La politique du gouvernement aggrave les déserts médicaux (IO.fr-13/04/24)

Emmanuel Macron, Bruno Le Maire, Gabriel Attal, lors d’un séminaire gouvernemental, le 12 mars (photo AFP).

Par Dr Marie-Paule LEMONNIER

Le 6 avril, devant un parterre de journalistes triés sur le volet, le Premier ministre Gabriel Attal a décliné un ensemble de mesures pour « reconquérir 15 à 20 millions de rendez-vous chez les généralistes dès cette année, et fluidifier l’accès aux soins ». Une nouvelle fois, il s’agit de décisions politiques cyniques, mensongères et dangereuses pour les patients.

Première annonce : la formation de 12 000 étudiants en médecine en 2025, 16 000 en 2027 (Sud-Ouest, 6 avril). Rien n’est dit pour 2026. Avec l’hypothèse optimiste (et probablement fausse) de 16 000 étudiants admis en deuxième année de médecine dès 2026, 44 000 étudiants débuteront leur formation dans les trois années qui viennent et termineront leurs études entre 2035 et 2037. Selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, 69 300 praticiens devraient partir à la retraite entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2033. Clairement, le compte n’y est pas.

Le Premier ministre le sait très bien puisqu’il annonce « 2 700 professionnels étrangers vont venir renforcer les hôpitaux cette année ». Cynisme du gouvernement. Il y a quatre mois, le gouvernement a cherché à licencier 4 000 médecins hospitaliers étrangers (Padhue). Il a dû faire un pas en arrière devant la détermination de ces médecins mais ne les a réintégrés sur leur poste que pour un an.

Prescription sans examen clinique : la négation de la médecine

Deuxième annonce : « Dès le mois de juin, les pharmaciens pourront prescrire des antibiotiques pour des infections comme les angines ou les cystites ». Le gouvernement officialise ainsi le principe de la prescription sans examen clinique que ne peuvent pas faire les pharmaciens. C’est la négation de la médecine. Gabriel Attal va encore plus loin : « Nous allons expérimenter (…) la possibilité d’aller consulter directement un kiné, par exemple quand on a une lombalgie, sans passer par un généraliste ».

Cette mesure est extrêmement dangereuse pour les patients. Combien dont la lombalgie sera le signe d’une maladie bien plus grave qu’un simple lumbago vont ainsi perdre du temps et des chances de guérison ?

Même risque pour l’accès direct au spécialiste. Une douleur thoracique n’est pas nécessairement un problème cardiaque.

Troisième annonce : la « taxe lapin ». Les patients qui annuleront un rendez-vous chez le médecin moins de 24 heures avant la date devront payer 5 euros. Encore une fois, les patients sont montrés du doigt et rendus responsables de l’effondrement du système de santé. Ce sont eux qui considéreraient comme « open bar » les urgences et les médicaments, ce sont eux et non le gouvernement et sa politique de santé qui seraient responsables des délais d’attente trop long pour avoir un rendez-vous.

Des mesures simples et rapides peuvent être mises en place

Un peu partout en France, des hôpitaux, des services sont menacés. À Livry-Gargan (93), le docteur Atlan reçoit plus de 10 000 patients par an au sein de la clinique Vauban. Il vient de se voir interdire l’accès à son cabinet.

Auparavant, l’ARS a fermé la maternité de l’établissement et son centre d’IVG, dans un département où le taux de mortalité infantile est de 35 % supérieur à la moyenne nationale.

Qu’attend le gouvernement pour entendre les milliers d’habitants, avec les soignants, les élus, les syndicats qui se battent pour le maintien de leur hôpital et de l’offre de soins ?

En juin 2023, Bruno Le Maire déclarait vouloir faire des économies en limitant les prescriptions d’arrêt de travail. Immédiatement, la Caisse primaire d’Assurance maladie a menacé de sanction des milliers de médecins jugés « gros prescripteurs ». Ainsi harcelés, combien de médecins proches de la retraite ont-ils fermé leur cabinet ?

Et combien de jeunes médecins, sur lesquels pèse en plus la menace de la remise en cause de la liberté d’installation et de l’obligation des gardes renoncent-ils à s’installer ?

10 % des étudiants en médecine arrêtent en cours d’études, 45 % envisagent de le faire, selon l’Association nationale des étudiants en médecine de France.

La raison principale est financière : le prix exorbitant des prépas pour pouvoir passer le concours de fin de première année, la rémunération très insuffisante des stages à l’hôpital.

Suppression du numerus apertus et revalorisation des stages peuvent se décider immédiatement. Mais pour cela, il faudrait une véritable volonté politique de sauver le système de santé. Or, non seulement le gouvernement ne fait rien contre les déserts médicaux, mais toute sa politique vise à les aggraver.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/04/13/la-politique-du-gouvernement-aggrave-les-deserts-medicaux/

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