Le centre de recherche bretonne et celtique et l’université de Bretagne occidentale organisent jeudi 24 et vendredi 25, à Brest, un colloque sur « Les victimes de 1944 en Bretagne », à la fac Victor-Segalen (*). L’occasion, avec le professeur Sébastien Carney, d’établir comme un prologue sur un sujet resté sensible.
Par Steven Le ROY.
Pourquoi avoir ciblé deux jours de colloque sur une année spécifique, 1944, et un territoire spécifique, la Bretagne ? Est-ce une période moins connue de la Seconde Guerre mondiale ?
L’idée que nous avons portée, avec le professeur Christian Bougeard, le grand spécialiste breton de la question, et Claude Pennetier, de l’association « Le Maitron », est de se focaliser sur cette année 44, surtout en été. Elle est le symbole d’une recrudescence de violences allemandes et de leurs troupes supplétives, les Français, donc. Enlèvements, prise d’otages, rafle : les crimes en Bretagne étaient réguliers, presque quotidiens. Nous voulions savoir s’ils étaient de spécialité locale ou si nous pouvions les comparer à d’autres régions. Et puis il y a ces histoires de fusillés, à Gouesnou, Plouvien ou Saint-Pol de Léon. À défaut d’être cachés, ils ont été comme occultés par le massacre d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) qui semble être l’arbre qui cache la forêt. Pourtant, 80 ans plus tard, je me rends compte que nombre de mes étudiants me disent qu’ils ont dans leur ascendance, des membres de leur famille qui ont été fusillés.
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Vous êtes un spécialiste du mouvement breton. A-t-il été décisif durant cette période ?
Non, car il est en déroute. Il reste bien l’unité Perrot qui se bat jusqu’à début août et après, c’est fini. Dans ma communication, qui se fond au milieu d’une vingtaine d’autres, je m’intéresse surtout à ces militants bretons qui ont été tués par les libérateurs, bretons eux aussi. Leur militantisme était un problème car trop actif et surtout trop proche des Allemands. Ce qui est paradoxal pourtant, c’est que parmi les victimes, il n’y a personne de réellement connu. Pas parmi ceux-là. En 1944, le mouvement breton n’a pas de vrais martyrs.
Vous dites qu’il est presque mort en 1944 mais ce mouvement breton va rapidement renaître de ses cendres. Comment ?
C’est un angle mort de la recherche. Je vais m’intéresser aux dix ans qui ont suivi la fin de la guerre pour comprendre, tenter des zooms sur des événements précis mais à proprement parler, il n’y a rien d’exceptionnel. Tout juste peut-on mentionner une relation rétablie avec les Gallois en 1947.
Vous évoquez un mouvement breton proche de l’occupant. Pour autant, a-t-il connu des résistants ?
Rien n’est vérifié. Quand est-ce que les militants bretons cessent de l’être pour devenir des résistants ? Je ne peux pas en parler, je n’ai pas assez travaillé sur cette question précise. Ce que je sais, c’est qu’un tailleur-barde de Saint-Pol de Léon, François Stéphan, a été victime d’une rafle en 1944 et fusillé à la prison du Bouguen, à Brest. Il était résistant mais ses enfants étaient scolarisés dans un établissement scolaire animé par le mouvement breton, où ils côtoyaient d’autres enfants en uniforme allemand. Je dois dire qu’à mes yeux, c’est totalement incompatible.
* « Les victimes de 1944 en Bretagne », colloque à la fac Victor-Segalen les jeudi 24 (9 h-17 h 30) et vendredi 25 (8 h 30-16 h 30), salle des thèses. Entrée gratuite.
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