A propos du Front : il faut savoir raison garder et tenir le choc… (H&S-13/09/22)

Je dois dire qu’il y a de grands émotifs qui ont failli me mettre en colère hier, depuis les bulletins du PCRF, qui à l’ordinaire ne donne pas dans cette fébrilité et qui depuis un fait militaire revoit toute sa copie, jusqu’à ce jeune homme qui lui est coutumier du fait et parle de “débâcle” russe à propos de la percée ukrainienne de Kharkov, il est nécessaire de donner à voir les problèmes, d’en chercher la solution politique mais pas d’aller dans le sens de la panique voulue par l’adversaire ; premièrement, on ne juge pas d’une guerre qui a toute chance de durer sur un seul fait et au rythme voulu par les Ukrainiens, les USA et nos médias. Deuxièmement qui êtes-vous combattants de pacotille pour affaiblir et entraîner dans le sens que veut l’OTAN. Même s’il ne s’agit que d’un moment, les médias du monde entier sont prêts à l’utiliser pour affaiblir d’autres résistances aussi fragiles que la vôtre? Parce que ce qu’on découvre à l’occasion de ce premier engagement qui est au profit de l’armée ukrainienne la nature réelle de l’affrontement: c’est l’OTAN, ses armes, son commandement essentiellement britannique qui dirige l’opération et le fait est que nous sommes en guerre, que cela va nous coûter un bras et que le monde entier va devoir le reconnaitre. Il faut nécessairement que la Russie reconsidère sa stratégie face au dévoilement de l’ennemi et les options restent à définir, les nôtres sont de refuser d’être enrôlés dans cette guerre par procuration. Il faut vous calmer et j’aime bien la mise en garde ci-dessous de Sacha Bergheim (faut-il que ce soit un Israélien, un sioniste? qui vous donne cette leçon?) que j’assortis personnellement de la multiplicité des fronts mis en place y compris celui des sanctions, celui de l’international y compris en extrême-orient. Celui encore plus préoccupant de la fascisation de l’Europe avec les élections en Suède, celles qui menacent en Italie. On se calme et on tente de raison garder vous les experts militaires derrière les ordinateurs des réseaux sociaux, dites-vous bien que la situation menace hélas de n’en être qu’aux débuts… (note de Danielle Beitrach pour histoireetsociété)

J’ajouterai à la mise en garde de Sacha Bergheim celle de ce site bien connu pour ses positions “partisanes” émanant du Donbass, mais il en est de l’esprit partisan comme de ces mises en garde burlesques de face book (site d’un gouvernement étranger) comme si ceux au bombardement desquels nous sommes soumis étaient de l’information pure et simple…

https://alawata-rebellion.blogspot.com/2022/09/une-tempete-russe-va-sabattre-sur.html

La mise en garde de Sacha Bergheim

Le 23 mars 2022, le Pentagone annonce la reprise de Kherson par les forces ukrainiennes. Début avril, le MI6 britannique déclarait que la Russie n’aurait plus de munitions d’ici une quinzaine de jours. Entre ceux qui prédisaient l’effondrement de l’économie russe, qui pérorent à parler de pertes monstrueuses côté russe, allant jusqu’à évoquer, suivant l’évaluation américaine, près de 80.000 tués, soit un tiers des troupes jugées effectives de l’armée, et ceux qui frétillent à la moindre annonce d’une victoire ukrainienne, comme lorsque le 6 septembre Zelenski annonce le contrôle d’un village au sud de Krivoi Rog comme résultat de la fameuse vraie fausse offensive de Kherson, je crois que beaucoup oublient que la guerre est aussi médiatique, ce qui signifie que les affirmations des uns comme des autres sont à prendre dans ce calcul de l’influence de l’opinion publique.

Les réseaux d’information dits open-source sont eux-mêmes noyautés comme on peut le constater par la concentration de flux de désinformations allant tous dans le même sens. Les deux camps sont dans la même hystérie hollywoodienne, voyant dans une guerre une succession linéaire d’opérations héroïques ou criminelles selon que l’on prend parti, croyant que tout se joue à qui fera mouche du premier coup.. Autrement dit, il faut faire preuve de circonspection.

Si dans l’ensemble, par défaut de moyens et absence de contrôle des grands médias, la version russe a rapidement fait long feu (expression qui indique un coup manqué, d’ailleurs), il n’est pas pour autant certain que la coordination entre les annonces d’opérations militaires et les “déblocages” d’une manne ahurissante à coups de milliards pour l”Ukraine”, ah oui, quand même le Pentagone avoue ne pas savoir où vont les armes et où CBS révèle que le front ne reçoit que 30 à 40% des armes fournies, relève d’une approche conforme au réel.

