eau », raconte Nelson.
Pour éviter les agressions, le collectif contacte la police en amont du défilé et recrute des bénévoles pour assurer la sécurité.
La Pride se veut pourtant un moment festif et convivial. Pour éviter la panne de sono survenue l’année dernière en plein défilé, les enceintes ont été changées. « On va demander sur Instagram les musiques que les gens veulent entendre », précisent les organisateurs. Et quelques drag-queens devraient être, comme l’an dernier, de la partie. « Moi je viens en pyjama panthère rose tous les ans, ça marche bien », sourit Nelson.
Samedi 3 juin, Pride Lorient. Village associatif ouvert dès 13 h 30, place Glotin. Défilé à 15 h. Plus d’info sur la page Instagram @pride_lorient
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