73,2 MILLIARDS D’EUROS D’EXONÉRATIONS DE COTISATIONS EN 2022 ! (IO.fr – 03/08/23)

En 2022, selon les chiffres publiés par la Caisse nationale Urssaf, c’est près de 10,9 % de la masse salariale qui n’ont pas été versés par les employeurs du privé. Ce fait n’est pas seulement une question financière au moment où Macron justifie sa réforme honnie.

Par Nicole Bernard

La Caisse nationale Urssaf (nouveau nom de l’agence centrale des organismes de Sécurité sociale) vient de communiquer des chiffres pour 2022. Les exonérations de cotisations atteignent la somme astronomique de 73,6 milliards d’euros pour les employeurs du privé, soit 10,9 % de la masse salariale. Et cela au moment où Macron continue de justifier la réforme honnie des retraites par les besoins de financement ! Cette question n’est pas seulement financière.

LA POLITIQUE D’EXONÉRATION POURSUIVIE, SANS INTERRUPTION DEPUIS 1991, S’ACCÉLÈRE ET EST EN TRAIN DE DÉTRUIRE LES BASES DE 1945

Les exonérations ont bondi de 13,1 % entre 2022 et 2023. La progression de la masse salariale, de 8,7 %, loin de profiter à la Sécurité sociale, a augmenté les exonérations. Comment l’expliquer ?

La masse salariale a progressé en raison de l’augmentation du Smic et des embauches réalisées en 2022. D’après la Caisse nationale des Urssaf, « le Smic progressant plus fortement que le reste des salaires, la distribution des salaires se resserre vers le Smic ».

Qu’est-ce que cela veut dire ? Les patrons, pour profiter des exonérations, font tout pour bloquer les rémunérations au niveau ou autour du Smic (rappelons que le seuil supérieur pour les exos est 1,6 Smic) ou pour multiplier les primes ou éléments de salaire extérieurs aux cotisations.

Résultat ? Comme le dit la Caisse nationale Urssaf, « cela fait entrer dans les différents dispositifs (d’exonération) des salariés rattrapés par les seuils d’éligibilité ». En bon français, de plus en plus de salariés entrent dans les critères permettant aux patrons d’être exonérés.

UNE MULTIPLICATION PAR TROIS EN DIX ANS

Alors que la masse salariale du privé a progressé de 32 % entre 2012 et 2022, le montant des exonérations est passé, lui, de 25,5 milliards à 72,7 milliards pendant la même période. Les seuils d’exonération ont augmenté (3,5 Smic pour les cotisations Famille) en même temps que les motifs (par exemple les heures supplémentaires qui permettent de flexibiliser la main-d’œuvre en payant moins de « charges »).

À la logique formidable aux origines de la Sécu, où toute augmentation de salaire profitait à la couverture sociale, s’est substituée une logique infernale où l’attrait des exonérations bloque les augmentations de salaire et généralise la pauvreté en réduisant les prestations sociales. Cette logique infernale a deux autres conséquences catastrophiques :

– des impôts qui n’ont rien à voir avec la Sécurité sociale, comme la TVA ou la taxe sur les salaires, servent à compenser (pas totalement) les cotisations exonérées au détriment des services publics ;

– les soins de santé et les allocations familiales sont de moins en moins financés par le salaire socialisé et de plus en plus par l’impôt, ce qui démembre la Sécurité sociale.

REVENIR AU MODÈLE DE 1945

La bataille pour reconquérir la Sécurité sociale inclut forcément la suppression des exonérations qui sont en train de mettre à mort le modèle de 1945.

On voit bien, avec le rapport de la Caisse nationale des Urssaf, qu’exiger le conditionnement des exonérations par des embauches ne règle rien. C’est même prendre le mal pour un remède. Il n’y a pas d’autre solution que la suppression des exonérations.

« Chacun paye selon ses moyens et perçoit selon ses besoins. » On connaît la formule et elle est très bonne. Celui qui ne peut plus travailler (chômage, retraite, maladie) n’a rien à payer. C’est la solidarité qui agit. Dès que, individuellement ou collectivement, le salaire augmente, le financement de la Sécurité sociale augmente. Il n’y a, contrairement à ce qui se passe pour les assurances privées et, maintenant, pour de nombreuses mutuelles, aucun lien entre le montant de la cotisation et la couverture garantie qui doit dépendre des seuls besoins. Celui qui ne peut pas payer car il n’a pas de gain sera remboursé comme celui qui cotise au plafond.

AUX ORIGINES DE LA SÉCU : LE FINANCEMENT PAR LES COTISATIONS SOCIALESL’article 30 de l’ordonnance du 4 octobre 1945 stipule que « la couverture des charges de la sécurité sociale est assurée (…) par des cotisations assises sur l’ensemble des salaires ou gains perçus par les bénéficiaires des législations »1.De 8 % en 1930 (4 % employeur et 4 % salarié), les cotisations passent à 28 % en 1945 (22 % employeur et 6 % salarié), auxquels il faut ajouter la cotisation accident du travail qui varie selon le comportement de l’employeur au regard des accidents du travail.Le financement par les cotisations assises sur les salaires est d’une puissance formidable : toute augmentation de la masse salariale (création d’emplois, augmentation des salaires par des mesures individuelles ou collectives) rapporte AUTOMATIQUEMENT des sous à la Sécurité sociale pour satisfaire les besoins.C’est ce fondement que le développement exponentiel des exonérations est en train de saper.N. B.

Source : 73,2 milliards d’euros d’exonérations de cotisations en 2022 ! (infos-ouvrieres.fr)

URL de cet article : 73,2 MILLIARDS D’EUROS D’EXONÉRATIONS DE COTISATIONS EN 2022 ! (IO.fr – 03/08/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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