À Rennes, pourquoi des parents craignent un « raz-de-marée vers l’école privée » (LT.fr – 07/07/23)

À Rennes, la future réforme de la carte scolaire à Rennes provoque la colère de nombreux parents.
À Rennes, la future réforme de la carte scolaire à Rennes provoque la colère de nombreux parents. (Photo d’illustration François Destoc)

La future réforme de la carte scolaire à Rennes provoque la colère de nombreux parents. Certains annoncent déjà vouloir inscrire leurs enfants dans le privé.

Pour lutter contre la ségrégation scolaire et favoriser une meilleure mixité sociale dans les collèges de Rennes, la carte scolaire va être revue à partir de la rentrée 2024. Conséquence : des centaines d’élèves de la capitale bretonne vont devoir changer d’établissement de rattachement. Différents scénarios sont à l’étude par le département d’Ille-et-Vilaine et des consultations sont menées avec les parents d’élèves depuis plusieurs semaines.

Au sein de plusieurs écoles de la capitale bretonne, les discussions sur le sujet ont été particulièrement animées. Les propositions de modification de la sectorisation n’ont pas vraiment fait l’unanimité auprès des parents qui s’inquiètent des répercussions sur la scolarisation de leurs enfants.

Éloignement géographique

C’est notamment le cas de l’école Pablo Picasso dans le quartier Alphonse Guérin. « On nous a proposé trois scénarios, mais aucun ne nous convient », déplore Coline, une parent d’élève. « Il faut rappeler que la carte scolaire avait déjà été changée en 2018. Depuis, les élèves de notre école sont rattachés au collège du Landry. Il y a une belle mixité, ça se passe bien, tout le monde est très content de l’établissement. On ne comprend pas cette décision de tout bouleverser à nouveau ».

Changer le collège de rattachement, effectuer une montée alternée une année sur deux entre différents établissements… les options sur la table n’ont pas convaincu certaines familles. « Nos enfants pourraient se retrouver à faire 1 h 20 de transport par jour avec un changement pour se rendre au collège des Hautes Ourmes », dénonce Coline. « Il n’y aurait plus aucune logique de proximité géographique. Ça n’est pas possible. On n’est pas du tout contre la mixité, bien au contraire. Mais quand on nous dit que l‘intérêt de l’enfant est au centre de cette réforme, on a de sérieux doutes ».

Comité de pilotage

Contactée par Le Télégramme, Jeanne Larue, vice-présidente déléguée à l‘éducation du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine défend ce projet de réforme. « On veut assurer une meilleure mixité territoriale des conditions d’accueil de ces enfants. Il y a un comité de pilotage stratégique qui s’est réuni de nombreuses fois depuis un an et demi. On propose à chaque fois plusieurs scénarios. Forcément, il y en a qui sont plus efficaces en termes de mixité sociale mais qui ont un degré d’acceptabilité moindre auprès des parents. On se doutait qu’il y aurait plus de contestation autour de certains collèges comme Les Ormeaux qui est le plus ségrégué par le haut. En tout cas, on discute avec toutes les écoles. On prend en compte les remarques de chacun, on pèse le pour et le contre ».

On a le sentiment que le projet n’a pas été bien étudié

Mercredi 5 juillet, l’élue rennaise a justement rencontré une centaine de parents de l’école Albert de Mun pour échanger autour de cette réforme. « On nous demande de choisir entre des scénarios qui ne nous conviennent pas », confie Melinda, une maman d’élève. « On pensait avoir des éléments de réponse lors de cette réunion, mais ça n’a pas été le cas, on ressort avec plus de doutes. Nous sommes vraiment inquiets. On a le sentiment que le projet n’a pas été bien étudié ».

Une fuite vers le privé ?

Ce vendredi 7 juillet, une réunion du même genre est prévue à l’école Villeneuve dans la soirée. « Si c’est un scénario de montées alternées qui est adopté, j’aurai un enfant dans deux collèges très éloignés géographiquement l’un de l’autre », explique Sarah, une parent d’élève. « Ça n’a pas de sens, on va séparer des fratries, où est la logique ? Des parents qui pouvaient récupérer leur enfant à déjeuner le midi ne pourront plus le faire. Il y a beaucoup de questions qui restent non résolues. On est perplexe sur la façon de faire surtout que peu de parents ont pu assister aux premiers échanges ».

En attendant, la grogne prend de l’ampleur à l’échelle de la Ville. Publiée la semaine dernière par des parents d’élèves, une pétition qui dénonce la réforme de la sectorisation des collèges publics de Rennes a récolté plus de 600 signatures. Les sujets d’inquiétudes sur les effets à long terme sont nombreux. Si la réforme est adoptée, certains parents indiquent craindre un « raz-de-marée vers le privé » avec un risque de saturation des établissements.

« Creuser les écarts »

« On a fait un sondage dans notre école et on a 80 % des parents qui veulent envoyer leurs enfants dans le privé si la réforme passe », indique Coline, parent d’élève à l’école Pablo Picasso. « Des enseignants de l’école primaires constatent que des enfants quittent déjà notre école publique à partir du CM1 pour s‘inscrire dans le privé afin de s’assurer une place pour le collège dans l’établissement. Au final, ça va continuer de creuser les écarts entre le privé et le public ».

Interrogée sur ce point, Jeanne Larue tempère. « C’est un chantage qui est courant, mais on est obligé de prendre en compte l’intérêt général. Ça dépendra des scénarios qu’on va privilégier, mais nous ne sommes pas des brutes. Nous sommes bien conscients des enjeux que chaque changement peut susciter dans l’éducation des enfants, dans leur bien-être. On prendra notre décision au vu de tous les éléments qui nous sont remontés ». La carte scolaire définitive devrait être adoptée en décembre 2023 pour une mise en place à la rentrée 2024.

Ce calendrier ne laisse « que peu de temps avant de trancher pour tel ou tel scénario en fonction des écoles » indiquent des parents d’élèves. Ces derniers critiquent aussi la stratégie même derrière ce bouleversement de la carte scolaire. « La mixité sociale doit commencer par le logement. Dans le quartier Alphonse Guérin, plusieurs logements sociaux ont été construits ces dernières, il y a une vraie évolution de la mixité. C’est une bonne chose. C’est plus approprié que de faire traverser toute la ville aux enfants au collège ».

Par Quentin Ruaux

Source : À Rennes, pourquoi des parents craignent un « raz-de-marée vers l’école privée » | Le Télégramme (letelegramme.fr)

URL de cet article : À Rennes, pourquoi des parents craignent un « raz-de-marée vers l’école privée » (LT.fr – 07/07/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)

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