Budget 2026 : ultra-riches et patrons épargnés contre 4 ans d’austérité pour nous tous, le choix clair et inique de Bayrou (H.fr-15/07/25)

François Bayrou a détaillé ses pistes pour trouver 44 milliards d’euros d’économies d’ici la fin de l’année.
© Thomas SAMSON / AFP

Le premier ministre a présenté ce mardi 15 juillet ses mesures pour couper 43,8 milliards d’euros dans les dépenses publiques. Les services publics et la Sécu en ressortent taillés en pièces. Pas les entreprises, ni les ultrariches. Explications.

Par Hayet KECHIT, Stéphane GUERARD, Marie TOULGOAT & Cécile ROUSSEAU.

On ne se refait pas. En professeur agrégé de lettres classiques de formation, François Bayrou a asséné, ce mardi 15 juillet, un cours magistral, avec tableaux projetés et auditoire assommé, pour présenter son plan d’austérité. Une longue démonstration au cours de laquelle le père la rigueur n’a pas lésiné sur l’emphase et le sens du tragique pour bien faire comprendre qu’il n’y avait pas d’alternative à ses mesures. « C’est la dernière station avant la falaise de la dette, le danger mortel de notre pays », affirme le premier ministre qui demande : « Quelle part chacun d’entre nous est capable de prendre en charge » pour éviter « la malédiction du surendettement » ?

Sa réponse est claire et à sens unique : les services publics et les fonctionnaires, la Sécurité sociale et ses allocataires, les travailleurs, les retraités, les chômeurs et les malades en affection de longue durée devront se montrer plus solidaires que les entreprises et les riches.

Haro sur la dépense publique

Peu importe que les économistes de l’OFCE aient à nouveau mis en lumière samedi que le creusement du déficit de 2,4 points de PIB depuis 2017 était bien dû à une baisse des recettes pour les caisses de l’État et de la Sécu, alors que, dans le même temps, les dépenses publiques étaient, elles, restées stables. Pour ce gouvernement, le salut ne peut venir que de la baisse de la dépense publique. Et pour un bon moment.

Car le remède de cheval prescrit par François Bayrou ne s’arrêtera pas à 2026. L’ordonnance court sur les quatre prochaines années. Le déficit public devra passer de 5,4 % en 2025 à 4,6 % en 2026, pour atteindre 2,8 % en 2029, « seuil à partir duquel la dette n’augmente plus », précise le locataire de Matignon.

La saignée de 2026 s’annonce d’ores et déjà insoutenable. D’autant plus avec l’alourdissement du budget de la défense de 3,5 milliards d’euros en 2026, puis 3 milliards en 2027 : ce ne sont plus 40 milliards d’économies à réaliser l’an prochain, mais 43,8 milliards. Merci Macron.

Tout ce qui définit la puissance publique sera donc condamné à l’impuissance publique : État (– 4,8 milliards d’euros), opérateurs publics (– 5,2 milliards), collectivités (– 5,3 milliards) et Sécurité sociale (– 5,5 milliards d’euros) portent la plus grande charge. En revanche, rayon « justice sociale et fiscale », François Bayrou se montre économe en mesures.

L’« année blanche » pour les prestations sociales et les barèmes de l’impôt sur le revenu, comme de la CSG : c’est pour tout le monde. Et plus encore pour les retraités, avec un gel de leurs pensions et la suppression de leur exemption fiscale pour frais professionnels. En revanche, aucune coupe annoncée dans le premier budget de l’État : les aides publiques versées aux entreprises (211 milliards d’euros en 2023). « Nous continuerons à protéger des dispositifs qui soutiennent l’offre », a renchéri le ministre de l’Économie.

Pas touche non plus aux ultrariches. En instaurant un impôt plancher de 2 % sur les foyers à plus de 100 millions d’euros de patrimoine, la « taxe Zucman » pourrait pourtant rapporter entre 15 et 25 milliards par an au budget de l’État. Soit bien plus que le pauvre petit milliard que devrait rapporter cette année la contribution pour les plus hauts revenus, prorogée en 2026.

Des pertes de droits dans la santé

« On peut être fier de notre système de santé », a lancé le premier ministre, avant de dégoupiller le sabre pour réduire de moitié l’augmentation de 10 milliards d’euros des dépenses de santé prévue l’année prochaine. Soit 5 milliards d’euros d’économies.

Dans la veine des propositions de la Caisse nationale d’Assurance maladie et du Medef, François Bayrou mise avant tout sur la responsabilisation des patients. « La santé ne peut pas être un marché sur lequel les consommateurs peuvent être sans frein », a-t-il déclaré. Sous le prétexte, que « nous consommons deux fois plus d’antibiotiques qu’en Allemagne », le doublement du plafond des franchises médicales, donc du reste à charge pour le patient, est mis sur la table, passant de 50 à 100 euros par an.

