Au tribunal de Brest un volailler breton qui exploitait des immigrés dans des conditions indignes condamné à la prison (OF.fr-15/12/22)

Au tribunal de Brest, le gérant de la société Avicole, sa compagne et un loueur sont tous les trois coupables d’avoir « participé à l’exploitation par le travail et à l’hébergement dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine »

Pour avoir fait travailler illégalement et hébergé 15 personnes sans papiers dans des conditions indignes, entre 2018 et 2020 dans le Finistère nord, le gérant de la société avicole Prestavic a été condamné à deux ans de prison, jeudi 15 décembre 2022. Sa compagne à six mois et le marchand de sommeil à un an. Ainsi qu’à de lourdes amendes.

« C’était marche ou crève. » Leurs témoignages bouleversants, lors de l’audience, le 14 octobre 2022, au tribunal de Brest, avaient marqué les esprits : quinze travailleurs, tous sans papiers, venus en majorité de Côte-d’Ivoire, et placés dans « des situations de dépendance et de vulnérabilité incontestables », comme le précisait leur avocat Me Mehdi Bouzaida, qui représente également le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM).

« Un système d’exploitation d’êtres humains »

Le gérant de la société avicole Prestavic, sa compagne et un loueur avaient « mis en place un système d’exploitation d’êtres humains », de mars 2018 à septembre 2020, entre Saint-Sauveur, Morlaix, Scrignac et Landivisiau. « Tout ce que je te demande, c’est d’être courageux, disait le gérant lors de l’embauche. Le reste, je m’en charge ».

Tous étrangers en situation irrégulière, ils ont subi le même modus operandi : attirés dans le Finistère nord par la promesse d’un travail salarié, de papiers officiels, via une compatriote ivoirienne, elle-même ancienne ramasseuse de volailles, devenue la compagne du chef d’entreprise.

Logés dans des appartements insalubres, plein de rats et de cafards, leur loyer était directement prélevé sur leur salaire d’à peine 900 € mensuels. Des conditions de travail extrêmement pénibles, des horaires à rallonge, des cadences infernales, même pendant la crise Covid.

« Je voulais mourir »

« Notre équipe était capable de ramasser 10 000 dindons de 40 kg en une nuit de travail et d’en remplir un camion en un temps record de 45 mn, ont décrit les victimes. Si on se plaignait, on ne travaillait pas. Si on était malade, on revenait vite. »

En imposant ces conditions inhumaines, l’entreprise Prestavic était devenue la plus rentable du secteur, écrasant ses concurrents. En insultant et en poussant à bout ses employés, « ses choses », comme l’a décrit la procureure, Carole Feulvarch : « Le froid, l’ammoniaque… Je n’en pouvais plus, je voulais mourir mais il menaçait de me rapatrier si je ne travaillais pas. Je n’avais pas l’impression d’être en France. »

À l’occasion de soirées, dont « la fête de son Pacs », le gérant leur demandait de servir ses invités, de « faire le boy », avec toujours la même menace : « D’autres émigrés attendent porte de La Chapelle. »

Le gérant est recherché

Lors de ses auditions, persuadé que « tout était correct », le gérant, Marc Szambelan, déclarait : « Pour moi, le passeport était suffisant » : « Je ne les ai pas embauchés pour les exploiter, j’avais besoin de personnel. C’est compliqué de travailler avec du vivant. »

Ce jeudi 15 décembre 2022, le délibéré de l’affaire a été rendu en l’absence des trois prévenus, tous jugés coupables d’avoir « participé à l’exploitation par le travail et à l’hébergement dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine ». Le gérant de Prestavic et sa femme ont disparu depuis plus d’un an, juste après leur mariage.

La société avicole Prestavic est condamnée à 30 000 € d’amende, ainsi qu’à quinze amendes de 1 000 € pour travail dissimulé de salariés sans papiers. Son gérant, Marc Szambelan, 63 ans, est condamné à deux ans de prison avec mandat de dépôt et à 15 000 € d’amende, avec l’interdiction de diriger une entreprise.

158 400 € aux victimes

Sa complice, sa femme, âgée de 37 ans, est condamnée à un an de prison dont six mois avec sursis et à une amende de 1 000 €. Au titre du préjudice moral, ils sont aussi condamnés à verser solidairement 158 400 € aux victimes.

Le loueur, 59 ans, est condamné à deux de prison dont un an avec sursis et à une amende de 10 000 €. Son immeuble confisqué, il n’a plus le droit d’acquérir un bien immobilier pendant dix ans. Il doit aussi verser 9 600 € aux victimes.

Si les 15 travailleurs étrangers ont obtenu un permis de séjour valable depuis le lancement de la procédure et commencé des formations, ils espèrent, un jour, être régularisés.

Depuis sa création, en 1994, le Comité contre l’esclavage moderne a accompagné plus de 1 000 victimes, dont 262 en 2021. Une enquête du Ministère de l’Intérieur fait état, en 2020, de 2 259 victimes de traite des êtres humains en France.

Frédérique GUIZIOU

source: https://www.ouest-france.fr/societe/justice/prison-ferme-pour-un-volailler-breton-qui-exploitait-des-immigres-c5628540-7585-11ed-b45f-b617cb2821fc

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