À Saint-Brieuc, l’avocat en camping-car vient plaider pour Tom, mort à 18 ans d’un accident du travail (LT 29/03/2023 21h11)

Isabelle et Jean-Claude Le Duault, parents de Tom, Me Ralph Blindauer du barreau de Metz, et Sandrine Gasner, juriste, sur un parking à Plaintel (22). (Le Télégramme/Dimitri Rouchon-Borie)

Le 25 octobre 2021, Tom Le Duault, 18 ans, meurt écrasé dans un abattoir, à Lanfains (22). Ce jeudi 30 mars 2023, devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc, l’avocat des parents de Tom plaidera, pour dire combien les accidents du travail n’arrivent « jamais par hasard… »

Plaintel (22), mercredi 29 mars 2023. Le camping-car s’est garé un peu à l’écart, sur le parking du petit supermarché de la commune. À l’intérieur, son conducteur a lâché le volant, pour s’installer dans le salon, dossiers ouverts. Voilà le bureau de Me Ralph Blindauer, avocat au barreau de Metz, spécialisé dans les drames du travail, et de sa collaboratrice, juriste, Sandrine Gasner. Le couple habite les Vosges, quand ils ont le temps de s’y poser quelques jours. « On lave le linge et on repart », dit-elle. Leur vie, c’est un nomadisme constant, au nom d’une cause qui s’appelle le Code du travail. Et à cause du nombre extraordinaire d’affaires requérant un défenseur sachant. « Je fais énormément de plans sociaux », explique l’avocat. « Mais aussi les accidents du travail, comme ici ».

Au premier jour

Ici, c’est le dossier de Tom Le Duault, 18 ans. Un jeune homme, saisonnier dans un abattoir de Lanfains, où travaille par ailleurs sa mère, et qui meurt écrasé sous une caisse de volailles, au premier jour de son embauche, le 25 octobre 2021. Ce jeudi 30 mars 2023, l’avocat va assister les parents de Tom, Isabelle et Jean-Claude Le Duault, habitants à Plaintel, à l’occasion du procès pour homicide involontaire de l’entreprise, LDC Bretagne, et de son dirigeant, devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc.

« C’était son premier jour, il voulait bien faire »

« Jamais la faute à pas de chance »

Assister, cela veut dire accueillir le deuil impossible au quotidien d’une famille. Et traduire le drame absolu dans les termes du droit. Me Blindauer le sait : son métier, c’est de mettre au jour, sans relâche, ces mêmes petites causes, qui dans la négligence de l’organisation du travail, font des morts, et des blessés. « Les accidents du travail, ça n’est jamais la faute du salarié, défend-il. Ça n’est jamais la faute à pas de chance. C’est toujours lié à des questions d’organisation, de formation… »

À Saint-Brieuc, l’avocat en camping-car vient plaider pour Tom, mort à 18 ans d’un accident du travail
(Le Télégramme/Dimitri Rouchon-Borie)

Sécurité ou performance

« Ce qui ressort de toutes les affaires que je traite, c’est que la sécurité est toujours moins prioritaire que la performance des entreprises. S’il faut arbitrer… » Mais la cible de l’avocat, c’est aussi moins le dirigeant, « rouage d’un système » que cette zone grise de la décision économique : « Aujourd’hui, un salarié qui veut respecter parfaitement les consignes de sécurité ne peut pas faire son travail. » Alors il prend sur lui, et il se met en danger.

Ça nous tombe dessus, on est perdus, on se retrouve seuls. On ne sait pas comment choisir un avocat. On ne sait jamais comment l’enquête évolue… C’est difficile.

« Interdit mais tout le monde le fait »

À Lanfains, la victime était en train d’entasser des caisses de volailles, sur trois niveaux. « C’est interdit, mais tout le monde le fait, parce qu’il n’y a pas de place… et puis il n’y a jamais eu d’accident, alors pourquoi ne pas continuer ? C’est classique ».

À Saint-Brieuc, l’avocat en camping-car vient plaider pour Tom, mort à 18 ans d’un accident du travail
(Le Télégramme/Dimitri Rouchon-Borie)

Sur les sièges du camping-car, les parents de Tom, venus préparer l’audience, acquiescent. « C’était son premier jour, il voulait bien faire ». Ce mercredi, ils sont stressés, tendus, et angoissés, dans l’attente du procès, où ils craignent que « personne n’assume de responsabilités ». Leur parcours de parents d’une victime n’a guère encouragé la confiance. « On n’est pas du tout entendus… », confie Jean-Claude Le Duault. « Ça nous tombe dessus, on est perdus, on se retrouve seuls. On ne sait pas comment choisir un avocat. On ne sait jamais comment l’enquête évolue… C’est difficile. »

À l’audience, ils voudraient parler de Tom. Dire « qui il était ». « C’est difficile de vivre sans lui, confie Isabelle, sa mère. Mais tous les jours je lui parle. Je vais dans sa chambre, je fais comme s’il était là ».

Auteur : Dimitri Rouchon-Borie

Source : À Saint-Brieuc, l’avocat en camping-car vient plaider pour Tom, mort à 18 ans d’un accident du travail – Bretagne – Le Télégramme (letelegramme.fr)

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