Depuis le début août, les cyanobactéries ont envahi l’Arguenon, entre le lac de Jugon et l’usine d’eau de Pléven, notamment. En plus de l’odeur et du visuel repoussants, leur présence impacte les activités nautiques et de pêche, pourtant au cœur de l’attractivité locale.

Autour du pont de Lorgeril, sur l‘Arguenon, entre Plédéliac et Plorec-sur-Arguenon, la concentration de cyanobactéries est impressionnante. Et l’odeur nauséabonde. (Le Télégramme/Corentin Le Doujet)
« Maman, la rivière elle est malade ? », demande cette petite fille à sa mère, en plein pique-nique sur les bords de l’Arguenon, à la base de Tournemine, à Plédéliac. Tout au long de l’Arguenon, entre Jugon-les-Lacs et Pléven, le tableau est le même, en cette semaine de grosse chaleur du début septembre : une épaisse pellicule verdâtre recouvre entièrement la rivière. Ce sont des cyanobactéries, « algues bleues » dont la concentration explose, l’été, sur maints plans d’eau et rivières bretonnes. L’odeur qu’elles dégagent est nauséabonde, de l’ordre de l’œuf pourri. Au point d’abréger le pique-nique de cette petite famille.
« Fortement déconseillé » de faire boire les chiens
Un peu plus au sud, le vaste lac de Jugon, réputé pour sa pêche et ses activités nautiques, subit lui aussi l’impact des cyanobactéries. Début août, le risque est passé au niveau 2 sur 2. Le 9 août, le maire a pris un arrêté rappelant que la baignade est interdite, qu’il faut limiter l’exposition à l’eau, et se doucher en cas de contact avec elle ; l’arrêté interdit également la consommation du poisson. Il est même « fortement déconseillé » de laisser boire les chiens dans le lac.
La Station sport nature du lac de Jugon, qui reçoit plus de 18 000 personnes à l’année, en subit les conséquences. « On est obligé de limiter nos activités nautiques, notamment la location de paddles, car les gens ont davantage tendance à sauter à l’eau avec. C’est un gros manque à gagner, car c’est une activité ludique et attractive. Parfois, on emmène les gens sur le plan d’eau de Pléven, où la concentration est plus faible, mais c’est problématique au niveau logistique », confie un éducateur sportif.
Le paddle tombe à l’eau
« On continue à louer canoës-kayaks, pédalos et optimists, mais cela entraîne de l’anxiété au cas où on tombe à l’eau, pour nous comme pour les usagers. Nous mettons à leur disposition des douches pour se rincer ensuite », poursuit Brigitte Niquette, la présidente de la Station sport nature, qui ne cache pas son inquiétude.
Alors la Station sport nature est contrainte de revoir sa stratégie. Elle tente de proposer des activités alternatives hors de l’eau, comme la « battle archery », une sorte de paintball avec des arcs et flèches en mousse, lancée cette année. « On essaie aussi de développer les sports nautiques sur les saisons sans cyanobactéries, de mars à fin octobre, périodes où on reçoit beaucoup de groupes », explique Brigitte Niquette.
La pêche se délocalise
Non loin de là, à la Maison pêche et nature des Côtes-d’Armor, autre pilier de l’attractivité jugonnaise, les « cyano » pénalisent également l’activité. « Tout le mois d’août, on a dû exporter nos activités sur d’autres sites : sur l’étang de la Planchette à Broons, ou l’étang de la Nauvinais, un plan d’eau fermé (non connecté aux rivières du bassin-versant, NDLR) à Pléven. Ce n’est pas facile d’expliquer aux gens qu’il faut reprendre la voiture », regrette Gildas, l’animateur de pêche. Selon lui, le poisson serait toutefois relativement épargné par la présence des algues.
Cette eau-là, on interdit aux chiens de la boire, mais on la rend potable à l’usine d’eau de Pléven, à quelques kilomètres. Qu’est-ce qu’on met dedans pour ça ?
Les causes de ces fortes concentrations estivales sont la chaleur, certes ; mais aussi l’excès de « nutriments » (azote, phosphore) lié à l’activité agricole. Le lac de Jugon et l’Arguenon sont connectés à près de 200 km² de bassins-versants de tout le sud-est du département. « Sur ce sujet, c’est un peu l’omerta », confie Brigitte Niquette. Qui pose une autre question. « Cette eau-là, on interdit aux chiens de la boire, mais on la rend potable à l’usine d’eau de Pléven, à quelques kilomètres. Qu’est-ce qu’on met dedans pour ça ? À quel prix ? »
Auteur : Gwen Catheline
URL de cet article : À Jugon-les-Lacs et sur l’Arguenon, les « algues bleues » empestent et perturbent les activités [En images] (LT.fr 08/09/2023) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)