Comment s’en rapprocher? Pour le plus grand déplaisir de certains dont les facultés manichéennes se limitent à cataloguer dans un camp ou un autre selon qu’ils jugent la nature de ce que je partage, j’aimerais partir d’une réalité simple. Le tank! Lorsqu’un tank tire sur une cible, dans un film américain, et bien la cible est touchée du premier coup, les méchants (arabes, afghans… mettez ce que vous voulez) meurent à la pelle. Super. En réalité, sur une cible statique, le facteur de probabilité que vous touchiez la cible et qu’elle soit détruite est toujours de 68%. Cela signifie que pour un char, il faut 1,3 tirs pour atteindre une cible statique dans des conditions optimales. Imaginez maintenant que votre tank est soumis à un contrefeu, que la cible soit mobile, et que la météo soit défavorable, que la fatigue fasse que vous n’avez pas la précision optimale. A cela vous devez travailler avec d’autres chars (trois qui visent la même cible font passer le facteur de probabilité à 95%, pas 100!). On peut ajouter la présence de drones, d’unités adverses mobiles anti-char, d’hélicoptères etc. Ce qui que d’un facteur initial de 1,3, ce sont des centaines de paramètres qui déterminent la nature des opérations tactiques, qui à leur tour, s’intègrent dans une stratégie où le facteur humain corrige ou altère les possibles prévisions.

Les expertises sur le conflit omettent généralement cette dimension horizontale, sauf à en faire des objets de communication qu’on appelle généralement le “military porn”. Mais de manière un peu plus complexe, au niveau vertical, comme l’Ukraine intègre depuis 2015 le programme de standardisation de l’OTAN, préalable à son intégration formelle, cela veut dire qu’elle obéit aux protocoles de l’OTAN (qui permet aux pays membres de se coordonner selon les mêmes procédures). Loin de l’image d’Épinal des films de Hollywood, qui réduit tout à l’Execution Order (oui, dans l’OTAN, on parle anglais 😉 ), tu balances ton missile et boum, plus d’ennemis, la paix (pax americana) est restaurée et seuls les méchants (et les civils jugés sympathisants) peuvent pleurer, la phase de l’Execution Order n’est qu’en bout de chaîne mais pas nécessairement la conclusion obligée de la procédure de planification et exécution. Il faut un Ordre de Déploiement qui n’est possible que si a été planifiée les différents Courses of Action, destinés à réaliser l’objectif, allant du ravitaillement en repas, aux lubrifiants moteurs, aux obus et autres roquettes, aux opérations aériennes requises (ooops, on élimine). Les hommes sur le terrain, avant de savoir comment ni où agir, reçoivent un Ordre d’Alerte. Chaque niveau peut être affecté par le renseignement qui peut fournir un Warning Alert.

Sur la base d’un même renseignement, on peut conclure à l’imminence de l’invasion russe en Ukraine, et de l’autre à un jeu de pression sans intention d’envahir. Là, intervient l’erreur humaine. Mais aussi pour les planificateurs à un niveau moindre: deux bataillons se regroupent dans tel point: réserve? offensive en préparation? Dissuasion? Interviennent les différentes sources du renseignement pour corroborer ou non la lecture des intentions ennemies: sigint, humint, comint représentent une masse d’information traitée par AI et par des analystes, qui à leur tour peuvent omettre un élément, ou influencer un officier qui de son côté peut tirer une lecture dans un sens ou l’autre. S’il se trompe (“il ne s’agit que d’une réserve” ou “c’est une offensive d’ampleur”) cela influencera la chaîne de décision, puisque le Course of Action déterminera par erreur l’ordre de déploiement et d’exécution.

A cela vous ajoutez l’interopérabilité entre armées, coordonner renseignement, air, terre, unités d’artillerie, de reconnaissance, d’infanterie, blindés, etc et vous avez une idée du fait qu’on ne s’improvise pas expert dans ces domaines. De fait, ce n’est pas par une quelconque affection pour un camp que je procède à telle ou telle conclusion mais par tentative de reconstitution sur la base de données excoriées des concrétions de manipulation ou réécriture, que j’ai affirmé que la reprise de contrôle de Kharkov n’était au final pas un point de rupture.

Simplement, il faut se rappeler que si on avait diffusé massivement la destruction de la Marine américaine à Pearl Harbour, on aurait cru à une victoire ultime japonaise. Pareil après la Blitzkrieg allemande sur la France. Une guerre est longue et faite d’incertitude. Mais une chose est certaine, on peut mettre à la poubelle les expertises qui parlent depuis x mois de victoire ukrainienne. C’est un peu comme le type qui ne sait pas jouer au basket, lancera 100 fois la balle vers le panier et n’en marquera qu’un seul, mais diffusera que ce dernier shoot. Il ne sera pas Lebron James ni Kobe Bryant pour autant…

A bon entendeur!

source: https://histoireetsociete.com/2022/09/13/a-propos-du-front-il-faut-savoir-raison-garder/

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