Brest. « J’ai perdu au moins 50 % de ma clientèle » : rue Pierre-Semard, le Keravilin boit la tasse. ( OF.fr – 17/11/22 – 18h33 )

À hauteur de son restaurant, la route n’est que partiellement barrée, mais en bas, depuis le port, c’est totalement bloqué. « C’est pourtant de là que viennent beaucoup de mes clients », soupire Gilbert Jaouen.
À hauteur de son restaurant, la route n’est que partiellement barrée, mais en bas, depuis le port, c’est totalement bloqué. « C’est pourtant de là que viennent beaucoup de mes clients », soupire Gilbert Jaouen. 

Après avoir survécu à la crise sanitaire, le patron de ce resto ouvrier est de nouveau en difficulté à cause de travaux, rue Pierre-Semard. Un chantier qui le priverait d’une bonne partie de sa clientèle : les ouvriers du port.


À Brest, le Keravilin est une institution. « Des restos ouvriers, il n’y en a plus beaucoup », observe Gilbert Jaouen, le patron. Âgé de 58 ans, il a pris la suite de sa mère en 1989, elle-même ayant succédé à sa propre mère, trente ans plus tôt.

On y mange un repas complet pour 13,50 € « TTC ». Mais même à ce prix, les clients se font plus rares ces derniers temps. Oubliés les services du midi « à 90-100 couverts dans les trois salles ». Ces derniers mois, le patron enregistre une baisse de fréquentation de l’ordre « de 50 à 60 % » avec, les pires jours, trente convives à table.

« Après le Covid, c’est le coup de massue »

La faute, selon le restaurateur, à un chantier de voirie dans la rue Pierre-Semard, où se situe le restaurant. Cet axe, fréquenté par près de 13 000 véhicules par jour, est fermé à la circulation depuis le 13 juin 2022, pour cause de travaux sur les réseaux d’eaux usées. Un chantier urgent, en raison « de sérieux risques d’effondrement de la chaussée », informait, à l’époque, l’élu Yohann Nédélec.

Mais ces travaux font « une victime collatérale », soupire Gilbert Jaouen, dont l’activité dépend grandement du port de commerce. « On a beaucoup d’équipes qui viennent de là-bas, mais quand on n’a qu’une heure de pause, on n’a pas envie de perdre 10 à 15 minutes dans une déviation… » Si l’accès à son commerce est possible par le haut de la rue, cette dernière est fermée en bas.

Certains clients prennent donc « de nouvelles habitudes, en mangeant sur le port, ou en mettant en place un système de cantine sur les chantiers ».

Heureusement, « il y a les irréductibles Gaulois » qui répondent toujours présents, certains « empiétant sur leur temps de travail » pour avoir le temps de déjeuner, et par solidarité envers le patron.

Car celui-ci est affecté par la situation. « Après le Covid, c’est le coup de massue. » En plus des charges habituelles, il rembourse encore aujourd’hui le prêt garanti par l’État souscrit lors du premier confinement, à hauteur de 30 000 €.

« Mon quatrième bébé »

Combatif, le patron s’était, à l’époque, mis au click and collect (vente à emporter via internet), « alors qu’il n’y connaissait rien du tout », sourit Anaïs, l’une de ses trois enfants.

Après l’avoir aidé lors de la crise sanitaire, c’est elle qui a aujourd’hui tiré la sonnette d’alarme en faisant appel à la presse. « Nous avons contacté la mairie (*) pour savoir si une enveloppe compensatoire existe, mais notre appel à l’aide est sans réponse », explique la jeune femme.

Unique commerçant touché par le chantier, Gilbert Jaouen évoque « le combat du pot de terre contre le pot de fer ». En attendant la réouverture de la rue, début décembre, et faute d’indemnisation pour perte d’exploitation de la part de son assurance, le patron a « réinjecté 40 000 € de [ses] deniers personnels ».

Ne pouvant se résoudre à mettre au chômage technique ses deux salariés, il envisage l’hypothèque de sa maison. « Ce restaurant, c’est mon quatrième bébé. Partir comme ça, ce serait affreux. »


(*) Contactée, la collectivité répond n’avoir, « pour l’instant, jamais indemnisé de commerçants “impactés” par des travaux, sauf sur le projet tram ». Reconnaissant que « le trafic passant devant son commerce est évidemment moins important du fait de la route barrée plus bas », elle précise que « l’accès des véhicules et des piétons au commerce a été maintenu ».

Auteur : Delphine VAN HAUWAERT.

Source : Brest. « J’ai perdu au moins 50 % de ma clientèle » : rue Pierre-Semard, le Keravilin boit la tasse (ouest-france.fr)

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