À Carhaix, Julie Roulland, AESH passionnée mais désabusée. ( LT.fr – 14/09/22 – 06h00 )

Titulaire d’un diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social, la Carhaisienne Julie Roulland aimerait que le métier d’AESH soit un peu mieux considéré. Cette passionnée, qui espère décrocher un CDI
Titulaire d’un diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social, la Carhaisienne Julie Roulland aimerait que le métier d’AESH soit un peu mieux considéré. Cette passionnée, qui espère décrocher un CDI après huit ans dans la profession, ne se verrait pourtant pas faire un autre métier.

Accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) depuis huit ans, la Carhaisienne Julie Roulland continue, bien qu’elle soit diplômée, à voguer de CDD en CDD. « Pas facile de faire des projets », lance-t-elle.

Née en région parisienne, Julie Roulland, 27 ans, est arrivée dès l’âge de 8 ans à Carhaix. « J’étais une enfant solitaire qui avait du mal à se mélanger aux autres. Je ne trouvais pas ma place à l’école. J’étais aussi plus mature de par mon histoire familiale, le divorce de mes parents et mes nombreux changements d’école », raconte-t-elle. Toute petite, Julie se voyait déjà faire la classe à des enfants. « Mon jeu préféré était de jouer à la maîtresse avec mon demi-frère. Je préparais les cours pendant des heures », raconte-t-elle. Son rêve de devenir institutrice s’est toutefois heurté à des difficultés d’apprentissage.

« Lâchée dans la nature »

Elle décide alors de devenir Atsem et s’inscrit, dès 2010, à la MFR de Morlaix. À la partie théorique s’ajoute la pratique, par le biais de l’alternance qu’elle effectue à Carhaix, à l’école et en crèche. En 2015, Pôle emploi lui suggère un contrat aidé d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) à Landeleau. « Il n’y a pas eu de formation préalable et j’ai eu un peu le sentiment d’être lâchée dans la nature lorsque je me suis retrouvée à accompagner un enfant autiste », lance-t-elle.

Épanouie et heureuse

Pendant quatre ans, Julie s’occupe du même enfant, même quand celui-ci change d’école. « J’ai dû faire plus de route, sans être défrayée ». Mais là n’est pas le plus important aux yeux de cette passionnée : « J’ai vu un réel changement chez lui. J’étais épanouie et heureuse d’avoir réussi », se félicite-t-elle. Le travail au sein des établissements scolaires n’est toutefois pas toujours chose facile. « Ça dépend sur qui on tombe. On a l’impression d’être un objet de la classe. Il faut parfois subir les ordres de l’instit, c’est dur ! Et puis le mérite revient souvent à l’instit, et pas à l’AESH ». Elle tempère toutefois son propos : « Ce n’est pas le cas aujourd’hui. À l’école Huella, à Carhaix, j’ai trouvé l’équipe rêvée ! »

« Il faut vraiment être passionnée, sinon on lâche ! Et les démissions sont nombreuses ! », lance Julie Roulland.
« Il faut vraiment être passionnée, sinon on lâche ! Et les démissions sont nombreuses ! », lance Julie Roulland.

« J’aime les défis ! »

En 2019, lorsqu’un poste d’AESH se libère à Carhaix, la jeune femme voit l’opportunité de se rapprocher de son domicile. L’année suivante, on lui confie l’accompagnement d’un jeune aveugle. « J’aime les défis, mais j’ai quand même regretté que la profession ne m’épaule pas davantage, lance-t-elle. Heureusement, j’ai été bien aidée, par contre, par l’association Initiatives pour l’inclusion des déficients visuels. J’ai appris les bons gestes grâce à eux ! Et en me documentant ».

Motivée, la jeune femme obtient, en 2021, un Diplôme d’État d’accompagnement éducatif et social. « Je voulais me prouver à moi-même et à ceux qui ne croient pas en moi ». Malgré cette reconnaissance, Julie n’est toujours pas titularisée. Voilà huit ans en effet qu’elle vogue de CDD en CDD. « C’est injuste par rapport à ceux qui ne font pas cette démarche. Il y a des gens qui arrivent dans cette profession par défaut ». ?Elle se raccroche aujourd’hui à l’espoir d’obtenir le CDI qu’on lui promet pour septembre 2023. « Actuellement, c’est l’angoisse tous les deux ans, pour savoir si le contrat sera renouvelé. C’est compliqué pour faire des projets ! »

« Penser à se protéger ! »

Julie regrette que la profession d’AESH soit toujours aussi peu reconnue. « Il y a un manque de reconnaissance de nos supérieurs. Plus généralement, certains ne se rendent pas compte de l’investissement que ça représente », lâche-t-elle. Elle dit adorer ce métier « humainement très enrichissant, où on apprend tous les jours. Mais il faut penser à se protéger. Il y a le boulot et la vie personnelle, mais il est parfois difficile de prendre du recul ».

« Il faut être passionnée »

Autre grief, le salaire. Une AESH gagne en moyenne entre 720 € et 850 € par mois. Ce pour 24 heures de travail payées 20 heures en raison des congés. « Et c’est sans compter les heures de préparation car il me faut sans cesse adapter les cours de l’enseignant au handicap de l’élève dont je m’occupe ! Il serait bien que ce travail soit pris en compte ! » Les AESH ne bénéficient pas non plus de primes de Noël ou de chèques vacances, à la différence de leurs collègues, y compris Atsem. « Il faut vraiment être passionnée, sinon on lâche ! Et les démissions sont nombreuses ! » Pour autant, Julie n’imaginerait pas faire autre chose : « Je pars du principe que chaque enfant a droit à sa chance. Je tiens à rester AESH ».

Source : À Carhaix, Julie Roulland, AESH passionnée mais désabusée – Châteaulin – Le Télégramme (letelegramme.fr)

Auteur : Jean-Noël Potin

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