Dominique Tanguy a bénéficié des soutiens de ses collègues et de sa famille (sa fille, Marie Tanguy-Gomes, sur la photo) jusque dans la salle d’audience du tribunal judiciaire de Brest. (Le Télégramme/Yann Le Gall)
Relaxe ou amende de 850 euros ? Dominique Tanguy devra attendre le 27 mars et le délibéré du tribunal judiciaire de Brest pour connaître son sort après le refus de réquisition du préfet du Finistère.
« Deux mois, c’est long pour réfléchir au jugement d’une affaire comme ça », s’étonnait Dominique Tanguy en quittant le palais de justice de Brest, ce lundi 30 janvier 2023. S’il doit encore ronger son frein avant le délibéré, l’audience à laquelle venait de comparaître le garagiste de Plouzané, avait cependant de quoi le rassurer. Au pire, pour son refus de réquisition de ses remorques de dépannage par le préfet du Finistère, le 17 mars 2022, dans le but d’enlever les tractopelles ou camions d’entreprises du BTP qui bloquaient le dépôt pétrolier de Brest, il risque une peine d’amende de 850 euros.
Comme l’a d’ailleurs demandé la procureure de la République, Véronique Wester-Ouisse, au terme d’une réquisition rappelant qu’il avait déjà refusé de déférer à la requête de l’autorité administrative (en 2018, dans un contexte similaire). Une réquisition du ministère public que le conseil du prévenu a trouvé « succincte, peut-être mal à l’aise ». Au contraire, Me Bertrand Labat a pris son temps pour développer sa plaidoirie visant un seul but : la relaxe.
« Aujourd’hui, le pouvoir exécutif est tout-puissant »
« Dominique Tanguy n’avait pas les moyens matériels, ni humains de répondre à l’ordre du préfet. Il aurait fallu l’armée pour dégager tous les véhicules. De plus, deux jours après (le début du blocus du dépôt pétrolier), l’urgence était-elle requise ? », a interrogé l’avocat de la défense, estimant, qu’en l’espèce, le préfet du Finistère « a usurpé » l’article du code des collectivités territoriales lui donnant pouvoir de réquisition.
« Outre le droit, il y a, dans ce dossier scandaleux, quelque chose qui me dérange profondément. Aujourd’hui, en France, le pouvoir exécutif est tout-puissant. Cela me choque que le préfet du Finistère appelle le procureur qui joint la colonelle de gendarmerie (commandante du groupement finistérien) pour que Dominique Tanguy obéisse, courbe l’échine ». L’avocat rappelle l’épisode de la garde à vue, finalement non exécutée, de son client, ce fameux 17 mars 2022.
« La vie de mes employés d’abord »
Mais le Plouzanéen n’est pas du genre à se laisser faire. Surtout quand il estime avoir agi correctement : « Si j’avais envoyé un salarié sur le blocus et qu’il s’était blessé, le responsable, c’était moi. La vie de mes employés d’abord. Le préfet pouvait disposer d’autres moyens », insiste Dominique Tanguy. « Mon métier, c’est d’enlever, pas d’évacuer la voie publique des manifestants ». Surtout lorsqu’il s’agit de clients « et même de confrères » qui représentent 80 % de son chiffre d’affaires.
Mobilisation interrégionale pour une première en France
Propos qui ont reçu l’approbation silencieuse des huit rangs du tribunal, occupés par des collègues venus le soutenir. Débarquant avec leurs véhicules, une quarantaine de pros du dépannage et des BTP – du grand Ouest et de Seine-et-Marne -, ont marqué leur solidarité avec Dominique Tanguy, en occupant, le matin, deux giratoires à l’entrée de l’agglomération brestoise (Penn-ar-C’hleuz et Kergleuz) puis en reformant une escorte, en convoi, jusqu’à l’audience. Dans la profession, cette première affaire de jugement d’un refus de réquisition préfectorale, en France, a un retentissement national.
Auteur : Yann Le Gall