À Concarneau, les fileyeurs « ne comptent pas se laisser faire » (OF.fr-7/01/24)

Une réunion se tiendra entre professionnels de la mer, mercredi 10 janvier, à 17 h.
Une réunion se tiendra entre professionnels de la mer, mercredi 10 janvier, à 17 h. | OUEST-FRANCE

Impactés par des restrictions de pêche visant à limiter la capture accidentelle du dauphin commun, les fileyeurs de Concarneau (Finistère), à bout de souffle, clament leur mécontentement. Ils se réuniront mercredi 10 janvier 2024 pour se mettre d’accord sur la façon de faire front.

Par Chloé SARTENA.

« Je crois qu’ils veulent la mort du petit cheval. On ne va pas se laisser faire. Ils vont faire quoi ? Nous mettre des amendes ? On ne les paiera pas ! » s’enflamme Vincent Jaffrézic, 42 ans, pêcheur depuis l’âge de 13 ans. À Concarneau (Finistère), il fait partie de la douzaine de fileyeurs concernés par les décisions du Conseil d’État, publiées vendredi 22 décembre 2023, pour limiter la capture accidentelle de dauphins communs dans le golfe de Gascogne en interdisant certaines pratiques de pêche pendant un mois. À compter du 22 janvier, près de 600 bateaux ne pourront plus travailler de Penmarc’h au nord de l’Espagne.

Une dizaine de fileyeurs travaillent depuis Concarneau (Finistère). | OUEST-FRANCE

Sur le port, la colère gronde après ces annonces, qui s’ajoutent aux possibilités de pêche du conseil européen, au 12 décembre, réduisant certains quotas, notamment sur le lieu jaune ou encore la sole. Mercredi 10 janvier à 17 h, les marins de Concarneau, Doëlan-sur-Mer, Trégunc, Port-la-Forêt, Lorient, voire d’Audierne, se retrouveront dans la salle de réunion de la criée concarnoise pour faire le point sur cette décision, pour beaucoup incomprise.

« Les Marins en colère », peut-on lire sur les pontons du port. | OUEST-FRANCE

Une directive jugée inutile

« Les associations et les organisations de défense de la nature qui ont saisi le Conseil d’État se trompent. Il n’y a jamais eu autant de marsouins. Bientôt ils passeront dans les hélices tellement il y en a », lance Damien Rivière, qui affirme n’avoir eu que deux prises accidentelles en trois ans.Le patron du Lilwenn, un fileyeur concarnois de 11,20 m, est dans l’incompréhension totale.

Damien Rivière, patron, depuis cinq ans, du Lilwenn, un fileyeur concarnois de 11,20 m. | OUEST-FRANCE

« On a été contraint par le comité national de la pêche de faire des efforts : on a installé des sondeurs acoustiques, des balises VMS (système de surveillance des navires par satellite) pour nous repérer en mer. Mis des pingers (répulsif acoustique) sur les filets, des caméras à bord pour surveiller les pêches accidentelles. Ces installations étaient obligatoires à partir du 1er janvier 2024, et dès le 22 décembre, le conseil d’État prend cette décision ? » s’étonne le marin comme beaucoup d’autres. « Il faut arrêter avec les dauphins. C’est comme les phoques, ils sont loin d’être en voie de disparition », confirme Vincent Jaffrézic, propriétaire de deux fileyeurs.

Vincent Jaffrézic, propriétaire de deux fileyeurs. | OUEST-FRANCE
Vincent Jaffrézic, à son retour de pêche. | OUEST-FRANCE
Vincent Jaffrézic et Loïck Jeault. | OUEST-FRANCE

Tous craignent qu’un report et une intensification de pêche sur certaines autres espèces créent des déséquilibres. « Tous nos bateaux ne sont pas adaptés pour se mettre aux casiers. Et si tout le monde repasse sur ce métier, on va concurrencer ceux qui le pratiquent déjà. On les mettra en difficulté », juge Damien Rivière.

