
Environ 1 500 personnes ont défilé le 20 septembre à Bure contre le projet Cigéo, qui prévoit l’enfouissement des déchets radioactifs les plus dangereux. Un nouvel élan pour la lutte antinucléaire.
Manifestation contre les déchets nucléaires à Bure (Meuse), le 20 septembre 2025. – © Amanda Jacquel / Reporterre
Environ 1 500 personnes ont défilé le 20 septembre à Bure contre le projet Cigéo, qui prévoit l’enfouissement des déchets radioactifs les plus dangereux. Un nouvel élan pour la lutte antinucléaire.
Par Amanda JACQUEL
Bure (Meuse), reportage
« Andra dégage ! Résistance et sabotage ! » Départ à 14 heures, le 20 septembre, pour une boucle de 7 km partant de Mandres-en-Barrois et passant par la Maison de la résistance à Bure. Objectif : dénoncer, encore une fois, Cigéo, le projet d’enfouissement de 85 000 m3 de déchets nucléaires.
Haut en couleur, le cortège d’environ 1 500 personnes (700 selon la préfecture) rassemble des drapeaux jaunes de la Confédération paysanne, roses de Solidaires, rouge d’Attac, verts de Greenpeace ou encore le drapeau de la Palestine et les écharpes des élus locaux et nationaux, parmi lesquels Mathilde Panot (La France insoumise) et Sandrine Rousseau (Les Écologistes). « C’est la première fois que le mouvement climat appelle à une manifestation antinucléaire », souligne au micro Angélique Huguin, Meusienne et coordinatrice juridique des Fronts contre Cigéo, avant d’appeler à marcher pour le climat le 28 septembre.
« Cet aspect ultra-unitaire est inédit », sourit Yasmina [*], citant les bus venus de Nantes, d’Alsace, de Lyon et de Paris, et « la présence de camarades de La Hague, d’Allemagne, d’Italie et du Japon ».

Yûki Takahata, de l’association Yosomono Net, a fait le déplacement depuis Paris, alors qu’on commémore cette année les 80 ans de l’horreur des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, au Japon : « Il faut rappeler que le nucléaire n’apporte que souffrance, maladies et mort pour les futures générations, pour l’éternité. Il faut continuer à transmettre nos connaissances aux jeunes générations. » Elle observe avec espoir « un renouveau de la lutte, avec beaucoup de jeunes sur place ».
Olivier, paysagiste des Ardennes, parle lui aussi de « renaissance du mouvement alors que les travaux [de Cigéo] vont bientôt commencer ». Il se souvient être venu il y a des années : « Symboliquement, on avait semé du blé là où se tient le labo aujourd’hui. C’est triste à voir, c’est un territoire sacrifié. »

Cette manifestation s’inscrit dans un moment crucial : les expropriations vont bon train, la gare de Luméville-en-Ornois — achetée en 2007 par un groupe de militants — sera expulsable à compter du 11 octobre, la demande d’autorisation de création (DAC) est en cours d’instruction et les travaux sont annoncés entre fin 2027 et début 2028. « Tout se joue maintenant, c’est le moment de résister, insiste Yasmina. Il faut qu’on arrête de produire ces déchets et qu’on puisse décider, démocratiquement, de ce qu’on en fait. »

Surveillance exacerbée
Le bruit de l’hélicoptère le rappelle : cette manifestation se déroule sous haute surveillance. Les autorités craignent la création d’une nouvelle zone à défendre (zad). 920 gendarmes et des véhicules blindés ont été mobilisés sur ce territoire déjà marqué par une perpétuelle surprésence de l’armée.
La préfecture avait également établi des « zones d’exclusion », dont le bois Lejuc, haut symbole de la lutte antinucléaire à Bure, et les installations de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). « La préfecture fait comme si ce n’étaient pas des gens du territoire qui le défendaient, pour créer une confrontation avec les opposants à Cigéo. Pourtant, nombreux sont les habitants qui refusent d’être expropriés de leurs terres », tient à souligner Yasmina.

Les « affrontements » tant redoutés par l’État n’auront été que minimes. Environ une heure après le départ de la manifestation, le cortège se scinde, brièvement, en deux parties : l’une poursuit sur l’itinéraire autorisé, l’autre, composée d’environ 200 personnes du mouvement autonome, parvient à faire reculer les gendarmes avant que des renforts n’arrivent et que des champs ne soient gazés. La gendarmerie a tiré des gaz lacrymogènes et des grenades de désencerclement de type GM2L, rapportent des manifestants. Deux personnes du cortège autonome ont été évacuées pendant la manifestation.
Plus tard, d’autres gaz seront lancés pour empêcher l’accès au bois Lejuc, alors qu’une boum s’improvise dans un champ adjacent au parcours autorisé.
« Bure c’est la terre, pas le nucléaire ! », « Non à l’enfouissement, oui aux paysans ! » : autant de slogans et d’actions qui rappellent l’importance d’un territoire à défendre, d’une préservation des ressources en eau jusqu’à la forêt. Trente ans après, la lutte se réaffirme, plus que jamais.
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Source: https://reporterre.net/Manifestation-antinucleaire-a-Bure-C-est-le-moment-de-resister
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/manifestation-antinucleaire-a-bure-cest-le-moment-de-resister-reporterre-22-09-25/