Un des grands progrès de la médecine de ces dernières années est le traitement actif des accidents vasculaires cérébraux. En effet, auparavant, les médecins constataient la paralysie, espéraient une évolution spontanée positive et tout le traitement était axé sur la rééducation.
Plusieurs progrès à la fin du 20e siècle ont permis de faire mieux. D’une part, l’imagerie avec le scanner et l’IRM a permis de rapidement faire un diagnostic pour savoir si la cause est l’obstruction d’un vaisseau – on parle alors d’accident ischémique – ou bien s’il s’agit d’une hémorragie. D’autre part, des études ont montré qu’il était possible d’injecter avec une grande sécurité un produit permettant d’aller déboucher le vaisseau en cause, de la même manière qu’on utilise du déboucheur liquide pour les canalisations sans sa maison – on parle alors de thrombolyse. Mais, cette technique ne s’avère pas toujours complètement efficace et il faut parfois compléter le traitement en allant chercher le caillot obstructif avec un cathéter qui remonte dans les artères du cerveau – la thrombectomie.
Le problème est que le sous-investissement dans notre système de santé nous place très loin en termes d’accès à ces traitements par rapport à l’Allemagne ou l’Italie. Une des première cause est le manque de lits dans les services de soins intensifs neurovasculaires : 13,5 lits par million d’habitants contre 29,9 en Allemagne et 23,2 en Italie. Il en va de même pour les centres de thrombectomie avec 0,6 centre par million d’habitants contre 1,8 en Allemagne et 1 en Italie. La France réalise par ailleurs moins de thrombolyses (203 par million d’habitants contre 402 en Allemagne et moins de thrombectomie avec 104 par million d’habitants contre 194 en Allemagne). Enfin il existe en France une disparité territoriale importante avec une densité de population très variable d’une région à l’autre, ce qui aggrave la situation car dans ce type de traitement, le délai de mise en œuvre est directement corrélé à son efficacité. Il est en effet recommandé d’effectuer la thrombolyse dans un délai maximal de 4h30 après l’installation des signes de paralysie.
Dans ce contexte, les nouvelles mesures prises par le gouvernement qui réduisent drastiquement l’accès aux urgences vont inévitablement entraîner un accroissement des retards de diagnostic et de possibilité d’un traitement optimal. A cela s’ajoute la poursuite des fermetures de lits – encore près de 7 000 en 2022 et nous attendons les chiffres pour 2023 mais ils risquent d’être du même niveau. A cela s’ajoute, au-delà des problèmes de démographie médicale, la désaffection des jeunes médecins pour les spécialités impliquant des gardes de nuit, de week-ends et de jours fériés., du fait de la non-valorisation de ces activités.
Il s’agit là d’un nouvel exemple des conséquences des politiques de casse de l’hôpital public qui s’aggravent d’années en années. Pour les patients, il s’agit de plus de handicap, voire de décès évitables par ce qui est qualifié par la justice de perte de chance par défaut de moyens.
Dr Christophe Prudhomme
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