Agroalimentaire : à Brest, un procès pour « traite d’êtres humains » ( LT.fr – 13/10/22 – 06h00 )

Le dirigeant de la société de ramassage de volailles Prestavic et son épouse seront jugés, ce jeudi, à Brest.
Le dirigeant de la société de ramassage de volailles Prestavic et son épouse seront jugés, ce jeudi, à Brest. (Photo illustration Le Télégramme)

Des sans-papiers à qui on faisait miroiter une régularisation. Des conditions d’hébergement jugées indignes. Deux responsables et un hébergeur d’une entreprise finistérienne de ramassage de volailles comparaissent pour « traite d’êtres humains », à Brest, ce jeudi 13 octobre.

« Vous n’avez qu’à travailler, je m’occupe des papiers. » C’est ce refrain qu’ont entendu pendant plusieurs mois de nombreux sans-papiers venus chercher bonne fortune en Bretagne, chez un sous-traitant de l’agroalimentaire, la société Prestavic basée à Saint-Sauveur, entre Brest et Morlaix, et liquidée en décembre 2020. Le boulot ? Celui dont plus personne, ou presque, ne veut dans la région : ramasser des volailles chez des éleveurs, et les fourrer dans des containers hissés sur des poids lourds. Un travail de forçat, payé au smic horaire (10,13 € alors), qui débute vers 21 h, et s’achève au petit matin.

En 2020, malades et positifs à la covid, mais au travail

Dix à douze heures payées « six ou sept heures ». Les temps de déplacements entre lieux d’élevage ne sont pas comptabilisés. Ni les temps d’attente entre chacun d’eux. « On restait dans une fourgonnette ou dans un bureau non chauffé », avaient rapporté au Télégramme plusieurs de ces sans-papiers, en janvier 2021. Les plus précaires sont hébergés dans des logements appartenant à un proche de l’employeur, qui seront plus tard jugés insalubres par les autorités sanitaires.

L’affaire éclate en août 2020. La pandémie sévit depuis déjà plusieurs mois. Il n’y a encore aucun vaccin. Les autorités ont fait le choix de confiner la population. Pas les « travailleurs essentiels ». Les ramasseurs de volailles sont en première ligne. Certains sont pourtant malades, positifs à la covid. « Si on ne revenait pas travailler, on était punis », avaient témoigné les intéressés dans nos colonnes. Privés de chantiers, privés de revenus. Les tensions se multiplient. Jusqu’à ce que plusieurs sans-papiers s’aperçoivent que leur employeur n’a entamé aucune démarche de régularisation en préfecture…

Jusqu’à dix ans de prison encourus

L’affaire parvient aux oreilles de l’Inspection du travail et de la Mutuelle sociale agricole (MSA) qui enquêtent. Le syndicat CGT, à Morlaix, s’empare du dossier, avec l’association nationale Comité contre l’esclavage moderne (CCEM). Dans la société visée, sur 23 employés, 17 sont sans-papiers (mais bénéficient tout de même d’un contrat de travail, de fiches de paie et même d’un numéro d’adhérent à la MSA). Des plaintes sont déposées. La justice saisit la police aux frontières et un service spécialisé de la Direction régionale de l‘économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Au final, la justice renvoie trois personnes devant le tribunal correctionnel de Brest, ce jeudi 13 octobre. Le dirigeant de la société, âgé de 63 ans, est poursuivi pour « traite d’êtres humains », « emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail salarié », et « faux et usage de faux en écriture ». Il encourt jusqu’à dix ans de prison, et 1 500 000 € d’amende pour le délit principal. Son épouse, âgée de 37 ans, est poursuivie pour « complicité de traite d’êtres humains » et encourt la même peine maximale. Et l’hébergeur est poursuivi pour « soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions d’hébergement indignes ». Il risque jusqu’à cinq ans de prison et 150 000 € d’amende.

Une autre société à l’activité identique, qui employait 28 sans-papiers, également située entre Brest et Morlaix, fait l’objet d’une enquête toujours en cours.

Source : Agroalimentaire : à Brest, un procès pour « traite d’êtres humains » – Bretagne – Le Télégramme (letelegramme.fr)

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