Avant le 49-3, le gouvernement fait son tri fiscal(LH.fr-19/10/22)

Le 17 octobre, à Paris. Bruno Le Maire dans l’Hémicycle : « Nous sommes dans la Ve République et, dans la Ve République, la majorité et le gouvernement prennent les décisions. »

Assemblée nationale-L’exécutif devrait dégainer son arme antidémocratique sur le budget 2023 d’ici à mercredi soir, après avoir retiré certains amendements, pourtant adoptés, dont la taxe sur les superdividendes.

Le gouvernement fait ses emplettes. Contre tout respect du débat démocratique, il s’apprête à sortir l’arme du 49-3, vraisemblablement d’ici à mercredi soir, pour adopter la première partie du projet de loi de finances (PLF) 2023. D’ici là, il entend terminer son marché, choisir parmi les amendements adoptés pendant dix jours de débats sur le budget dans l’Hémicycle ceux qu’il daigne garder, ou non.

« C’est légitime, car c’est le gouvernement qui va endosser la responsabilité de ce budget qui doit, de plus, dans son ensemble, suivre une certaine logique », a soutenu, mardi, le député Horizons Yannick Favennec-Bécot. Et puisque la Constitution l’y autorise, pourquoi l’exécutif s’en priverait, s’est justifié Bruno Le Maire dans l’Hémicycle : « Nous sommes dans la Ve République et, dans la Ve  République, la majorité et le gouvernement prennent les décisions », s’est contenté de répondre le ministre de l’Économie, à deux doigts de dire que l’exécutif fait bien ce qu’il veut. Une conception de la démocratie et du rôle du Parlement que ne goûtent guère les députés de la Nupes.

les 5 % de déficit remis au centre du budget

Depuis lundi, ils ont ainsi maintes fois singé les déclarations de la première ministre, Élisabeth Borne, qui, à propos des grèves en cours, fustigeait la semaine dernière les syndicats en lutte par cette phrase : « Dans une démocratie, une minorité ne peut dicter sa loi à la majorité. » « Pourquoi ne pas vous appliquer cette logique à vous-même ? Vous menez un gouvernement minoritaire qui censure des amendements adoptés par une majorité de l’Assemblée pour imposer un budget antisocial via le 49-3 ! » a ainsi interpellé Éric Coquerel, président FI de la commission des Finances. « Ce tri est un coup de force », abonde la socialiste Christine Pirès-Beaune, qui rappelle que, lors des derniers usages du 49-3, pour la loi El-Khomry en 2016 et la réforme des retraites en 2020, « tous les amendements adoptés avaient été gardés ».

Les conséquences de ces arbitrages gouvernementaux sur le budget 2023 seront grandes. Bruno Le Maire a déjà annoncé que ne serait pas maintenue l’emblématique taxe sur les superdividendes, portée par le Modem, groupe membre de la majorité, visant à introduire une  flat tax à 35 % sur les dividendes supérieurs de 20 % à la moyenne des revenus distribués entre 2017 et 2021 dans une entreprise. Le rétablissement de l’exit tax, concernant le départ pour raisons fiscales des entrepreneurs, ferait aussi les frais de cette sélection gouvernementale, comme la mise en place d’un crédit d’impôt pour le reste à charge de tous les résidents en Ehpad ou encore pour la rénovation thermique des bâtiments. Quant à « l’objectif d’un retour à 5 % de déficit », balayé par les députés, il sera remis au centre de ce budget 2023.

Pour faire passer la pilule, le gouvernement se couvre d’un semblant de concertation avec les oppositions. À l’exception de la FI et du RN, à nouveau honteusement mis sur le même plan par l’exécutif, les chefs de groupe ont été invités à participer à ce grand tri. Leurs chefs de file ont en réalité reçu un simple SMS du cabinet d’Élisabeth Borne – « Quels amendements souhaitez-vous garder ? » –, ont relaté les députés socialistes et communistes. « Nous n’allons pas donner suite et rentrer dans ces petites manœuvres ridicules », a répondu Nicolas Sansu (PCF). « Quelle indécence de demander à l’opposition de légitimer ainsi le recours au 49-3, en laissant en plus de côté certains groupes.  Comment y voir autre chose qu’une tentative triste et vaine de marchandage », a également réagi Éric Coquerel (FI).

son usage devrait provoquer le dépôt d’une motion de censure

En attendant le résultat final de ces arbitrages, il ne fait plus aucun doute que le 49-3 sera activé, et les membres du gouvernement sortent déjà les paratonnerres pour justifier l’usage futur de ce dispositif décrié. « Ce budget ne trouvera pas de majorité, les groupes d’opposition l’ont dit, donc, à partir de là, on peut arrêter les discussions », s’est justifié, mardi, Yannick Favennec-Bécot, peu après que la socialiste Christine Pirès-Beaune a battu en brèche cet argument : « Nous n’avons jamais dit cela, un texte se vote à la fin des débats, quand on connaît son contenu définitif. » Autre argument mis en avant, celui du temps qui presse, « alors qu’il reste 2 000 amendements et que nous devons terminer mercredi soir », selon Sylvain Maillard (Renaissance). « Nous n’avons qu’une deadline : le 31 décembre », a pourtant rappelé Nicolas Sansu. Le 49-3 devrait impliquer le dépôt d’une motion de censure, au minimum de la part de la Nupes, qui ne devrait pas être votée par les autres oppositions. Mais, à force de martyriser la démocratie parlementaire, même sans majorité absolue, ce couperet pourrait finir par retomber sur la Macronie.

Florent LE DU

source: https://www.humanite.fr/politique/budget-2023/avant-le-49-3-le-gouvernement-fait-son-tri-fiscal-767878

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