À Dinan, deux infirmières témoignent de la violence envers les soignants. (LT.fr – 25/07/23)

Myriam Lucas, cadre et Gwenaëlle Thomas, infirmière, du service addictologie du centre hospitalier de Dinan.
Myriam Lucas, cadre et Gwenaëlle Thomas, infirmière, du service addictologie du centre hospitalier de Dinan. (Le Télégramme/Valérie Le Moigne)

Par Valérie Le Moigne

Infirmières au sein du service addictologie du centre hospitalier de Dinan, elles sont confrontées à la violence quasiment au quotidien. Des actes parfois très dangereux. D’autres collègues, moins formés à cette expérience, ont aussi vécu des événements traumatisants. Elles racontent.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le centre hospitalier de Dinan a déclaré 55 évènements de violence faits aux soignants en 2022, soit plus d’un par semaine de l’année, et déjà 24 cas depuis le début 2023. Deux infirmières du service addictologie y sont particulièrement confrontées. Elles racontent ce quotidien qui flirte avec le danger.

« Il avait envie de se faire un soignant »

« Ce n’est pas toujours simple », c’est en ces mots pesés que Myriam Lucas, aujourd’hui cadre de santé du service addictologie, introduit un sujet de plus en plus présent dans leur vie professionnelle. Elle a en mémoire de nombreuses scènes et raconte des moments de violence vécus par des collègues. Il y a quelques années, courant 2015 se souvient-elle, alors qu’à l’époque cette professionnelle supervisait le service des urgences, une infirmière a été victime d’une tentative d’étranglement. « Un patient que l’on pensait tranquille dans une chambre a attrapé cette collègue par le cou pendant qu’elle gérait des dossiers sur son ordinateur ». Certes, cet homme présentait des troubles psychiatriques, mais rien ne laissait présager à l’équipe en poste auprès des patients « qu’il avait envie de se faire un soignant ». Plainte a été déposée et elle a abouti. L’infirmière victime, elle, a quitté la Bretagne pour des raisons familiales. Sans doute un bien pour cette femme « très marquée et choquée par cet incident traumatisant ».

Aux plaintes déposées par les victimes, y est associée la direction de l’établissement. Il existe également un dispositif national obligatoire de signalement : l’ONVS (observatoire national des violences en santé).

Les urgences, concentré de violences

Si la violence peut se trouver à chaque étage d’un établissement de santé, les urgences en concentrent malgré tout un grand nombre. Gwenaëlle Thomas, devenue infirmière « sur le tard » – un choix de reconversion à 360 degrés – comme elle le dit, elle aussi a dû faire face à de terribles situations qui lui ont valu plusieurs jours d’ITT avec côtes cassées et nombreuses contusions quand elle était en poste aux urgences à Saint-Malo. « C’est difficile, on se remet en cause, on est sous le choc, je n’avais pas choisi ce métier pour y mettre ma vie en danger », témoigne la jeune femme. L’investissement pour son métier a repris le dessus en même temps que ces plaies guérissaient.

« Aux urgences, les personnes qui arrivent ont du mal à comprendre la situation d’attente, ils ne comprennent pas toujours la façon dont on priorise les soins », explique Myriam Lucas, et si cela ne justifie en rien la violence, elle peut permettre de comprendre ceux qui passent à l’acte, sous pression.

Je n’avais pas choisi ce métier pour y mettre ma vie en danger

Indispensable expérience

Grande différence avec le service où elles œuvrent actuellement, « ici, on connaît nos patients, on les reçoit, on crée du lien, certains viennent, reviennent. Aux urgences, on les découvre, sans filtre ». Le lien crée dans un service avec des malades, peut, parfois permettre de dénouer des situations de tensions.

Myriam Lucas, cadre et Gwenaëlle Thomas, infirmière, du service addictologie du centre hospitalier de Dinan.
Myriam Lucas, cadre et Gwenaëlle Thomas, infirmière, du service addictologie du centre hospitalier de Dinan. (Le Télégramme/Valérie Le Moigne)

Et avant d’user de techniques médicales précises telle que la contention ou des injections de calmants, « nous devons garder le contact avec les yeux et parler d’une voix douce et monocorde, qui apaise », confie la cadre. Des gestes qui sont aussi plus aisés « quand on a de l’expérience ». Pour Myriam Lucas, l’arrivée de collègues trop jeunes dans la profession n’aide pas à encadrer cette violence. Il y a des techniques qui s’apprennent avec les années réservées à des soignants d’expérience. Des formations en interne à Dinan sont également dispensées à l’ensemble du personnel soignant.

Le triste effet Covid

Mais souvent, c’est aussi le cruel manque de moyens humains dans les couloirs des hôpitaux qui vient accentuer ces difficultés liées à ces actes. D’autant que la sortie des années Covid a tristement apporté « de l’eau au moulin de la violence » ont clairement constaté ces soignantes. « Il faut comprendre, précise Gwenaëlle, que face à la violence, le soin relationnel est aussi primordial que le soin technique ». Sans doute est-ce pour cela que le sourire de ces deux infirmières ne quitte pas leur visage souriant.

Source : À Dinan, deux infirmières témoignent de la violence envers les soignants | Le Télégramme (letelegramme.fr)

URL de cet article : À Dinan, deux infirmières témoignent de la violence envers les soignants. (LT.fr – 25/07/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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