Les vacances d’été ne riment pas toujours avec voyage. À Rennes, de nombreux foyers n’ont pas les moyens de prendre le large et restent chez eux. Mais trouvent à s’occuper, sans s’ennuyer !
« Tu pars où ? » Pour les plus chanceux d’entre nous, la question est banale. Mais pour les 35 à 40 % des Français qui n’ont pas les moyens de prendre le large pendant les vacances d’été, la réponse est parfois difficile à formuler.
Des petits plaisirs à défaut de partir
« On ne part pas. C’est compliqué financièrement », confie Myriam, 34 ans. Nouvellement installée dans le quartier de Villejean, à Rennes, la mère de trois enfants a consacré un gros budget au déménagement. Ce jeudi matin, elle profite du soleil dans une aire de jeux avec son petit dernier.
« Il adore marcher ! Alors on se promène un peu partout. » Sans voiture, la trentenaire utilise les transports en commun pour sillonner Rennes et multiplier les activités avec ses enfants. Pique-nique au parc des Gayeulles, promenades au centre-ville et animations proposées par la Ville rythment les journées.
« L’autre jour, ma fille a fait du jardinage. Et en juillet, nous sommes partis une journée à L a Baule avec un bus de la mairie. C’était chouette ! » Même si les vacances à domicile « ne sont quand même pas pareilles » qu’un séjour à l’extérieur, l’aide à domicile de profession en tire du positif.
« C’est l’occasion de découvrir des endroits qu’on ne connaît pas. Grâce à une voisine, on est allés à la pataugeoire Charles Geniaux, c’est un super endroit. » Les jours de pluie, la petite famille s’occupe autour de jeux de société. Et s’autorise quelques petits plaisirs, comme des séances de cinéma. « On ne peut pas le faire toutes les semaines, c’est sûr qu’il faut faire des choix. »
« Les centres aérés très vite complets »
À quelques pas de là, dans une autre aire de jeux, Josiane profite elle aussi des rayons du soleil. Elle les a attendus… Tout le mois de juillet. « Je ne suis pas partie en vacances car j’avais misé sur la même météo que l’été dernier », sourit la quinquagénaire.
Avec une pluviométrie deux fois plus importante que la normale, les dernières semaines n’avaient pas de quoi faire rêver. Pour Josiane, ces congés à la maison ne sont pas liés à un manque de moyens, mais « de motivation ». Comme Myriam, elle trouve largement de quoi s’occuper. Notamment en gardant sa petite-fille, dont la maman a repris le travail. « On lit, on va au parc, à la mer quand il fait beau, à la piscine, on regarde un peu la télé… » Quand elle le peut, la petite Mayssam, 7 ans, va au centre aéré pour la journée. « Mais il y a peu de places, c’est très vite complet », regrette sa grand-mère.
La dolce vita… à Rennes
Le fils d’Abdourahamane, lui, est trop petit pour fréquenter les centres de loisir. À 6 mois, le nourrisson dort tranquillement dans sa poussette, en balade sur la dalle Kennedy. « Nous habitons à l’Hermitage », indiquent ses parents. Le maçon de 20 ans aurait adoré mettre le cap sur l’Italie. Faute de moyens, le couple a dû relocaliser ses rêves de dolce vita à Rennes. « On se promène, on va au parc. Rien que de prendre l’air, sortir de l’appartement, ça fait du bien », apprécie sa compagne.
« Comment font les gens pour partir ? »
Dix kilomètres plus loin, Juliette (1) est en plein débroussaillage. Comme tous les après-midi, l’habitante du Blosne passe plusieurs heures sur la parcelle qu’elle loue aux Jardins familiaux de la Bintinais. Moyennant une centaine d’euros par an, la jeune retraitée cultive un petit potager sur 150 m2.
