Antoine, jeune pêcheur à Lorient : « J’avais 15 ans et il fallait que je trouve ma voie » (LT.fr-29/05/23)

Antoine Dumas rêve d’avoir son petit bateau plus tard. Neuf mètres, pas plus. « Pour pêcher la qualité, pas la quantité ».

Par Sophie PAITIER

Son réveil sonne à 1 h chaque matin pour aller travailler. Antoine Dumas, 20 ans seulement, mais déjà quatre à la pêche, raconte son quotidien de jeune marin pêcheur, ses attentes, ses espoirs.

« J’avais 15 ans et il fallait que je trouve ma voie. Je n’étais pas super bon à l’école. J’ai fait ma scolarité au collège Anita-Conti à Lorient. Je ne me voyais pas dans un bureau. Mes parents ne sont pas du tout dans la pêche, mais mon père adore la mer. Je faisais pas mal de bateau avec lui, il a un voilier, j’aimais être en mer. Je voulais faire de la pêche. Mon père était chaud. Il m’a dit : « pourquoi pas ? » Après la troisième, j’ai choisi le lycée maritime d’Etel. J’ai commencé un bac pro. À seize ans, je suis entré en seconde et j’ai fait mon premier embarquement. J’étais impatient d’y aller, de voir ce que ça allait donner. C’était en 2019, sur un chalutier lorientais de 16 m, l’Océanie. On pêchait la langoustine.

« Malade les deux premiers jours »

Je suis restée cinq semaines et ça s’est super bien passé. J’ai été malade les deux premiers jours, surtout la première journée. On est tous un peu pareil. Même maintenant, quand on ne va pas en mer pendant un moment, quand on repart, on est un peu malade, barbouillé.

L'Océanie
L’Océanie est le premier chalutier sur lequel Antoine a embarqué.

Après, je suis retourné à l’école, en première, pour passer le brevet de capitaine 200 et pouvoir devenir patron. Mais j’en ai eu marre des cours. J’ai trouvé un embarquement et j’ai décidé d’arrêter l’école. C’était encore sur un chalutier lorientais, le Billabong. Le patron, c’est Franck Routy. On partait le lundi, à 1 h du matin pour une marée d’une semaine. On pêchait au large de Belle-Ile ou de Groix, principalement la langoustine. Tous les deux jours, à 2 h du matin, on rentre au port pour la vente de 4 h à la criée de Keroman. On était cinq. J’étais le seul jeune à bord. J’ai appris le métier avec eux, les anciens. Ils m’ont appris à faire des quarts de pêche en passerelle. On a un cap à suivre, avec le chalut à l’eau. On relève le chalut, on le remet à l’eau tout de suite. On stocke les langoustines dans des viviers.

La pêche hauturière, ça n’est pas pour moi. Sur les gros bateaux, on fait du tonnage.

J’ai aussi travaillé sur un caseyeur de Concarneau, Le Neptune. On n’était que deux. Le patron et moi. Puis sur le Jean-Claude Coulon de la Scapêche (NDLR, un chalutier hauturier de 44 mètres), parce que j’avais envie de voir autre chose. J’ai fait une marée de quinze jours en Ecosse. On pêchait du colin et d’autres espèces au chalut de fond. J’étais le plus jeune. Je n’ai pas aimé l’ambiance. C’était froid. La pêche hauturière, ça n’est pas pour moi. Sur les gros bateaux on fait du tonnage. C’est long quinze jours quand personne ne se parle ! Je suis rentré à la débarque.

Le Billabong
Antoine a été beaucoup appris sur le Billabong : « J’ai appris le métier avec eux, les anciens ».

À chaque bateau, sa réputation

J’ai ensuite embarqué sur un caseyeur de la Scapêche basé au Guilvinec. On pêchait le tourteau. C’était un vieux bateau et on ne gagnait rien. Quand on est jeune pêcheur, on choisit nos bateaux. Chacun a sa réputation. On sait quel bateau est bien, pêche bien et lesquels sont moins bien. Généralement, quand ça change tout le temps, c’est que le bateau n’est pas bien. Soit que l’ambiance n’est pas bonne, soit que le patron prend une trop grosse part sur le produit de la pêche. Du coup, la part réservée à l’équipage n’est pas très élevée. Comme on est payé à la part, c’est important (1).

Le temps d’avoir une vie !

Je préfère les marées à la journée, qui permettent de rentrer chez soi, chaque soir. Ça se rapproche plus de ce que je veux faire plus tard. Depuis septembre 2022, je suis sur l’Izel Vor 2, avec David Le Quintrec comme patron. C’est un fileyeur. On est quatre à bord. En ce moment, on pêche la sole. On part à la journée, à 1 h 30. J’aime bien. Il y a une bonne ambiance, j’ai le temps d’avoir une vie. On a le week-end. Et l’après-midi, quand je ne rentre pas trop tard, je fais du wind foil à Kerguélen, à Larmor. Je suis tout le temps sur l’eau. Mes meilleurs potes ne sont pas marins, sauf un.

Le mauvais temps ? Parfois, c’est impressionnant. Surtout sur les petits chalutiers. Le travail est plus fatigant, car on est tout le temps en équilibre.

Je n’ai jamais eu peur en mer. Le mauvais temps ? Parfois, c’est impressionnant. Surtout sur les petits chalutiers. Le travail est plus fatigant, car on est tout le temps en équilibre. Le matériel casse. Il faut réparer…

J’ai suivi la grève des pêcheurs en mars, j’ai manifesté. Les ONG, comme Sea Sheperd, s’en prennent aux petits bateaux. On n’arrive pas trop à savoir si on pourra être pêcheur toute notre vie.

Mon but c’est d’avoir un tout petit bateau. Un ligneur de 9 m, pour pêcher le bar à la ligne, tout seul. Pour faire du poisson de qualité. Mais pour ça, je dois repasser le brevet, pour un bateau de 9 m, ça n’est pas trop difficile. Je me donne encore deux à trois ans, comme matelot, avant d’acheter mon bateau ».

(1) Le salaire des marins est calculé sur le produit que rapporte la pêche après vente sous criée, déduit des frais du bateau. Le patron prend une part, variable selon les bateaux. Le reste est partagé entre l’équipage.

À lire sur le sujet Corentin, matelot lorientais à la pêche : « J’adore ce que je fais ! 

Source: https://www.letelegramme.fr/morbihan/lorient/antoine-jeune-pecheur-a-lorient-j-avais-15-ans-et-il-fallait-que-je-trouve-ma-voie-29-05-2023-13346693.php

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