Depuis quelques années, et encore davantage depuis le Covid, le marché de la location à l’année fonctionne à flux tendu. À Brest (Finistère), trouver un logement est devenu un parcours du combattant pour les personnes en situation de précarité. Premier volet de notre dossier consacré à l’immobilier à Brest.
« Aujourd’hui, quand on est chômeur ou en CDD en contrat court, c’est très difficile de trouver une location, du moins, en passant par une agence, avoue Katia Morava, gestionnaire locative à Barraine Immo. Ça s’est durci depuis 4-5 ans et, encore plus, depuis le Covid ».
Une des raisons principales à ça : l’ajout de l’assurance loyers impayés aux contrats. Une garantie qui coûte environ 3 % du loyer et qui permet au propriétaire, dans une situation d’impayés, de conserver son loyer jusqu’au départ du locataire. Le problème : elle oblige les locataires à être en CDI, d’avoir au moins un CDD en contrat long, ou à être étudiant avec un garant qui a quatre fois le loyer demandé. « Avant, les propriétaires faisaient confiance aux agences pour louer, aujourd’hui les trois quarts prennent l’assurance. »
« On retient les plus solvables… Les CDI »
Et quand bien même l’appartement n’a pas cette assurance, le marché étant tellement tendu, seuls les meilleurs dossiers passent : « Pour un appartement type T2-T3, on a 20-30 appels, et plus de 100 pour une maison à un prix normal ! s’exclamait, il y a quelques semaines, Jean-Luc Faudry. Il arrive même à ce conseiller en locations d’Océanic Immobilier de se faire insulter au téléphone par des personnes désespérées par la situation. Malheureusement, on retient les plus solvables… principalement les CDI ». Selon lui, le problème viendrait aussi de la multiplication des logements saisonniers, de type Airbnb.
Malgré tout, il ne ferme pas totalement la porte aux précaires. « Aujourd’hui, tout se passe par mail. Si une personne au chômage avec un ou plusieurs garants se présente rapidement, directement à l’agence, il aura peut-être déjà plus de chance. Mais c’est toujours le propriétaire qui prend la décision finale. »
Reste les colocations
Côté Century 21, on reste positif : « Tout est possible, explique Nicolas Begoc, directeur associé qui propose aux propriétaires tous les dossiers à partir du moment où ils sont solides, c’est-à-dire avec de bons cautionnaires ou des garanties comme la garantie visale. Mais c’est toujours le propriétaire qui a le dernier mot ».
Les solutions ? Faire une demande de logement social, qui demande souvent des mois. Se rabattre sur une colocation qui est souvent plus accessible même si elle a connu un boom des prix avec de nouveaux investisseurs. Ou tenter la location entre particuliers, mais ce n’est pas forcément plus facile.
Pas de précaires, et pas de couples
« Je ne prends que des gens en CDI, affirme clairement le propriétaire d’une quarantaine de biens à Brest, tout d’abord méfiant au téléphone, après avoir eu, selon lui, plusieurs insultes ou menaces de porter plaintes parce qu’il avait refusé des personnes au RSA. Un CDD, ça peut se retrouver au chômage, et même au RSA, s’il a travaillé moins de six mois. Comment il pourrait payer un loyer à 500 € avec aussi peu de revenus ? » Depuis peu, il refuse aussi les couples. « J’ai eu le cas d’étudiants qui se sont séparés. Le gars ne trouvait pas d’autre logement et ne pouvait pas payer seul les 700 € de loyers. On a dû s’arranger mais ça n’a pas été évident ».
Pas d’autres choix que de frauder
Même son de cloche chez un propriétaire qui fait le choix de ne louer qu’à des étudiants : « Une fois, j’ai eu une expérience avec un salarié qui a démoli mon appartement. Depuis, je ne prends plus que des étudiants. Ils ont l’avantage de rester moins d’un an, d’avoir la Caf, et leurs parents en garants. » Face à cela, certains locataires fraudent en fournissant de faux documents : « Nous sommes de bons payeurs, mais nous n’avons pas eu d’autres choix que de faire ça. »
Auteur ; Enora HEURTEBIZE.
Source : « Aujourd’hui, sans CDI, c’est très difficile de trouver une location à Brest » (ouest-france.fr)