« Ça fait dix ans », précise-t-elle, ravie de « son » petit coin de verdure, si précieux dans un quotidien en HLM. « Ça fait des années qu’on ne part plus en vacances », raconte l’ancienne technicienne de surface. La cause ? « Ça coûte beaucoup trop cher ! »
« Je n’ai jamais compris comment les gens font pour partir, s’interroge l’amatrice de jardinage. L’hébergement, le transport… Quand on voit les prix, ça paraît impossible ! » Hors de question pour la Rennaise de se priver toute l’année pour dix jours au soleil. « Aller au Portugal et ne pas manger en rentrant, non merci. »
En plus des haricots, courgettes et concombres à bichonner – « les tomates font la tête cette année » – Juliette vient aussi au jardin pour nourrir les nombreux chats abandonnés. « Les gens qui partent en vacances et laissent leurs animaux derrière, ça me rend malade », pointe la bénévole au sein de l’association Félin possible. Loin de s’apitoyer, Juliette préfère relativiser. « Il y a pire dans la vie que de ne pas partir en vacances. »
Marche, mots mêlés et sorties à la mer
Sur le balcon de son appartement situé dans l’est de Rennes, Arlette Geffroy, 77 ans, profite d’un début d’après-midi ensoleillé, avant de sortir marcher. « Je marche beaucoup, seule, selon ma forme. Quand je n’ai pas le courage, je fais mes mots mêlés sur un banc », sourit-elle.
Divorcée de longue date, Arlette vit seule avec une petite retraite, ce qui ne lui permet pas d’envisager de bouger cet été. « Déjà parce que je n’ai plus de voiture (elle a dû stopper le leasing de sa Clio pour faire des économies), et parce que j’aime vivre seule, faire ce que je veux. Si c’est pour aller dans un camp de vacances et devoir m’adapter aux horaires, ne pas décider ce que je fais, ça ne m’intéresse pas. »
La dynamique (et indépendante) retraitée s’est cependant offert une belle sortie, le jour de son anniversaire. Fin juillet, elle est partie une journée à Arromanches (Calvados), en bus, avec les sorties organisées par la Ville. « Ma copine Monique n’était pas disponible alors j’y suis allée seule. Le sujet m’a un peu secouée, tous ces morts lors du débarquement de juin 1944, mais c’était vraiment bien. J’ai visité le musée, mangé des moules frites le midi, vu la mer… », raconte-t-elle en sortant la carte postale qu’elle en a rapportée.
« Pour 4,50 € (avec la carte Sortir), c’est bien conçu. » Si bien qu’elle envisage de remettre ça en août. « Je vais peut-être aller à Pléneuf-Val-André (Côtes-d’Armor) dans dix jours », songe-t-elle. Histoire de sortir un peu de Rennes, de revoir la mer. En attendant, « mon fils passe me voir, ma petite-fille aussi. Je fais un peu de couture, je lis au parc. » Plus que partir en vacances, ce qu’elle aimerait, c’est retourner danser le dimanche (dans des établissements de la métropole rennaise). « Je regarde si je ne peux pas louer une voiture à la journée. » Une autre manière de s’évader.
(1) Prénom d’emprunt
Auteur : Charlotte HEYMELOT et Virginie ENÉE.
URL de cet article : « Au vu des prix, ça paraît impossible » : à Rennes, tout le monde ne voyage pas pour les vacances. (OF.fr – 09/08/23) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)
Un grand merci pour cet article touchant qui nous rappelle que le bonheur ne se trouve pas toujours dans les voyages lointains. Les témoignages de Myriam, Josiane, Juliette, Abdourahamane et Arlette montrent bien que l’essentiel réside dans les moments simples et les petits plaisirs du quotidien. Il est vrai que Rennes offre une multitude d’activités et de lieux à découvrir ou redécouvrir. Les initiatives de la Ville, comme les sorties organisées, sont une excellente opportunité pour ceux qui ne peuvent pas partir. Bravo à ces personnes pour leur optimisme et leur capacité à apprécier ce qu’ils ont autour d’eux. Ça donne envie de redécouvrir sa propre ville et d’en profiter au maximum. Merci pour ce beau partage ! 🍀🌼🏡