Abus sexuels dans l’Église : l’interminable attente des victimes qui souhaitent témoigner. ( OF.fr – 26/08/22 – 17h39 )

Victime d’abus sexuels par un prêtre, il a fallu plus d’un demi-siècle à Michel pour prendre la parole (photo d’illustration).

Victime d’abus sexuels par un prêtre, il a fallu plus d’un demi-siècle à Michel pour prendre la parole (photo d’illustration). 

Il lui a fallu plus d’un demi-siècle pour prendre la parole, et il lui faut attendre, encore. Dans le Nord-Finistère, Michel (1), a été victime d’abus sexuels par un prêtre, il y a de nombreuses années. Il a contacté l’instance chargée des réparations, mais n’a eu aucun retour, pendant plusieurs mois.

Il lui a fallu 60 ans, pour prendre la parole. « Il n’y a que ma femme qui sait », souffle Michel (1), un habitant du Finistère-Nord. Pendant plus d’un demi-siècle, il a mis « un couvercle », sur les abus sexuels qu’il a subi, pendant plusieurs mois, alors qu’il avait 10 ans et qu’il suivait des cours de catéchisme avec un prêtre. Depuis cette période, dans les années 1960, « chaque fois que je passais devant l’église où j’allais, j’avais un sentiment bizarre », retrace-t-il.

C’est seulement il y a « 2 ou 3 ans » qu’il parvient enfin à mettre des mots dessus. « Il y a eu la médiatisation de l’affaire Barbarin, puis le film de François Ozon, Grâce à Dieu , sorti en 2019 », qui met en images le combat judiciaire des victimes d’abus sexuels.

Après ces révélations, Michel était « persuadé que la chape de plomb allait rester ». Il n’en est rien. « J’ai pris conscience que je n’étais pas seul, c’est ce qui m’a décidé à parler. C ’est en témoignant qu’on fait avancer les choses. » Alors, Michel a pris contact avec l’évêché de Quimper, en octobre 2021.

Un référent, mais pas d’échange

Il est orienté vers l’Inirr (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation). Depuis le 17 janvier 2022, elle recueille les témoignages de victimes. Michel envoie, une première fois, son dossier le 10 janvier, mais à une adresse erronée. Il recommence, en mars. L’Inirr dit lui avoir envoyé une lettre de réponse dans les jours qui suivent. Michel, lui, annonce l’avoir reçue en mai. « C’était une lettre type de la présidente, Marie Derain de Vaucresson, qui indiquait une personne à contacter. » Il envoie des mails, plusieurs fois, sans retour.

L’attente est longue. Pour lui, « les grandes annonces ne sont pas suivies d’effets ». Michel aimerait « une réponse, un dialogue ». ​« Je n’ose pas imaginer, si réparation il y a, qu’on fasse traîner les choses. »

Début juillet 2022, il a envoyé une lettre, restée sans réaction, cette fois-ci directement à la présidente de l’Inirr, Marie Derain de Vaucresson. « Il vaut mieux s’adresser à Dieu qu’à ses Saints », glisse-t-il. Aujourd’hui, Michel s’est débarrassé du sentiment « de culpabilité » qu’il a ressenti pendant des années. Maintenant qu’il a pris la parole, il attend simplement un retour.

Pour la présidente de l’Inirr, « nous sommes dans un embouteillage »

Au 20 juillet, 900 personnes avaient fait part de leur situation à l’Inirr. Contactée, Marie Derain de Vaucresson détaille : « Depuis le lancement, nous avons formalisé des décisions pour 30 situations, au 31 juillet. 138 sont actuellement accompagnées par des référents. »

L’instance compte neuf référents, qui ne sont pas tous à temps plein. Certaines personnes, qui ont contacté l’Inirr, n’ont donc par encore été orientées vers l’un d’entre eux. La présidente explique : « Je le déplore énormément, nous sommes dans un embouteillage à l’entrée dans la démarche. Je le regrette, je n’avais pas imaginé qu’on serait amené à faire autant attendre les personnes. C’est un problème que nous prenons à bras-le-corps pour qu’à l’automne la question soit en voie de résolution. »

D’autres personnes devraient prochainement rejoindre l’instance, afin d’accompagner les victimes. La présidente espère « une quinzaine de référents équivalents temps pleins d’ici la fin de l’année ».

Dans le cas de Michel, pour qui mails et lettres sont restés sans réponse, depuis plusieurs mois, la présidente est claire : « C’est un problème sérieux, il y a manifestement eu plusieurs difficultés dans la chaîne de communication. Heureusement, cela arrive peu. » Elle l’invite à « reprendre contact avec l’institution ». ​« Il peut se passer un mois, mais pas trois ou quatre », conclut-elle.

Peu après nos échanges, Michel a recontacté la présidente. Il a obtenu une réponse et a été informé qu’un référent devrait lui être désigné, d’ici la fin du mois de septembre.

(1) prénom d’emprunt.

Source : Abus sexuels dans l’Église : l’interminable attente des victimes qui souhaitent témoigner (ouest-france.fr)

Auteur : Sarah Humbert

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