Par Morvan Léon
Depuis la destruction du barrage de Kernansquillec, à Plounévez-Moëdec, en 1996, un espace boisé propice à la biodiversité s’est développé. Et en moins de trente ans, le Léguer a retrouvé son statut de rivière sauvage.
Les alentours du barrage de Kernansquillec, détruit en 1996, à Plounévez-Moëdec, sont boisés sans être pour autant considéré comme espace forestier. Le site a pourtant sa place dans une série d’articles sur les bois du Trégor, parce qu’ici, comme ailleurs, les arbres, et tous ceux qui les habitent, ont reconquis le terrain dès que l’occasion s’est présentée.
Samuel Jouon, ingénieur et coordonnateur bassin-versant du Léguer pour les agglomérations Lannion-Trégor Communauté et Guingamp-Paimpol agglomération, accompagné d’Annie Bras-Denis, maire de Plouaret et présidente du bassin-versant, présentent la destruction du barrage comme « l’acte fondateur de la reconquête du Léguer ».
Seule rivière sauvage de Bretagne
Le Léguer, aujourd’hui unique rivière sauvage de Bretagne, a donc, pendant environ 76 ans, été bloqué par le barrage hydroélectrique. Les papeteries Vallée avaient décidé d’y produire l’électricité nécessaire à leur activité dans les années 1920. Installées vers 1850, elles ont produit là du papier jusqu’aux années 1960, époque où elles ont fermé leurs portes, étouffées par la concurrence.
La retenue d’eau perdure jusqu’à la grande tempête de 1987, qui détruit les arbres du secteur. C’est alors que la population et les responsables du secteur décident de rendre son lit au Léguer. « Toute la vallée autour des restes du barrage était sous l’eau », souligne Annie Bras-Denis.
Un reboisement naturel
Le barrage détruit, rien n’est planté. « Le site s’est reboisé naturellement, explique Samuel Jouon. Les hêtres et les chênes ont, sur les versants, reconquis le terrain. Sur les berges, la ripisylve, la flore qui favorise la vie des insectes qui alimentent les poissons, a repris ses droits. Des aulnes et des bouleaux s’y sont développés. » La loutre a pu se réinstaller dans le secteur, sous l’œil de Samuel Jouon.
Classé Natura 2000, le site est géré en futaie irrégulière. Ce terme désigne la cohabitation d’arbres d’âges différents, et même d’arbres morts, qui abritent des champignons, des larves d’insectes ou des chauves-souris. Cela n’interdit pas la valorisation du bois, avec des coupes gérées par la filière. Une exploitation en douceur, en raison des pentes, qui empêchent des machines d’accéder au site. Le débardage des troncs s’y fait donc à cheval.
Zones de prairies
Au secteur boisé s’ajoutent des zones de prairies, elles aussi favorables à la biodiversité. Des éleveurs locaux y font paître leurs troupeaux, qui amendent le sol.
En moins de trente ans, la vitalité du site impressionne. Côté flore, la fougère et le houx, l’if, le charme et des châtaigniers occupent le terrain. Des nuances tout de même, les hêtres ont souffert du stress hydrique en 2022, et, ici aussi, le frêne pourrait perdre 20 % de sa population à cause de la chalarose. Côté faune, en plus de la loutre, différentes espèces de chauves-souris ont été recensées, des chevreuils, des renards, des blaireaux, des martres, différents pics ou l’escargot de Quimper.
Dans la rivière, le saumon a retrouvé le chemin de la reproduction, de la mer vers l’amont du fleuve côtier long de 58 km, entre le secteur de Bourbriac et Lannion. Une longueur de cours à laquelle il faut ajouter les 500 km2 de bassin-versant, et les 1 000 km de rivières et de ruisseaux. Il y cohabite avec deux espèces de lamproies, des chabots et des truites.
URL de cet article : À Plounévez-Moëdec, l’ancien barrage du Léguer devenu un havre de biodiversité. (LT.fr – 27/08/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)