De 2010 à 2013, un taux anormal d’enfants nés sans bras ou sans main sont recensés dans plusieurs départements dont le Morbihan (Guidel). Dans une enquête illustrée, la journaliste Mélanie Déchalotte et le dessinateur Juin explorent la piste environnementale.
Trois questions à Mélanie Déchalotte, journaliste et documentariste.
Pourquoi vous intéresser à ce sujet des bébés nés sans bras ?
Comme tout le monde, j’en ai eu connaissance en 2018, lorsqu’il y a eu le grand battage médiatique. Ce qui m’a frappée, ce sont les moyens mis en œuvre pour discréditer le Remera (Registre des malformations en Rhône-Alpes) et Emmanuelle Amar, épidémiologiste et directrice du Remera, au lieu de rechercher les causes possibles de ces naissances de bébés sans bras. Puis il y a eu le Covid, tout le monde a découvert l’existence de Santé publique France… Les bébés sans bras sont tombés dans l’oubli. Je me suis demandé ce qu’étaient devenues les familles.
Comment avez-vous procédé ?
Nous n’avions pas la prétention de trouver la cause de ces malformations. Mais des pistes, notamment environnementales, ont été ouvertes par le Remera. On s’est déplacés dans l’Ain, en Bretagne, à Guidel… Nous avons interrogé des scientifiques, rencontré les familles – deux d’entre elles ont porté plainte, classées sans suite, N.D.L.R. – Beaucoup de choses nous ont heurtés : le fonctionnement de l’agriculture conventionnelle et tout ce qu’il y a derrière, l’opacité liée à l’utilisation dérogatoire des pesticides. Autre chose m’a interpellée : certaines familles, très investies médiatiquement, ont renoncé à porter plainte contre l’État. En fait, pour elles, cela revenait à considérer leur enfant comme un préjudice…
Qu’espérez-vous de la sortie de votre ouvrage ?
Que cette BD serve à éclairer les zones d’ombre de cette affaire. On peut aisément imaginer qu’il existe des clusters ailleurs. La déclaration des malformations n’est pas obligatoire. À ce jour, les registres ne couvrent que 20 % du territoire. À l’heure où les questions environnementales explosent, ce n’est pas suffisant. L’État doit mettre des moyens.
Bébés sans bras, un déni sanitaire, de Mélanie Déchalotte et Pierrick Juin, éditions Les Echappés.
Catherine JAOUEN
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