Comme redouté depuis des semaines, les patients en affection de longue durée (ALD) sont visés. Une « réforme en profondeur » du dispositif exclura du remboursement à 100 % les médicaments qui ne sont pas en lien avec l’affection déclarée et sortira les personnes de l’ALD « si cela ne se justifie plus. » Un coup de massue pour les 13 millions de malades chroniques et de victimes de cancer.

Comme il n’y a pas de petites économies, les patients sont invités à ne pas multiplier les examens et les hôpitaux, à « avoir une plus grande efficacité dans leurs achats ». Quant aux équipements des personnes infirmes, comme des cannes anglaises, « il faut pouvoir les restituer après que (la personne) ait disparu » (sic).

Obsession récurrente du gouvernement, la « dérive » des arrêts maladies est pointée du doigt. Si le chef du gouvernement est resté flou sur les mesures de restriction, il compte bien faire sauter certaines procédures comme l’avis du médecin du travail pour reprendre le travail au-delà de trente jours d’arrêts.

Dans une allusion inquiétante, il a annoncé une « reconfiguration de notre système social » passant par un changement de son mode de financement. « Nous devons moins le faire peser sur le travail. C’est un chantier que nous avons devant nous. »

Un tiers des départs d’agents non remplacés

La menace planait depuis plusieurs semaines. Elle se confirme. « Un fonctionnaire sur trois partant à la retraite ne sera pas remplacé », a annoncé le premier ministre. Dès 2026, 3000 postes seront supprimés dans tous les ministères (à l’exception de la défense), mais il épargnerait toutefois « les postes d’élèves professeurs créés dans le cadre de la réforme des enseignants ». Qu’en sera-t-il des autres postes dans l’Éducation nationale et, plus généralement, des autres secteurs, dont celui de la santé et de la justice, où les syndicats alertent de façon chronique sur les sous-effectifs ?

S’il n’a pas été jusqu’à suivre la proposition de la droite sénatoriale de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, François Bayrou fait siennes les vieilles recettes de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) imposée sous Sarkozy. Avec des effets que l’on connaît déjà : aucune réduction notable du déficit public (entre 2007 et 2012, la dette est ainsi passée de 64 % à 90 % du PIB) ; un rétropédalage imposant des recrutements en urgence d’agents non titulaires ; un affaiblissement durable du service public et un nouveau coup de canif porté au statut des fonctionnaires.

Après deux années consécutives de gel du point d’indice, les fonctionnaires connaîtront une nouvelle année blanche, a annoncé chef du gouvernement, non sans s’être félicité de leur avoir épargné une baisse des salaires, citant les fonctionnaires grecs qui, eux, avaient dû consentir à une réduction de 15 % de leur traitement au plus fort de la crise.

Autres économies « dans le train de vie de l’État », annoncées et confirmées : celles qui touchent les « innombrables agences de l’État », dont plusieurs d’entre elles devraient être supprimées, fusionnées ou réinternalisées. François Bayrou table ainsi sur la suppression d’un millier de postes. Des réorganisations dont il ne faut pas attendre les milliards annoncés, avaient toutefois tempéré le sénateur communiste Pierre Barros, qui a présidé une commission d’enquête sur le sujet.

Faire payer les chômeurs plutôt que les entreprises

Comme si les travailleurs étaient responsables des près de 400 plans sociaux depuis un an et des 7,4 % de taux de chômage, « il faut que toute la nation travaille plus », a ainsi asséné le locataire de Matignon. Deux jours fériés seront supprimés pour une recette estimée d’au moins 2 milliards d’euros. Les privés d’emploi seront eux aussi mis à contribution. Est aussi convoquée une nouvelle négociation sur les règles de l’assurance chômage, responsables selon lui de « l’absence de reprise de l’emploi ».

S’il a tu ses projets pour le devenir des allocations, il fait peu de doute que celles-ci vont être revues à la baisse, comme cela fut le cas lors des dernières conventions. Les droits des allocataires du RSA sont eux aussi dans le viseur, avec la création d’une future allocation sociale unifiée, qui « donnera toujours la priorité au travail ». En somme, la continuité de la mutation du RSA, dont le versement est depuis cette année soumis à 15 heures d’activité hebdomadaires.

Face à cette pluie de contraintes pour les travailleurs et les privés d’emploi, les entreprises se verront, quant à elles, libérées des leurs. Si François Bayrou ne s’oppose pas à couper dans les aides publiques qui leur sont versées – « 100 milliards d’euros » selon lui, au lieu des 211 milliards totalisés par un rapport sénatorial -, c’est pour un donnant donnant, un « échange d’avantages ».

Le reflux des subventions et exonérations accompagnerait des mesures de plus grande « liberté », « confiance » et « simplification ». De nouvelles ordonnances Macron comme celles de 2017 affaiblissant le droit du travail sont à venir dès l’automne.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/austerite/budget-2026-entre-austerite-generalisee-et-ultra-riches-epargnes-bayrou-devoile-la-recette-de-sa-potion-amere

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/budget-2026-ultra-riches-et-patrons-epargnes-contre-4-ans-dausterite-pour-nous-tous-le-choix-clair-et-inique-de-bayrou-h-fr-15-07-25/

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