Affaire Dussopt : les écrans de fumée du PNF (VdD-10/02/23)

e Parquet National Financier a été voulu par François Hollande et créé après l’affaire Cahuzac. À grands coups de trompette, on nous a expliqué qu’on allait voir ce qu’on allait voir avec cet outil chargé de lutter contre la corruption publique. Les mauvais esprits, dont l’auteur de ces lignes, ont plutôt pointé les deux caractéristiques de l’engin qui allait en faire plutôt un outil de protection judiciaire, d’abord de Hollande de sa bande, puis de son successeur et de ses amis. La première de ces caractéristiques était la compétence nationale de ce parquet spécialisé. Qui lui permettait de s’emparer de toutes les affaires pouvant naître sur le territoire au détriment des parquets territorialement compétents. La seconde est relative à la composition de l’organe faisant l’objet d’un soin particulier pour éviter toute surprise. C’est ainsi que, des affaires Kader Arif à McKinsey, en passant par la liquidation de François Fillon et les mises à l’abri de tous les amis de Macron, le PNF n’a pas déçu. (Je renvoie à mon livre où j’ai analysé le processus). Nouvelle illustration de ses capacités en matière de verrouillage et d’étouffoir avec l’affaire Dussopt.

Olivier Dussopt est ministre du Travail, et par conséquent l’un des porteurs du projet de réforme du système français des retraites voulu par le président de la République. Ce qui permet à ce socialiste, soutien d’Emmanuel Macron depuis 2017, de défendre le contraire des positions qui étaient les siennes lorsqu’il était parlementaire d’opposition. Les socialistes, à commencer par François Hollande, le premier d’entre eux, ont porté Macron au pouvoir, les plats de lentilles des postes ministériels qu’ils occupent aujourd’hui valent bien quelques solides trahisons.

En 2020, Olivier Dussopt s’est retrouvé dans le collimateur de Mediapart, qui joue le rôle de parquet privé au service du courant socialiste. Le média nous apprenait alors que le maire d’Annonay avait reçu en cadeau d’une entreprise deux lithographies signées du peintre Gérard Garouste. Élément très gênant, la commune passait au même moment un contrat de partenariat avec ladite entreprise pour l’installation d’un équipement industriel sur son territoire. Et cette concomitance alimentait un gros soupçon sur la nature des relations entre la société SAUR — un des grands de la distribution de l’eau en France — et Olivier Dussopt. Ce cadeau était-il la contrepartie de sa décision favorable de l’usage de son influence pour parvenir à la signature ? En d’autres termes : y avait-il corruption et/ou trafic d’influence ? Le soupçon étant de plus alimenté par le fait que le montant du cadeau étant supérieur à 150 €, le député-maire s’était dispensé de la déclaration obligatoire aux déontologies de l’Assemblée nationale. Tout ceci était désagréable, et on demanda au maladroit, pressenti pour devenir ministre des Comptes publics quelques jours plus tard, d’arranger cela.

Après quelques mensonges et approximations, Olivier Dussopt prétendant faussement que l’auteur du cadeau était un ami et qu’il ignorait sa valeur (!), il prit l’initiative de restituer les encombrantes lithographies. Cela n’apaisa pas la polémique et il fallut prévoir autre chose. Et c’est ainsi que le Parquet national financier (PNF) fut mis dans la boucle.

Le PNF à la manœuvre

L’astuce imaginée pour traiter une affaire s’avérer gênante, fut la suivante : la procédure qui pouvait déboucher sur la mise en examen d’un ministre pour corruption aurait dû normalement être confiée à un juge d’instruction, magistrat du siège indépendant. Mais cela rendait la maîtrise du dossier un petit peu moins aisée. Le PNF a donc lancé une enquête préliminaire qui lui a permis de mener à sa main les « investigations », sans débat contradictoire, sans partie civile, sans contrôle de la chambre d’instruction. L’objectif était probablement d’opérer — comme il l’avait fait par exemple pour Alexis Kholer —, et de terminer par un classement sans suite.

Le problème, c’est que l’apostat Olivier Dussopt a suscité beaucoup de rancunes au sein de l’église dont il est issu, à savoir le Parti socialiste. Les polémiques, parfois gênantes, ont continué de loin en loin et près de trois ans après, on vient d’apprendre aujourd’hui que le PNF envisageait de citer Olivier Dussopt devant le tribunal judiciaire de Paris. Ah, pas de classement sans suite alors ? Pas expressément, non, mais pas loin. On nous annonce que le PNF, qui avait retenu au départ cinq infractions, les a toutes écartées sauf une. Exit la corruption, exit la prise illégale d’intérêts et autres babioles, pour ne retenir en l’état qu’un « délit de favoritisme » qui aurait été commis en 2009 (!). Et Olivier Dussopt de triompher sur la mise en évidence par le PNF de l’absence de délit de « corruption ».

Vous avez dit « corruption » ?

Deuxième volet de l’astuce. Le délit de favoritisme est l’attribution d’un avantage à un participant dans le cadre d’une procédure de marché public par la violation des règles de la commande publique. Il faut que cette violation soit identifiée et qu’elle ait permis l’attribution du marché. Pendant 40 ans, la distribution et l’assainissement de l’eau de la ville d’Annonay ont été assurés par la SAUR. Olivier Dussopt s’étant engagé dans sa campagne municipale à les reprendre en régie publique, il a souhaité confier à son ancien délégataire des missions ponctuelles. Ce qui serait reproché à l’ancien maire d’Annonay serait d’avoir fourni des informations privilégiées lui permettant d’emporter les marchés. Effectivement, après 40 ans d’exploitation, la SAUR ne devait rien savoir du fonctionnement des réseaux et de leurs besoins… Il faut être sérieux ; 14 ans après les faits, cette incrimination semble quand même manquer de consistance. Volontairement ? Nous verrons, si cette affaire vient un jour à l’audience, puisque la décision définitive du parquet n’est pas encore prise. Puisqu’en application de l’article 77 du code de procédure pénale, il a transmis ses conclusions aux avocats de la défense qui vont y répondre.

De toute façon, si le juge du fond venait à considérer que l’infraction est constituée et non prescrite, il pourrait appliquer la jurisprudence Jean-Marc Ayrault, condamné à une peine légère pour délit de favoritisme. Ce qui ne l’empêcha pas de devenir ensuite Premier ministre…

On reparlera de tout cela dans quelques années. En attendant, Olivier Dussopt va pouvoir continuer à s’occuper de la réforme des retraites.

Puisque le PNF vous dit qu’il n’est pas corrompu.

Régis de CASTELNAU

source: https://www.vududroit.com/2023/02/affaire-dussopt-les-ecrans-de-fumee-du-pnf/

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