« Au lendemain de la loi immigration, je rappelle que les immigrés non européens n’ont jamais trahi la France » (IO.fr-8/01/24)

Carlos Martens Bilongo, novembre 2022. (AFP)

« Je m’élève contre ce gouvernement reprenant à son compte les idées d’extrême droite et qui accepte qu’une partie de nos concitoyens soient stigmatisés », dénonce Carlos Martens Bilongo, député LFI du Val-d’Oise, dans une tribune transmise à l’hebdomadaire Informations Ouvrières.

Par Carlos MARTENS BILONGO

Cette loi renvoie un signe méprisant à tous ceux qui ont versé, lors de la Seconde Guerre mondiale, leur sang pour sauver la France du fascisme alors que les dirigeants du régime de Vichy optaient pour la collaboration ; du débarquement de Provence à nos jours, en passant par les Trente Glorieuses, jamais au grand jamais, les migrants africains n’ont trahi la France, ni même l’Europe. Derrière ce texte stigmatisant, aux relents colonialistes et racistes, il y a des femmes et des hommes qui se lèvent chaque matin pour que vive l’économie de notre pays. Quotidiennement, soit à l’embauche soit dans la recherche d’un logement, dans l’accès à l’éducation ou à la santé, ils subissent le racisme institutionnel et systémique dénoncé aussi bien par le défenseur des droits que par l’ONU, entre autres par le groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine -WGEPAD-.

L’égalité est loin d’être un concept partagé ; elle subit des variations selon la couleur de la peau ou la pratique religieuse. Cela ne risque pas de s’améliorer avec l’adoption de cette loi, texte le plus dur en matière de gestion des migrations depuis quarante ans.

J’en veux au président de la République Emmanuel Macron, élu en 2017 et réélu 2 022 pour faire barrage à Marine Le Pen et ses idées.

Je n’oublie pas son discours du 24 avril 2022, lors de sa réélection face à l’extrême droite, où il déclarait : « Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Et je veux les remercier, et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir ». Que nous sommes loin, aujourd’hui, de ce discours suranné.

Par l’adoption de ce texte, on est loin de ce qu’il affirmait, les yeux dans les yeux, à ceux qui l’avaient élu pour contrer l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir.

Actuellement à l’Assemblée Nationale, deux vice-présidents du Rassemblement national élus par les voix des députés de la macronie. Le gouvernement n’a pas de majorité sans les voix de droite, de l’extrême droite raciste et nationaliste qui se retrouvent dans l’idée de « décivilisation », chère à Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement ».

Le président a donc glissé, sans vergogne, vers la droite et l’extrême droite, en prônant avec cynisme et brutalité la stratégie du « en même temps » mais avec un virage radical : en même temps à droite, en même temps à l’extrême droite, ouvrant ainsi la porte aux porteurs de la peste brune, descendants directs de l’OAS et du poujadisme. Jean-Marie Le Pen a trouvé son digne successeur, sa fille et sa petite nièce qui se battent pour que soient reprises, dans cette loi, les formules et les propositions défendues depuis des décennies par le Front national ; la préférence nationale, les quotas, l’instauration d’une caution retour pour les étudiants étrangers, le droit du sol, la déchéance de la nationalité. Où est le barrage à l’extrême droite, lorsque Emmanuel Macron et la Macronie reprennent les thèmes et les éléments de langage de l’extrême droite, lorsque notre président réhabilite le maréchal Pétain ? Déception totale.

Rien ne peut leur faire entendre raison, aucune étude ne confirme les affirmations précisant qu’il y a un afflux de migrants attirés par notre système social ; les migrants enlisés dans la « jungle de Calais » démontrent le contraire. Ils ne veulent pas rester en France et ne rêvent que de la Grande Bretagne, en traversant la Manche de manière illégale au péril de leur vie.