Tous les navires ne sont pas équipés pour pouvoir pratiquer la pêche aux casiers. | OUEST-FRANCE

« Dès la période d’interdiction levée, on reviendra tous poser encore plus de matériels qu’avant pour rattraper le temps perdu, soupire Romain Wallet, fileyeur d’un navire de 8,63 m. Cela aurait été plus efficace de réduire le nombre de filets admissibles à bord. »

Romain Wallet, fileyeur d’un navire de 8,63 m. | OUEST-FRANCE

Un désastre économique

Si pendant cette période, il a le droit de pratiquer le casier et la ligne, le marin s’interroge : « Je les stocke où mes filets ? Mes boxes sont déjà pleins ! Et si je n’ai plus rien à l’arrière du bateau, le nez va piquer, je ne pourrais pas forcer le mauvais temps comme j’ai l’habitude de le faire. » Surtout, cette autorisation ne suffira pas, économiquement parlant. « Même si je passe mes nuits à pêcher à la ligne et au casier, je vais perdre de l’argent. J’ai dû faire des dépenses récemment en installant la VMS, en changeant mon orbitrol (système de pompe hydraulique). Autant que je revende mon bateau. Quant aux gros fileyeurs de 11,97 m, ils doivent ramener de la quantité pour payer toutes leurs charges. »

Quid de l’aide financière publique dont les conditions devraient prochainement être définies ? « On parle de combien, et puis quand est-ce qu’on la touchera ? C’est encore très flou », soupire Romain Wallet. « Pour moi, cette compensation, qui devrait être à hauteur de 80 % du chiffre d’affaires de l’année précédente, servira à nous faire taire la première année. Mais ça ne durera pas. Comment voulez-vous indemniser plus de 500 bateaux pour qu’ils restent à quai pendant un mois ? Ce n’est pas possible », ironise Damien Rivière. « Il est hors de question que je prenne cet argent de l’État. C’est de l’argent facile », s’agace pour sa part Vincent Jaffrézic. « Les Espagnols vont avoir le droit d’aller en mer eux ? C’est injuste. En plus on a le problème de baisse de quotas européens, ajoute Damien Rivière. Il me faut un minimum de 15 tonnes de lieu jaune au filet maillant par an pour être bien. Cette année on m’a plafonné 7,50 tonnes. Mes quotas sont divisés par deux pour le lieu et on me donne 1,5 tonne de sole. Je n’ai plus qu’à mettre une pancarte à vendre. Ou faire un bateau à passagers ? »

Résister en allant en mer

Rester à terre n’est souvent pas une option envisagée. « Quand vous avez 30 ans avec un prêt de plus de 250 000 € sur le dos, vous n’avez pas le choix, annonce Damien Rivière, qui emploie deux matelots. Cette période est la meilleure période de pêche de l’année. Elle représente un quart, voire un tiers de mon chiffre d’affaires. En plus, annoncer cette mesure le 22 décembre alors qu’on a déjà investi dans le matériel dans la nouvelle saison… »

Propriétaire depuis une semaine d’un fileyeur de 9,50 m immatriculé à Douarnenez, Vincent Jaffrézic voulait domicilier son nouveau bateau à Concarneau. « Mais je n’ai pas le choix. Je vais aller pêcher dans la baie Douarnenez, pas concernée par l’interdiction. Je transporterai mon poisson par camion ici. » À terme ? « Son port d’attache sera Concarneau, mais je vais le laisser immatriculer là-bas. Dès qu’il y aura d’autres problèmes dans le futur, je le dégagerai là-bas. »

Les conséquences de cette directive

Il sera interdit aux navires de 8 mètres et plus, d’embarquer et/ou de pratiquer du filet trémail (GTR), du filet maillant calé (GNS), du chalut pélagique (OTM, PTM), du chalut bœuf de fond (PTB), dans le golfe de Gascogne (zone XVIII). Pendant cette période, les navires qui le peuvent et le souhaitent pourront pratiquer un autre engin (casier, ligne, chalut de fond), ou pratiquer les engins « à risque » dans une autre zone. Pour les autres, la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA) est en train de mettre en place un système d’aide financière dont les conditions devraient prochainement être définies. L’initiative sera répétée en 2025 et 2026.

Source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/concarneau-29900/a-concarneau-les-fileyeurs-ne-comptent-pas-se-laisser-faire-720c77f2-ab26-11ee-a01a-903e3279d34e

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/a-concarneau-les-fileyeurs-ne-comptent-pas-se-laisser-faire-of-fr-7-01-24/

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