Dossier sensible, l’élevage industriel porcin d’Avel-Vor, surnommé la « mégaporcherie » de Landunvez, cristallise, depuis sept ans, les tensions. Ses opposants attendent beaucoup de l’enquête du pôle régional d’atteinte à l’environnement.

Dimanche 11 juin 2023, à l’appel du collectif « Stoppons l’extension de la porcherie Avel-Vor », environ 250 personnes ont participé à une manifestation « anti-élevage intensif » à Landunvez. | ARCHIVES OUEST-FRANCE
Dossier sensible, la porcherie de l’Avel-Vor, à Landunvez, à la pointe du Finistère nord, défraye la chronique depuis sept ans, cristallisant les tensions dans un climat de suspicion sans cesse ravivé.
Eaux potable et de baignades dégradées, pollutions du sol et de l’air, plage du Château fermée… Cette situation perdure depuis 2019 à Landunvez. Les analyses de l’Agence régionale de santé (ARS) Bretagne y ont régulièrement détecté une trop grande concentration d’Escherichia coli et de streptocoques, des bactéries présentes dans les intestins, potentiellement toxiques, dont l’origine reste floue.
Les opposants à ce qui est devenu la « mégaporcherie » n’ont de cesse de dénoncer ces multiples nuisances liées, selon eux, à l’élevage de Landunvez, tout en pointant « une situation incompréhensible ».
Huit cochons pour un habitant
À savoir un feuilleton juridique qui n’en finit pas de rebondir. À Landunvez, commune côtière de 1 500 habitants, la ferme d’Avel-Vor, l’un des élevages porcins les plus importants de France, s’est étendue pour atteindre 12 000 porcs, soit 26 000 porcs charcutiers produits à l’année.
« À l’échelle de la commune, cela représente huit cochons pour un habitant », selon le collectif « Stoppons l’extension d’Avel-Vor ». Composé d’associations et de citoyens, le collectif estime que « 33 tonnes d’ammoniac sont produites, tous les ans, par cet élevage ». Son propriétaire, Philippe Bizien, déclare en effet « émettre, chaque année, de 33,3 à 41,9 tonnes d’ammoniac », un gaz irritant à l’origine de la formation de particules fines.
Trois fois régularisée par le préfet
L’infrastructure est située à moins de 300 m du bourg. Baptisée « Avel Vor », « Le vent de la mer » en breton, elle diffuse pourtant des effluves potentiellement toxiques et très malodorants. Dans son périmètre se trouvent école, crèche, commerces, salle de sport, aire de jeux pour enfants et quartier résidentiel.
Deux décisions de justice ont établi que l’exploitation n’aurait pas dû être agrandie. Par deux fois, l’annulation de la régularisation de la porcherie a été prononcée. Loin de réclamer une diminution du cheptel, la préfecture accordait pourtant une autorisation provisoire à l’Avel-Vor. Et ouvrait une nouvelle enquête publique, étape nécessaire avant la régularisation de l’élevage.
« Contre toute attente, le commissaire-enquêteur s’est alors prononcé en faveur du projet », dénonçait alors Laurent Le Berre, administrateur d’Eau & rivières de Bretagne et président de l’APPCL, l’association pour la protection et la promotion de la Côte des Légendes.
« On se fout de nous ! »
En août 2022, en opposition à une action du collectif « Stoppons l’extension d’Avel-Vor », une manifestation réunissait 350 soutiens à l’éleveur Philippe Bizien, parmi lesquels une majorité d’agriculteurs.
« Je ne comprends pas toute cette haine », remarquait Sophie, une éleveuse des Côtes-d’Armor, à la manif de soutien : « On n’oblige personne à manger de la viande. Mais il y a de plus en plus de gens à nourrir sur la terre. Il faut bien qu’on fasse notre travail. »
Et, en novembre 2022, le préfet Philippe Mahé autorisait l’agrandissement de l’Avel-Vor : « Malgré des avis négatifs, le préfet a régularisé, par trois fois, cette mégaporcherie, compte le collectif. Elle produit 60 tonnes de lisier par jour ».
Le préfet mettait aussi en place une « instance locale de suivi » de la qualité de l’eau sur ce territoire. « On mettra en toute transparence, sur la table, le suivi de la qualité de l’eau, assurait alors Philippe Mahé. S’il y a des pollutions, on en cherchera l’origine ». Une instance que Laurent Le Berre qualifiait de « vaste plaisanterie ».
« Acharnement » et « ras-le-bol »
Longtemps à la tête du Comité régional porcin, trésorier de l’UGPVB, l’Union des groupements producteurs de viande de Bretagne, Philippe Bizien est également président d’Evel’Up, la deuxième coopérative française de porcs, qui compte 1 000 adhérents et 3,6 millions de porcs produits par an. L’éleveur est l’un des plus gros employeurs du coin.
Dénonçant un « acharnement » à son égard, Philippe Bizien « rejette les accusations », en se basant notamment, sur les résultats des prélèvements effectués par l’Agence régionale de santé, l’ARS. S’il se dit « ouvert au dialogue », il refuse désormais de répondre à nos sollicitations.
« Le sujet de la ferme Avel-Vor est particulièrement clivant, observe le maire de Landunvez, Christophe Colin. Il a créé un ras-le-bol chez la majorité de la population de la commune ». Interdiction de la baignade, du surf, de la pêche à pied sur la plage fermée : « La situation est devenue intenable pour de nombreux habitants », contrecarre Laurent Le Berre.
« Des fermes, pas des usines ! »
En janvier 2023, le pôle régional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement a ouvert une enquête préliminaire après la plainte contre X pour « mise en danger de la vie et de la santé d’autrui ».
Une plainte déposée, en novembre 2022, par le collectif « Stoppons l’extension d’Avel-Vor » : « Un premier pas et une bonne nouvelle pour la démocratie », estimait Armelle Jaouën, la porte-parole du collectif, appuyée par une pétition signée par 800 personnes.
Rejoint par le groupe local de Brest de Greenpeace France, Eau et rivières de Bretagne, ainsi que l’association Avenir et environnement en pays d’Iroise, le collectif Stoppons l’extension d’Avel-Vor a organisé, dimanche 11 juin 2023, un Carnaval des animaux à Landunvez. 250 personnes ont défilé en scandant le slogan « Nous voulons des fermes, pas des usines ! »
Auteur : Frédérique Guiziou
Source : Dans le Finistère, la « mégaporcherie » de Landunvez sous haute tension (ouest-france.fr)
URL de cet article : Dans le Finistère, la « mégaporcherie » de Landunvez sous haute tension (OF.fr 19/06/2023) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)