Brasparts-Dans les monts d’Arrée, « le feu a remis les compteurs à zéro » pour la faune (LT.fr-20/01/23)

Conservateur des réserves des monts d’Arrée, Emmanuel Holder a suivi de près les incendies cet été et continue d’être attentif l’évolution et l’avenir de la lande.
Six mois après les feux dans les monts d’Arrée, la nature reprend ses droits. Mais quel est le véritable impact sur la faune et la flore locales ? Emmanuel Holder, conservateur des réserves des monts d’Arrée, nous éclaire.

Quel a été votre premier constat quand vous vous êtes rendus dans les monts d’Arrée, après les feux ?

Emmanuel Holder. « Quinze jours après, ça repoussait déjà. Deux espèces ont reverdi le paysage assez rapidement. Tout d’abord, la fougère aigle. Mais il vaut mieux qu’il n’y en ait pas trop car elle a tendance à étouffer le reste.

Et la molinie bleue. C’est elle qui donne sa couleur blonde aux landes. Elle est aussi responsable de la propagation rapide du feu. Quand elle sèche, elle devient de la cellulose, comme du papier à cigarette et c’est ça qui brûle très vite, avec les ajoncs ».

Est-ce que ces plantes peuvent entraver le retour de certaines espèces ?

« Ça peut gêner un peu les bruyères, car elles ont besoin de lumière. Ceci dit, l’année prochaine, ça sera trop tôt car la bruyère met toujours un peu plus de temps à réagir. La molinie et les ajoncs vont assez vite mais, pour la bruyère, il faut au moins trois ou quatre ans ».

Plusieurs plantes ont commencé à reverdir les monts d’Arrée rapidement après les feux.
Plusieurs plantes ont commencé à reverdir les monts d’Arrée rapidement après les feux.

Peut-on quand même espérer retrouver les mêmes paysages qu’avant les incendies d’ici quelques années ?

« C’est possible. Quand je suis allé deux jours après les feux, on grattait la couche de cendres et il y avait la microfaune du sol (collemboles, araignées, insectes…) qui était encore vivante. Les graines, qui sont encore plus résistantes, n’ont aucun mal à se redévelopper. Mais le sol a quand même été modifié. Il y a plus de minéraux disponibles alors que la lande est un milieu pauvre à l’origine. Si on enrichit un peu tout, ça va permettre à des plantes plus compétitives de pousser. Au pied des pentes, où il y a eu une accumulation des cendres, on peut craindre qu’il y ait une évolution de la végétation. II y a aussi le sommet où il y a eu pas mal de lessivages. Ça ne sera pas colonisé par une végétation plus riche mais on peut avoir des pelouses, des landes très rases. Le même type de végétations prostrées qu’on peut avoir près du littoral ».

L’incendie fait partie de la vie des landes

Et concernant les animaux ?

« La faune du sol, enfouie dans l’humus, n’a pas été touchée. Tout ce qui est escargots, reptiles, qui n’ont pas pu s’enfuir avec le feu, ont pris cher.Les oiseaux, eux, ont pu s’envoler. Début juillet, la période de nidification était finie pour la plupart. Il y a quand même des oiseaux qui font une deuxième ou troisième nichée. Ils ont peut-être souffert un peu. Mais on peut imaginer qu’ils reviendront.Les mammifères ont pu se sauver, en tout cas les plus grands (chevreuils, sangliers…).Mais au printemps prochain, est-ce que les oiseaux migrateurs reconnaîtront leur site ou le trouveront aussi accueillants ? Certains (alouettes de champs, courlis cendrés…) seront contents de trouver une végétation rase mais pour d’autres, comme les busards, qui l’aiment assez haute, est-ce qu’ils reviendront nicher ? C’est moins sûr. Le feu a remis les compteurs à zéro. On a moins de diversité dans les habitats »

Quels sont les procédés à privilégier pour protéger les monts d’Arrée d’éventuels futurs incendies ?

« Il faudrait développer le pâturage…Mais c’est une végétation pauvre. À voir. Ça peut être en parcours, en été, là où la molinie est nourrissante. Pour la fauche, on utilise la litière de landes pour pailler les animaux en tabulation mais il faut un tracteur. On n’est pas forcément tenté de le mettre sur des terrains accidentés…

Le Département et l’État travaillent, main dans la main, pour que les monts d’Arrée soient restaurés. Notamment avec de l’épierrage sur certaines landes, le long des routes, pour qu’elles puissent être fauchées et faire coupe-feu. C’est en cours.

Après, l’incendie fait partie de la vie des landes. Il y en aura d’autres. Mais il faudra faire en sorte qu’il se répande moins vite et soit plus facilement maîtrisable. Le meilleur moyen de protéger les landes est d’y penser régulièrement et pas que lorsqu’il y a un feu ».

Karen JEGO

source: https://www.letelegramme.fr/finistere/brasparts/dans-les-monts-d-arree-le-feu-a-remis-les-compteurs-a-zero-pour-la-faune-20-01-2023-13262374.php

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *