
© Emmanuelle Pays / Hans Lucas
L’Humanité donne, chaque semaine, la parole à une figure du Nouveau Front populaire. Aujourd’hui,Cécile Cukierman, parlementaire PCF et présidente du groupe CRCE-K au Sénat, estime que le Nouveau Front populaire doit rester soudé, en plus de percer le mur du son médiatique sur les faits de société pour mieux combattre le populisme et le libéralisme.
Entretien réalisé par Aurélien SOUCHEYRE.
Michel Barnier va faire son discours de politique générale ce mardi 1er octobre. À quoi vous attendez-vous ? Quels sont les dangers pour les Françaises et les Français ?
Sans surprise, je m’attends à un discours de droite. L’exécutif prépare les esprits à l’austérité et à une baisse drastique de la dépense publique. Les Français ont pourtant plus que jamais besoin de véritables services publics pour bien vivre. Ce gouvernement se caractérise par son refus d’augmenter les salaires et de revenir sur la réforme des retraites. Michel Barnier n’a d’ailleurs pas eu un mot concernant le pouvoir d’achat. C’est inquiétant.
J’entends par contre qu’il se pose la question d’aller chercher quelques milliards d’euros sur le terrain fiscal auprès des plus aisés. S’il va jusqu’au bout, ce sera toujours cela de pris.
Mais il est combattu sur ce sujet par Gabriel Attal et Gérald Darmanin. Je suis sidérée par leur manière de mener ce débat. Prétendre qu’il ne faut surtout pas poser la question fiscale revient à bloquer le développement des services publics et à enterrer toute redistribution des richesses. Et donc à sacrifier les plus fragiles.
Craignez-vous que ce gouvernement, composé de membres des « Républicains » et la Macronie avec la bénédiction du RN, ne tente de relancer les pires dispositions de la dernière réforme de l’immigration ?
Toute surenchère visant à instaurer la préférence nationale, à supprimer l’aide médicale d’État, le droit du sol ou le droit au regroupement familial conduirait ce gouvernement dans l’impasse. Le front républicain a été le grand gagnant des législatives, et je demeure convaincue que la droite républicaine n’a pas vocation à devenir l’extrême droite. Les ministres LR doivent maintenant en faire la démonstration. Ils bénéficient aujourd’hui du silence et de la bienveillance du RN. À eux d’en tirer les conséquences.
Que pensez-vous de la diabolisation de l’immigration orchestrée par la droite, qui a franchi un nouveau cap après le meurtre de Philippine ?
Le meurtre de cette jeune fille est un drame absolu. Mais nous sommes dans un pays où la droite a fait de la nationalité du meurtrier une priorité afin de détourner le débat. Or, il s’agit avant tout d’un féminicide, et ce meurtre aurait été tout aussi inacceptable s’il avait été commis par une personne de nationalité française.
Toute l’année, des femmes sont assassinées par des gens qui ne sont pas sous OQTF et leurs vies sont tout aussi précieuses. J’aimerais qu’à chaque féminicide dans notre pays les médias en parlent autant que de Philippine. Mais sur ce sujet comme sur d’autres, le pouvoir médiatique a décidé que nous ne franchirions par le mur du son. Percer ce mur doit être l’un de nos combats prioritaires à gauche.
Le Nouveau Front populaire s’est constitué avec deux objectifs : écarter le danger du RN, et conquérir le pouvoir. Mais que faire maintenant ?
Il va falloir gagner des voix. Pour gouverner, il faudra faire plus de 30 % aux élections… Notre discours doit redonner espoir et démontrer que nous sommes en capacité de changer la vie, en nous adressant à une France une et indivisible qui ne s’oppose pas entre les territoires. Nous devons rassurer.
« Être de gauche, ce n’est pas forcément avoir une attitude clivante : on peut avoir un discours très combatif sans qu’il soit dans l’outrance. »Cécile Cukierman
Être de gauche, ce n’est pas forcément avoir une attitude clivante : on peut avoir un discours très combatif sans qu’il soit dans l’outrance. Et nous devons répondre à tous les sujets, notamment celui du droit à la tranquillité et à la sécurité. Il nous incombe enfin de bien laisser de côté les règlements de comptes médiatiques.
Loin des petites phrases, la vie des gens se dégrade. Il y a urgence. Le NFP doit donc renforcer son travail entre partis, organisations syndicales et associations. Ce qui est certain, c’est que seule l’unité dans le respect des sensibilités de chacun nous permettra de gagner. L’unité est très exigeante à faire vivre. Mais elle représente la seule solution pour obtenir demain une victoire incontestable dans ce pays.
Croyez-vous aux « fâchés pas fachos » qui pourraient demain revoter à gauche ?
Il y a un sentiment de déclassement pour beaucoup, lié au chômage, aux bas salaires, à l’éloignement, aux difficultés quotidiennes… Et il y a un petit fond raciste, une forme de peur de l’étranger. Quand l’intérêt général est mis à mal, ce fond remonte très facilement.
Quand la gauche n’apparaît pas comme l’alternative crédible, quand la colère plutôt que la revendication s’impose, alors l’extrême droite progresse. Quand l’idée que « l’on se fout de nous » prospère, les discours populistes peuvent prendre le dessus.
Or, le racisme est un populisme. Dire qu’il y en a trop d’étrangers dans ce pays et qu’ils seraient la cause de tous les maux est un populisme que la gauche doit combattre, comme tous les populismes. Le défi est immense pour nous, car nous faisons de plus face à l’individualisme.
Nous devons combattre les idées libérales qui renvoient chacun face à lui-même. À gauche, tout le monde est important et tout le monde doit s’émanciper. C’est cet objectif qui doit nous animer pour gagner.
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