
Accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) depuis huit ans, la Carhaisienne Julie Roulland continue, bien qu’elle soit diplômée, à voguer de CDD en CDD. « Pas facile de faire des projets », lance-t-elle.
Née en région parisienne, Julie Roulland, 27 ans, est arrivée dès l’âge de 8 ans à Carhaix. « J’étais une enfant solitaire qui avait du mal à se mélanger aux autres. Je ne trouvais pas ma place à l’école. J’étais aussi plus mature de par mon histoire familiale, le divorce de mes parents et mes nombreux changements d’école », raconte-t-elle. Toute petite, Julie se voyait déjà faire la classe à des enfants. « Mon jeu préféré était de jouer à la maîtresse avec mon demi-frère. Je préparais les cours pendant des heures », raconte-t-elle. Son rêve de devenir institutrice s’est toutefois heurté à des difficultés d’apprentissage.
« Lâchée dans la nature »
Elle décide alors de devenir Atsem et s’inscrit, dès 2010, à la MFR de Morlaix. À la partie théorique s’ajoute la pratique, par le biais de l’alternance qu’elle effectue à Carhaix, à l’école et en crèche. En 2015, Pôle emploi lui suggère un contrat aidé d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) à Landeleau. « Il n’y a pas eu de formation préalable et j’ai eu un peu le sentiment d’être lâchée dans la nature lorsque je me suis retrouvée à accompagner un enfant autiste », lance-t-elle.
Épanouie et heureuse
Pendant quatre ans, Julie s’occupe du même enfant, même quand celui-ci change d’école. « J’ai dû faire plus de route, sans être défrayée ». Mais là n’est pas le plus important aux yeux de cette passionnée : « J’ai vu un réel changement chez lui. J’étais épanouie et heureuse d’avoir réussi », se félicite-t-elle. Le travail au sein des établissements scolaires n’est toutefois pas toujours chose facile. « Ça dépend sur qui on tombe. On a l’impression d’être un objet de la classe. Il faut parfois subir les ordres de l’instit, c’est dur ! Et puis le mérite revient souvent à l’instit, et pas à l’AESH ». Elle tempère toutefois son propos : « Ce n’est pas le cas aujourd’hui. À l’école Huella, à Carhaix, j’ai trouvé l’équipe rêvée ! »

« J’aime les défis ! »
En 2019, lorsqu’un poste d’AESH se libère à Carhaix, la jeune femme voit l’opportunité de se rapprocher de son domicile. L’année suivante, on lui confie l’accompagnement d’un jeune aveugle. « J’aime les défis, mais j’ai quand même regretté que la profession ne m’épaule pas davantage, lance-t-elle. Heureusement, j’ai été bien aidée, par contre, par l’association Initiatives pour l’inclusion des déficients visuels. J’ai appris les bons gestes grâce à eux ! Et en me documentant ».
Motivée, la jeune femme obtient, en 2021, un Diplôme d’État d’accompagnement éducatif et social. « Je voulais me prouver à moi-même et à ceux qui ne croient pas en moi ». Malgré cette reconnaissance, Julie n’est toujours pas titularisée. Voilà huit ans en effet qu’elle vogue de CDD en CDD. « C’est injuste par rapport à ceux qui ne font pas cette démarche. Il y a des gens qui arrivent dans cette profession par défaut ». ?Elle se raccroche aujourd’hui à l’espoir d’obtenir le CDI qu’on lui promet pour septembre 2023. « Actuellement, c’est l’angoisse tous les deux ans, pour savoir si le contrat sera renouvelé. C’est compliqué pour faire des projets ! »
« Penser à se protéger ! »
Julie regrette que la profession d’AESH soit toujours aussi peu reconnue. « Il y a un manque de reconnaissance de nos supérieurs. Plus généralement, certains ne se rendent pas compte de l’investissement que ça représente », lâche-t-elle. Elle dit adorer ce métier « humainement très enrichissant, où on apprend tous les jours. Mais il faut penser à se protéger. Il y a le boulot et la vie personnelle, mais il est parfois difficile de prendre du recul ».
« Il faut être passionnée »
Autre grief, le salaire. Une AESH gagne en moyenne entre 720 € et 850 € par mois. Ce pour 24 heures de travail payées 20 heures en raison des congés. « Et c’est sans compter les heures de préparation car il me faut sans cesse adapter les cours de l’enseignant au handicap de l’élève dont je m’occupe ! Il serait bien que ce travail soit pris en compte ! » Les AESH ne bénéficient pas non plus de primes de Noël ou de chèques vacances, à la différence de leurs collègues, y compris Atsem. « Il faut vraiment être passionnée, sinon on lâche ! Et les démissions sont nombreuses ! » Pour autant, Julie n’imaginerait pas faire autre chose : « Je pars du principe que chaque enfant a droit à sa chance. Je tiens à rester AESH ».
Auteur : Jean-Noël Potin