Si le fantasme de l’immigré profiteur de l’AME, du RSA ou des APL, et j’en passe, fait florès, le migrant s’installant ou seulement de passage en France non seulement fournit une main d’œuvre facile à exploiter mais aussi contribue au solde positif des finances publiques.

Plus précisément, sur la période de 2006 à 2018, selon la chercheure Ekrame Boubtane, la contribution nette des immigrés aux recettes fiscales est estimée à 0,25 % du PIB en France. Autrement dit, la contribution nette des immigrés aux finances publiques sur trente ans a été en moyenne près de quatre fois supérieure à celle des ménages non-immigrés.

Dans une étude de 2018, Xavier Chojnicki, Lionel Ragot et Ndeye-Penda Sokhna, ont souligné ce solde sur une période plus longue. Selon eux, si la contribution nette moyenne des ménages immigrés est, comme pour les ménages non-immigrés, négative entre 1979 et 2011, créant un déficit, il n’en demeure pas moins que le coût net moyen des ménages immigrés pour les finances publiques est nettement moins important que celui des ménages non immigrés : 0,15 % du PIB contre 0,58 %.

La Première ministre Élisabeth Borne a promis une réforme de l’aide médicale d’État (AME) en janvier prochain, dont le Sénat a récemment voté la suppression. Ce dispositif ne représente pourtant que 0,4 % du total des dépenses de l’État en matière de santé en 2020 (environ 920 millions d’euros sur 209,2 milliards d’euros), soit 0,04 % du PIB.

Mais cela n’est pas assez ; le système libéral exige des réformes, toujours plus de réformes et surtout une dérégulation des services publics afin de réduire les dépenses. Dès lors, les migrants deviennent la variable d’ajustement structurel et sont responsables de tous les maux que traversent le pays. L’Etat est fortement soutenu, dans cette entreprise mensongère, coloniale et raciste, par les médias qui ne cessent, de manière violente, d’insuffler que l’immigration est responsable de l’errance démocratique, politique, sociale et économique de notre société. Y compris des problèmes de sécurité urbaine.

Tout est mélangé et traité au même niveau. La critique analytique se contente de perception, d’impressions, d’à peu près, de mensonges et de sondages ; permettez-moi de rappeler que ces mêmes sondages ont été, dans un réel déni de démocratie, totalement ignorés par l’exécutif lors de la réforme des retraites.

Je m’élève contre ce gouvernement reprenant à son compte les idées d’extrême droite et qui accepte qu’une partie de nos concitoyens soient stigmatisés.

Je m’insurge contre cette loi coup de poignard plantée dans le dos de cette nouvelle génération de Français, issus de l’immigration que nous sommes quelques-uns, beaucoup trop peu, à représenter dans le cadre de l’Assemblée Nationale.

Cette loi raciste et coloniale est, pour une énième fois, une trahison de nos valeurs contenues dans les mots « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Cette loi et les conséquences qui seront innombrables pour les migrants mais aussi pour nous tous issus de l’immigration nous oblige, je dis bien nous oblige, à assumer nos responsabilités à savoir à occuper, partout où cela est possible, les postes à responsabilité politique, quel que soit le niveau de la représentation. Ne les laissons plus décider pour nous et surtout ne les laissons pas nous sélectionner, nous diviser ou nous récompenser. Nous n’avons pas à avoir peur, nous sommes Français et nous ne voulons pas que notre pays parte à la dérive. Il est urgent d’arriver aux responsabilités dans ce pays afin d’ériger une société solidaire, égalitaire, inclusive et antiraciste.

Carlos Martens Bilongo, député La France Insoumise du Val-d’Oise

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/01/08/au-lendemain-de-la-loi-immigration-je-rappelle-que-les-immigres-non-europeens-nont-jamais-trahi-la-france/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/au-lendemain-de-la-loi-immigration-je-rappelle-que-les-immigres-non-europeens-nont-jamais-trahi-la-france-io-fr-8-01-24/

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