Par Nicolas BAUDRILLER (Presse Océan)
Du jeudi 24 août au dimanche 27 août 2023, Alternatiba installe son camp climat au quartier Doulon, à Nantes. Un événement ouvert aux militants aguerris et au grand public.
Comment bloquer une route ou un aéroport ? Quelle attitude adopter face aux forces de l’ordre ? Comment communiquer sur son action ? À toutes ces interrogations, les militants de la cause climatique espèrent bien avoir une réponse lors de ce camp climat. Organisé à l’échelle nationale et décliné pour la troisième fois à Nantes, cet événement est destiné à tous : Il y a des ateliers pour tous les niveaux. Pour les gens qui ne sont pas sensibilisés mais aussi pour les militants déjà très investis
, annonce Antoine Argentin, membre du mouvement écologiste Alternatiba, et coordinateur de ce camp climat.
« On veut aussi être dans la proposition et pas uniquement dans l’opposition »
Au programme de ces quatre jours : des ateliers sur des thématiques diverses comme la place du nucléaire ou le trafic aérien ; un jeu de rôle sur les rouages du commerce mondial, des lectures collectives mais aussi des fresques
pour sensibiliser aux enjeux du réchauffement climatique. Laure, militante à Alternatiba, décrit cet outil : il s’agit d’un atelier pour comprendre les causes et conséquences de tel ou tel phénomène. Chaque participant possède une carte qu’il doit utiliser pour compléter une fresque sur des sujets comme l’eau, la monnaie, le climat ou même le sexisme. Une fois complétée, cette fresque permet d’avoir une vue d’ensemble »
.
Mettre en avant les initiatives locales
Le camp climat est situé à quelques pas du Jardin des ronces, un jardin autogéré par un collectif opposé au projet urbain Doulon-Gohards. Les organisateurs du camp, qui regroupe aussi des mouvements comme Extinction Rébellion ou les Amis de la Terre, veulent aussi sensibiliser aux luttes locales. Le militant d’Alternatiba précise : Il y aura une lecture du rapport du Giec des Pays de la Loire mais aussi des ateliers sur des campagnes locales
. À l’instar des initiatives menées pour réduire le trafic aérien à Nantes dont la genèse remonte au camp climat de l’an passé. Pareillement, les actions du collectif Fer Nantes, engagé en faveur du train, seront aussi débattues. Notre but est d’être aussi dans la proposition et pas uniquement dans l’opposition
, résume Antoine Argentin.
Dj-set et danse extatique
Mêler le ludique avec le pédagogique reste le mantra du camp climat. En soirée, blind-test, théâtre d’impro, conférence gesticulée et concerts sont proposés pour souffler après des journées de débats qu’on imagine très intenses. On a programmé des artistes qui utilisent la culture comme un moyen de sensibilisation aux enjeux climatiques
, souligne Antoine.
Sensibiliser un public large
Installé à Mauves-sur-Loire en 2022, le camp climat a été délocalisé à Nantes pour cette édition. Les militants espèrent attirer un public large. D’après Antoine Argentin, 1 000 entrées sont à vendre à prix libre sur les quatre jours et plus de 300 personnes peuvent être attendues sur le site. L’offre de restauration est comprise dans le billet et il est possible de camper sur place. L’objectif de cette édition 2023 : s’ouvrir à des personnes moins sensibilisées
.
Quelle alimentation pour demain ?
Dans le cadre de ce camp climat, l’association nantaise Apala organise une table ronde sur l’alimentation ce samedi 26 août 2023 de 14 h à 16 h 30. Prônant une alimentation plus végétale et moins carnée, Apala entend tordre le cou à quelques idées reçues. Beaucoup de gens pensent que manger local est suffisant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Or, c’est faux, un régime végétarien est six fois plus efficace
, selon Frédéric, un membre de l’association. L’élevage comptant parmi les industries les plus polluantes, le militant demande la redirection des subventions de ce secteur au profit des produits végétaux. Ça n’a aucun sens aujourd’hui de payer plus cher ses légumes que la viande
, note-t-il. Delphine Bonamy, élue à la Métropole, et Claire Schweitzer, conseillère régionale seront présentes à cette table ronde. Ainsi qu’un représentant du groupe des agriculteurs biologiques du département.
Cas pratique : l’action directe
En guise de conclusion dimanche, le camp climat proposera une activité très attendue des militants : la « simul’action ». Une simulation d’une action de désobéissance civile. L’occasion pour les militants de mettre en pratique tout ce qu’ils ont appris au cours des nombreux ateliers. L’an dernier le scénario était le blocage d’un aéroport, il y avait des gens qui jouaient les activistes et d’autres les forces de l’ordre ou la presse
, explique Antoine Argentin. Lors de ces actions directes les militants endossent des rôles spécifiques : porteur de banderole, médiactiviste, porte-parole, contact police ou contact passant. Il y a des fonctions sur place mais aussi dans la base arrière pour les aspects juridiques et de communication
, détaille Sophie Jallier, animatrice sur les ateliers de désobéissance civile.
La désobéissance civile : nouvelle arme des écolos ?
Depuis ces dernières années, les actions de désobéissance civile se multiplient au sein des mouvements écologistes. Un mode d’action qui fait débat, y compris chez les militants.
Le but de la désobéissance civile ce n’est pas de désobéir pour désobéir. C’est un mode d’action à utiliser en dernier recours, quand c’est le seul moyen d’être entendu.
Sophie Jallier est membre du GIGNV (groupe d’intervention des grenouilles non violentes), la section d’Atlernatiba dédiée aux actions non-violentes. Ce jeudi 24 août 2023, elle anime l’atelier consacré à la désobéissance civile. « En réalité, c’est davantage une formation sur l’action directe non-violente qui va être proposée. Même si selon les circonstances, cette dernière peut devenir de la désobéissance civile
, nuance-t-elle.
On a tenté beaucoup de choses, que faire, sinon monter d’un cran ?
Alternatiba se consacre davantage à des coups résolument pacifiques qui restent dans le cadre de la légalité. Par exemple, Sophie Jallier a participé avec le GIGNV à un happening célébrant le mariage fictif entre Total et le Crédit Agricole en avril dernier. Une mobilisation ayant pour objectif de dénoncer un projet controversé de pipeline entre l’Ouganda et la Tanzanie. Pour la militante, des initiatives spectaculaires bien préparées peuvent générer autant d’échos qu’une action illégale
.
Divergences de méthode
Par rapport aux actions retentissantes menées par des collectifs comme Dernière Rénovation ou les Soulèvements de la Terre, Alternatiba partage une vocation commune mais revendique une méthode différente. On ne s’est pas mobilisé avec les Soulèvements de la Terre car nous estimons que leur ligne sur la non-violence n’est pas claire. Nous ne relayons pas leurs actions
, précise le militant Antoine Argentin. Moins radical, Alternatiba prône le rapport de force mais toujours dans le souci de maintenir un rapport pacifique : Nous n’avons jamais la volonté de détruire notre cible. Si on doit établir une confrontation, c’est toujours dans l’idée de revenir dans le dialogue
, certifie Sophie Jallier.
Une radicalisation inévitable ?
Pour autant, la militante constate un intérêt croissant pour l’action directe chez les défenseurs de l’écologie : De plus en plus de militants, de tout âge, optent pour ce mode d’action car ils ont conscience de cette urgence écologique tout en constatant l’incapacité des gouvernements à lutter contre le réchauffement climatique
. Elle conclut : On a déjà tenté beaucoup de choses, que faire d’autres sinon monter d’un cran
.
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