À Saint-Brevin comme ailleurs, la terreur d’extrême droite ne passera pas (H.fr-24/05/23)

Le 25 février, à Saint-Brevin, manifestation citoyenne contre les menées des groupes fascistes

Par Cyprien CADDEO

Un grand rassemblement est organisé, ce mercredi 24 mai, à Saint-Brevin, en soutien au maire Yannick Morez après sa démission due aux violences et menaces fascistes. La gauche veut faire corps pour combattre la montée du nationalisme et l’inaction coupable du gouvernement.

D’ordinaire, personne ou presque ne s’intéresse à Saint-Brevin-les-Pins, petite station balnéaire sans histoire à l’embouchure de la Loire. Sur la plage piquée des arbres qui lui donnent son nom, l’été, les touristes flânent et scrutent les géants d’acier qui naissent au loin, sur les chantiers navals de Saint-Nazaire. Ce mercredi 24 mai, pourtant, elle sera l’épicentre d’une mobilisation devenue enjeu national.

L’Association des maires de France (AMF), des élus socialistes, insoumis, communistes, écologistes défileront dans les rues de la commune, à l’occasion d’une marche en soutien au maire démissionnaire Yannick Morez, contraint de fuir son mandat et sa ville après une attaque de l’extrême droite contre son domicile. L’édile divers droite, qui dénonce l’incurie du gouvernement, se dit saisi « de l’ampleur qu’a prise la chose ». Il est devenu un symbole. « Ce qui s’est passé à Saint-Brevin est un échec pour la République et cela doit être une alarme pour les démocrates de notre pays », tranche André Laignel, vice-­président (PS) de l’AMF.

Des groupuscules qui alimentent le moulin conspirationniste du « grand remplacement »

« L’extrême droite a une stratégie de la terreur pour dissuader les maires d’avoir une politique en faveur de l’asile des migrants, au nom de leur vision raciste de la société, poursuit-il. À Saint-Brevin, l’incendie criminel contre le maire est un acte terroriste. » « Europol a annoncé que c’est la France qui détient le triste record des actes violents provoqués par l’extrême droite, Saint-Brevin nous le rappelle », pointe le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, qui se rendra en Loire-Atlantique pour représenter les communistes, aux côtés du porte-parole Ian Brossat.

L’extrême droite a une stratégie de la terreur pour dissuader les maires d’avoir une politique en faveur de l’asile des migrants, au nom de leur vision raciste de la société. À Saint-Brevin, l’incendie criminel contre le maire est un acte terroriste”. Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF

Le député du Nord réclame plus de fermeté contre les groupuscules et l’inéligibilité pour les dirigeants d’extrême droite condamnés pour des propos racistes ou antisémites : « Ceux-là entretiennent le climat de haine qui s’est abattu à Saint-Brevin sur un élu. »

Dans la commune, des groupuscules loin de se soucier du sort des Brévinois se sont greffés à un mouvement d’une dizaine de riverains opposés au déplacement du centre d’accueil de migrants près d’une école. Eux y voient une eau de plus pour le moulin conspirationniste du « grand remplacement » des populations blanches par des populations immigrées et racisées.

Pour le député FI de Loire-Atlantique, Matthias Tavel, qui mènera la délégation insoumise dans la marche, il s’agit aussi de faire corps pour montrer que l’extrême droite n’a pas gagné la partie : « Il y a un récit victorieux qui se développe parmi eux et qu’il faut contrer : à Callac, ils ont obtenu l’annulation du projet de centre d’accueil (le maire de cette ville bretonne a rétropédalé face aux menaces, en janvier – NDLR) ; à Saint-Brevin, ils pensent avoir eu la “peau” du maire, en tout cas son mandat. »

Dans l’Indre aussi, un maire relate les menaces depuis l’annonce du projet d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile

De quoi inquiéter l’AMF et d’autres élus directement concernés, comme Laurent Laroche, maire sans étiquette de Bélâbre (Indre). La commune berrichonne doit accueillir, en 2024, un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Au micro de RTL, l’édile relate les menaces qu’il a subies depuis l’annonce du projet, avec notamment un mail anonyme reçu en février : « On m’a dit que j’étais un traître à la cause française, un collabo. Et que, le moment venu, je serai pendu sur la place publique. »

“Nous avons la sensation d’être des sous-traitants de l’État, contre le principe de libre administration des communes ”. André Laignel, vice-­président (PS) de l’Association des maires de France

Derrière ces menaces, il y a un malaise plus large qui touche les maires de France. « Nous avons la sensation d’être des sous-traitants de l’État, contre le principe de libre administration des communes », dénonce André Laignel.

