Le capitalisme, la tête à l’envers ? (PRC-23/10/25)

Le capitalisme marcherait sur la tête, en tout cas, quelques zélés défenseurs s’en alarment. Ainsi un économiste « orthodoxe » tel Patrick Artus (dans le Monde du 18 octobre) pointe l’écart croissant entre l’augmentation d’accumulation d’actifs (titres financiers, immobiliers) et la croissance du PIB. Ainsi, la richesse financière des ménages états-uniens est passée de 335% du PIB en 2000 à 447% en 2024. Les données sont moins spectaculaires pour la France : de 202% à 222% du PIB.

Concernant la richesse immobilière des ménages, celle-ci s’est accrue de 207% à 246% du PIB aux Etats-Unis (malgré la crise de 2008) et de 226% à 310% du PIB en France.

Par ailleurs, l’économiste note également un écart sur le long terme entre progression des indices boursiers et croissance du PIB.

Evidemment, la question ici n’est pas de s’interroger au sujet de la répartition de ces richesses mais des effets d’un tel décalage entre croissance de ladite richesse et du PIB sur les moteurs de la croissance. Selon les vues de Patrick Artus, cette configuration condamne en quelque sorte les politiques économiques classiques qui tentent de susciter des relances de consommations (hausse de la dépense publique, politique salariale, etc.) ou d’encourager la production (soutien aux entreprises, politique de l’offre). En effet, les ménages seraient plus sensibles à l’évolution de leur patrimoine afin de décider ou non de consommer (la consommation représente les deux tiers du PIB).

En clair, la conjoncture économique se fait davantage à la corbeille de la Bourse qu’au sein de l’économie « réelle ». En un sens, cet économiste découvre l’ampleur de la « financiarisation » de l’économie…

En première remarque, la notion de PIB mérite d’être examinée plus attentivement, surtout au sein des économies dans lesquelles le secteur tertiaire représente plus des deux tiers de la production de « richesse »1 (en fait, le terme le plus adéquate est bien production de valeur d’échange). La « production » des banques et fonds financiers est à mettre en relation avec l’accroissement des richesses immobilières et financières d’une partie (à déterminer) des ménages.

En second lieu, la richesse patrimoniale demeure une « estimation » à un temps t. Une action d’une entreprise vaut ce que les spéculateurs en pensent à seulement un instant. Idem au sujet des logements, avec toutefois une interaction diffuse avec la construction de logements.

Alors de deux choses l’une et une seulement : soit nous vivons depuis le début du siècle dans une douce euphorie, entrecoupée de petit séisme type crise des « subprimes », qui devrait s’achever brutalement par un retour au réel avec dépréciation brutale du patrimoine engrangé par une partie des ménages et alors la crise de 1929 ferait figure de roupie de sansonnet ou bien le capitalisme à la mode occidentale est décidé à maintenir la fiction d’une économie relativement prospère de propriétaires mais qui ne produit rien hormis des produits financiers gagés de plus en plus sur d’autres produits financiers, c’est-à-dire sur du vent.

D’une certaine manière, les dettes de l’Etat participent à cette régulation dans la mesure où elles fournissent un moyen de placements sûrs des ménages les plus aisés. Mais il faut veiller à ce que les taux sur les obligations d’Etat ne grimpent pas sinon ses détenteurs verraient leur richesse s’amoindrir2. D’où l’intérêt à une bonne note par les agences de notation.

Il est curieux que, dans un tel contexte, le souci de réindustrialisation soit porté aujourd’hui par ceux-là même qui ont « construit » la configuration capitaliste actuelle. Finalement, le seul PIB qui compte, ce n’est pas le PIB marchant mais le PIB manufacturier et de fait, en la matière, les jeux sont déjà faits avec une prédominance chinoise ahurissante3.

Le mode capitaliste occidental constitue un éteignoir pour les forces productives locales (qui œuvrent pour le PIB manufacturier), seules en mesure de le contester sur le fond. Pour cette raison, également convaincus que le système actuel met en risque l’ensemble du monde du travail à terme, il est nécessaire de porter l’idée de réindustrialisation, un enjeu décisif. C’est le thème des débats que notre parti organisera en régions et au plan national autour d’un document de travail actuellement sous presse.

Notes:

1- 70% pour la France

2-Une obligation est un titre de dettes qui porte intérêt. Si le taux d’intérêt augmente pour les nouvelles obligations, la revente de l’obligation détenue s’effectuera avec une décote (puisqu’elle porte un taux d’intérêt désormais moins intéressant).

3-4670 milliards de dollars contre 2400 milliards pour les Etats-Unis et 2480 pour l’Union européenne

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Source: https://www.sitecommunistes.org/index.php/france/economie/3622-le-capitalisme-la-tete-a-lenvers

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