À Concarneau, des craintes sur l’avenir de la filière pêche au thon tropical (OF.fr-9/01/24)

Une manifestation pacifique, réunissant 100 personnes, s’est tenue devant Via Océan, mardi 9 janvier, de 8 h à 10 h 30, à Concarneau (Finistère).
Une manifestation pacifique, réunissant 100 personnes, s’est tenue devant Via Océan, mardi 9 janvier, de 8 h à 10 h 30, à Concarneau (Finistère). | OUEST-FRANCE

Mardi 9 janvier, une centaine de personnes était réunie à Concarneau (Finistère) pour dénoncer l’annonce du projet de cessation définitive des activités de la compagnie de pêche au thon Via Océan, qui ouvrirait selon les marins, la voie à la fin de la filière.

Par Chloé SARTENA.

À Concarneau (Finistère), un groupe de 100 personnes a bravé le froid, ce mardi matin 9 janvier, pour manifester pacifiquement. Parmi elle, des salariés de la compagnie des pêches au thon Via Océan (ex-Saupiquet), des représentants syndicaux, des familles, et des entreprises locales voisines, comme Barillec, venues en soutien.

Il est 8 h 30 à Concarneau, ce mardi 9 janvier, la masse de contestataire ne cesse de s’agrandir, pour bientôt atteindre la centaine de personnes. | OUEST-FRANCE

Pourquoi cette manifestation pacifique ?

En novembre, un projet de cessation définitive des activités de l’entreprise a été annoncé, avec la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Une situation due, selon l’armement, à « des difficultés majeures et insolubles », et à « un marché marqué par la très forte hausse des coûts opérationnels, le déclin des capacités de pêche et une baisse de la demande. » Selon le plan proposé, la première moitié du personnel devrait être licenciée, fin mars. L’autre moitié permettrait de s’occuper des bateaux et du personnel à bord jusqu’à la clôture définitive des activités, en juillet.

Où en sont les négociations ?

Elles sont toujours en cours et devraient se poursuivre jusqu’au 1er février. Depuis l’annonce du projet, le 22 novembre, les réunions s’enchaînent. « Nous avons avec nous des experts et avocats qui dénoncent les points sur lesquels l’entreprise n’a pas été réglo », explique Briac Piccolin, délégué syndical CFDT de l’entreprise. Le comité social et économique (CSE) de ce mardi 9 janvier a été jugé décevante par les représentants du personnel. Un nouveau se tiendra mercredi.

Combien de salariés sont concernés ?

L’armement thonier emploie une cinquantaine de marins français, neuf sédentaires et une centaine de marins africains. Leur sort inquiète les représentants du personnel.  « Surtout quand on voit que même les Espagnols vont de plus en plus pêcher dans l’Océan Indien pour mieux gagner leur croûte », poursuit Briac Piccolin.

Combien de bateaux compte Via océan ?

Via Océan compte trois navires battant pavillon français, tous travaillant dans l’océan Atlantique. Le Visa Mistral, de 78 m et construit en 1991 ; le Via Avenir, de 78 m construit en 1990 ; et le Via Alisé, de 67 m, construit en 2021 par les chantiers Piriou. Parmi les trois unités, deux ont été récemment réparées, l’autre est neuve. Ce mardi matin, ces trois navires ont aussi fait part de leur inquiétude ont affiché, depuis la mer des drapeaux « Ne laissez pas la pêche thonière française mourir ».

Que vont devenir trois bateaux ?

Si, pour l’instant, on ne sait pas si des acheteurs se sont positionnés pour racheter les trois navires, beaucoup de salariés pensent déjà que les bateaux resteront aux mains de Tri Marine, qui changera simplement le pavillon des unités. Dans quels intérêts ? « Un équipage espagnol coûte un tiers de moins et un équipage international, moitié moins », résume Briac Piccolin. « Le s quotas et les règles sont trop contraignants, contrairement aux navires qui pêchent dans le Pacifique, en Australie. Même les taxes sur le prix gasoil sont plus importantes pour les Français », relate Pierrick Sellin, remplaçant au sein du Comité social et économique (CSE). Sur la quinzaine de navires des quatre armements du groupe Bolton, Via Océan est le seul armement battant pavillon français.

Pierrick Sellin, responsable technique chez Via Océan depuis deux ans et demi, sait déjà qu’il sera bientôt licencié. | OUEST-FRANCE

Pourquoi Concarneau est un point névralgique pour la filière ?

L’armement réunionnais Sapmer, qui pêche dans l’Océan Indien, est aussi basé à Concarneau, tout comme la Compagnie française du thon océanique (CFTO), qui pêche à la fois dans les océans Atlantique et Indien.

« À quand les aides de l’État pour le gasoil », ou encore « Marins de Concarneau » clament les professionnels. | OUEST-FRANCE

Comment se porte la filière ?

« Il y a des grosses difficultés au niveau de toute la pêche au thon » , reconnaît Denis Juteau, délégué syndicat CFDT à la CFTO, qui pourrait vendre deux à trois bateaux. Il a présenté au CSE une dénonciation de la convention collective. « Cela n’envisage pas automatiquement une diminution de salaires. Comme le coût du gasoil a de nouveau augmenté, l’idée est que la rémunération compense cette augmentation. Mais si, demain, le coût du gasoil venait à diminuer, les salaires pourraient être augmentés. L’entreprise a dix millions de déficit. Il faudrait diminuer de 40 % les salaires, c’est donc impossible. » En novembre, l’arment Sapmer a cédé ses trois thoniers senneurs sous pavillon de l’île Maurice à un armateur sud-américain. « Il reste trois navires en pavillon français. Nous en avions onze au début, en 2009. Ça sent mauvais pour nous aussi », résume Éric, salarié au service technique de Sapmer, présent lors de la manifestation en soutien. « On est tous dans le même panier. Si l’un s’écroule, tout le monde va s’écrouler… »

Vers 10 h, les manifestants brandissent fumigènes et drapeaux pour témoigner de leur désarroi. | OUEST-FRANCE

Par quoi s’explique cette mauvaise santé ?

« Les quotas de plus en plus restreints », « l’inflation à la suite du Covid et à la guerre en Ukraine », « le coût du gasoil qui ne cesse d’augmenter, les taxes trop élevées sur le gasoil pour les Français, de l’ordre de 70 % pour les Français », « les normes et réglementations européennes », «  le lobbying très important des associations environnementales. » Autant de raisons avancées par les professionnels pour expliquer la mauvaise posture de leur filière. « Un bateau, c’est 10 000 € qui sortent par jour juste pour le gasoil, sans même parler des salariés. Ça a presque doublé depuis le Covid », affirme Pierrick Sellin.

Il est 10 h 30, le cortège se met en marche et se dirige vers le centre-ville de Concarneau. | OUEST-FRANCE

Le risque ?

Que la filière disparaisse, peu à peu. «  L’aide financière reçue par l’État pour le gasoil est minime par rapport à la consommation générale. Tout est fait pour que la filière meure », poursuit le salarié. « I l nous faut des aides. C’est tout une profession qui est en train de disparaître. Or, un emploi en mer, c’est plusieurs emplois à terre », martèle Denis Juteau.

Source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/finistere/a-concarneau-des-craintes-sur-lavenir-de-la-filiere-peche-au-thon-tropical-69629fcc-aed8-11ee-aa61-307337b06e99

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