Le socialiste rappelle que les projets de centres d’accueil, même soutenus par les maires concernés, sont entrepris par le ministère de l’Intérieur, « et après, on nous laisse seuls en première ligne ». Ce « sentiment d’abandon » est aggravé par la baisse des dotations et des budgets ankylosés par l’inflation. Selon l’AMF et sur seulement 45 départements ayant fait remonter leurs statistiques, 293 maires ont démissionné depuis les dernières élections de 2020, en plus de 1 959 adjoints et 9 307 conseillers municipaux, soit 12 648 élus (sur 512 000).

L’absence des élus de droite et Renaissance interroge

Face au scandale, et accusé d’inaction par Yannick Morez, le gouvernement a pondu, le 17 mai, un plan de lutte contre les violences faites aux élus – repris par le groupe Renaissance, mardi, qui prévoit le dépôt d’une proposition de loi pour aggraver les sanctions envers les auteurs de ces violences. Mais ses propositions, comme la création d’un centre d’analyse dédié à cette question, semblent faibles. L’attentisme de certaines préfectures est pointé du doigt.

Fabien Roussel prend en exemple le maire de Villerupt, en Meurthe-et-Moselle : « Pierrick Spizak a alerté pendant des semaines sur le bain de sang qui pourrait se produire sur fond de règlements de comptes liés au trafic de drogue. Il n’a jamais eu de réponse des autorités et une fusillade a fini par avoir lieu. » À Saint-Brevin, Yannick Morez n’a pas été entendu par la préfecture quand il a réclamé l’interdiction des manifestations d’extrême droite sur le parvis de sa mairie. « Quand on voit la facilité avec laquelle on prend des arrêtés contre les casserolades… » bouillonne André Laignel.

“C’est quand même paradoxal que ce soit nous, élus de gauche, qui devions monter au créneau pour défendre un projet initié par le ministère de l’Intérieur et porté par un maire divers droite ! ” Matthias Tavel, député FI de Loire-Atlantique

L’absence d’élus de droite ou Renaissance à la marche du 24 mai interroge. Est-ce dû au fait que la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland, en soit à l’initiative ? La section départementale de l’AMF 44 a annoncé ne pas participer à la marche, à cause du « caractère politique » de la mobilisation. « C’est quand même paradoxal que ce soit nous, élus de gauche, qui devions monter au créneau pour défendre un projet initié par le ministère de l’Intérieur et porté par un maire divers droite ! » ironise, amer, l’insoumis Matthias Tavel.

La Macronie a eu bien des pudeurs à désigner la responsable des violences à Saint-Brevin par son nom – l’extrême droite identitaire. Comme de prononcer le mot d’ « acte terroriste » concernant l’incendie criminel qui a failli coûter la vie au maire et à sa famille. La majorité, pourtant très à l’aise quand il s’agit d’inventer un « éco-terrorisme » ou un « terrorisme intellectuel » à gauche, a préféré parler plus vaguement, comme l’a fait la première ministre Élisabeth Borne, du « danger des extrémismes »

Manière d’embarquer la gauche radicale dans l’affaire. Un « amalgame scandaleux » pour Matthias Tavel : « De l’autre main, ils remettent des brevets de respectabilité aux députés RN parce qu’ils présentent bien à l’Assemblée… » C’est, au fond, cela l’enjeu de cette marche : dénoncer l’incurie de l’État face à une menace de plus en plus concrète, et montrer comment les macronistes, obsédés par l’idée de disqualifier leurs oppositions, quitte à tout confondre, contribuent à désarmer l’opinion face au péril brun.

Source: https://www.humanite.fr/politique/extreme-droite/saint-brevin-comme-ailleurs-la-terreur-d-extreme-droite-ne-passera-pas-796044

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