Cargo russe à Saint-Malo. « N’oublions pas ces marins qui n’ont rien à voir avec la guerre » ( OF.fr – 24/02/23 )

Le Vladimir Latyshev, un cargo russe de 141 mètres de long est toujours immobilisé dans le port de Saint-Malo, après un an de gel.
Le Vladimir Latyshev, un cargo russe de 141 mètres de long est toujours immobilisé dans le port de Saint-Malo, après un an de gel. | OUEST-FRANCE

​Depuis le 1er mars 2022, un cargo russe est immobilisé dans le port de Saint-Malo, gelé par la douane française dans le cadre des sanctions contre la Russie. Une procédure judiciaire est en cours. Le bateau est toujours avitaillé et neuf marins sont à bord.


« Ces marins n’y sont pour rien dans la guerre en Ukraine. Ils se retrouvent pris en otage de mesures diplomatiques. »
 Depuis maintenant un an, Laure Tallonneau, inspectrice de l’ITF, la Fédération internationale des transports, vient régulièrement visiter les marins russes immobilisés à Saint-Malo. Sa mission est de veiller au respect des conditions minimales vitales des marins étrangers dans toute la Bretagne. Elles sont assurées pour ces marins dont le cargo est gelé par les autorités françaises depuis le 1er mars« Ils reçoivent leurs salaires et le bateau est avitaillé en gasoil et en vivres. »

La souffrance psychologique inquiète davantage la syndicaliste. « Je crois que personne ne se rend compte de ce que c’est que de rester six mois sur un bateau à quai. » Des relèves ont été assurées depuis le début. Les contrats des marins sont d’une durée de six mois. Aucun des onze Russes présents au moment du gel du bateau n’est resté un an à bord. Un seul marin est revenu après une période de relève. Même le commandant, qui ne souhaitait pas quitter le bateau, a été relevé au bout de onze mois. Actuellement, neuf hommes sont à bord du cargo, dont la marchandise a été vidée.

Maintenance, promenade et télé

Seul le bateau est immobilisé, les marins sont libres de leurs mouvements. « Ils vont d’ailleurs se promener dans Saint-Malo, explique Denis Pelloquin, président du foyer des marins, qui offre un lieu d’accueil aux marins en escale. Ils ne se plaignent pas de la situation, disent que tout va bien. Ils passent leurs journées à assurer des tâches de maintenance et d’entretien du bateau et sinon, ils regardent la télé… » Grâce au wifi à bord, ils sont en contact permanent avec leurs familles. Leur seule occupation est finalement d’attendre. « Ils se disent qu’ils finiront bien par partir un jour. »

Denis Pelloquin, le président du foyer des marins, Isabelle Bourges et Jean Briand font partie des membres du foyer des marins qui accueillent les équipiers en escale. Les marins du cargo y viennent parfois pour profiter de la wifi. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

Ce qui n’est pas à l’ordre du jour. « En raison de procédures pendantes devant les tribunaux », les douanes françaises, qui ont ordonné le gel du bateau dans le cadre des sanctions consécutives à l’invasion russe en Ukraine, ne commentent pas la situation de cet encombrant occupant du bassin Jacques-Cartier.

« L’État reste sourd »

Pourtant Laure Tallonneau alerte les autorités dès qu’elle en a la possibilité par des courriers aux chefs de gouvernements européens, à Matignon, à l’Élysée, au secrétariat d’État à la mer… « Sans réponse. L ’État reste sourd au sort de ces marins », poursuit l’inspectrice qui déplore l’attitude de la France, « seul pays européen à utiliser ce genre de sanction ».

Actuellement, deux bateaux sont encore gelés dans des ports français : le Victor Andryukhin à Marseille et le Vladimir Latyshev à Saint-Malo. Selon la syndicaliste, les deux cargos appartiendraient au même armement, la compagnie de leasing JSC, « dont l’actionnaire principal est le ministre des transports russes ».

Le Vladimir Latyshev est actuellement accosté au quai du bassin Jacques-Cartier. | OUEST-FRANCE

« Observateurs de la situation »

En mars 2022, la justice avait autorisé le Pola Ariake, saisi par la douane à Lorient, à reprendre la mer. Plus récemment, le Baltic Leaderimmobilisé le 26 février à Boulogne-sur-Mer puis transféré à Dunkerque a aussi été autorisé à reprendre le large après onze mois d’arrêt à la suite d’une décision de la cour d’appel de Douai.

Nombreux sont les acteurs du port à espérer une levée du gel. À commencer par la Région, propriétaire du port de Saint-Malo, qui doit s’accommoder de cet encombrant occupant de 141 mètres de long. « Depuis le mois d’octobre, nous n’avons pas eu besoin de le déplacer, ce qui signifie que la gêne est moindre », observe Stéphane Perrin, vice-président en charge du port de Saint-Malo à la région. Chaque manœuvre portuaire entraîne un coût pouvant se facturer « quelques milliers d’euros » (lamanage, remorquage, pilotage…). « Les frais de port sont payés par l’armateur, le bateau est avitaillé. C’est essentiel pour des questions de sécurité », poursuit l’élu.

Le Vladimir Latyshev. | OUEST-FRANCE

Car la pire crainte est que « l’armateur se lasse d’une situation qui s’éternise et abandonne le cargo », ce qui n’est pas le cas pour le moment. Avant la Route du Rhum, la région avait demandé à la préfecture de déplacer le cargo dans un port d’État ou militaire. Pas de réponse. « Nous ne pouvons qu’être observateurs de la situation, en nous en remettant à la procédure. »

Auteur : Émilie CHASSEVANT.

Source : Cargo russe à Saint-Malo. « N’oublions pas ces marins qui n’ont rien à voir avec la guerre » (ouest-france.fr)

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