« C’est difficile d’être loin » : après le séisme au Maroc, la solidarité se déploie à Nantes (OF.fr-10/09/23)

Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre, un violent séisme a touché le Maroc, comme ici à Marrakech.

Par Magali GRANDET

Encore sous le choc, la communauté marocaine partage les nouvelles de ceux restés au pays. Les messages de soutien affluent et l’aide se met en place à Nantes, notamment via le secteur associatif. Reportage.

Sur la place Rosa-Parks du quartier Malakoff, à Nantes, ce dimanche 10 septembre, Alaa Anini fait défiler les photos sur son téléphone portable. Elles montrent des images de désolation, de maisons en ruines, de Marocains en pleurs, après le séisme qui a touché le Maroc dans la nuit de vendredi à samedi.

Moustapha Khalki et Alaa Anini, place Rosa-Parks, ce dimanche 10 septembre, à Nantes.

« Les gens les plus touchés sont ceux qui habitent à la campagne, à la montagne, ce sont eux qui sont sous les décombres. » L’étudiant de 22 ans vit à Nantes depuis trois ans. Mais sa mère et des amis vivent à Agadir, « à 250 km de l’épicentre du séisme ».

Il ne craint pas pour les siens, mais pour toutes ces familles endeuillées. « C’est une course contre la montre, là-bas, pour essayer de retrouver des survivants… » Il veut aider, lui aussi. « C’était pas prévu mais je vais aller là-bas. »

« C’est difficile d’être loin »

Alaa s’envole ce lundi 11 septembre pour Agadir. « Pour soutenir la famille et aller voir dans les petites villes si je peux aider afin d’apporter des denrées alimentaires, des vêtements. Il fait froid dans cette région montagneuse du Toubkal. »

Il y a quelques semaines, le Nantais Karim Ammour (3e en partant de la gauche) était à Taroudant avec les Chikhates, des femmes musiciennes et chanteuses des traditions de l’Atlas.

Le gérant du salon de coiffure Malacoiff est, lui, originaire de Fès. Même si ses proches vont bien, Moustapha Khalki a « mal au cœur, c’est difficile d’être loin… J’ai eu ma famille au téléphone, j’ai pleuré… Tu imagines tes proches qui meurent comme ça, c’est terrible. Je pense à cette femme qui a perdu son mari, ses enfants, elle est seule à présent. »

« J’ai senti l’angoisse »

Attablé autour d’un café dans le centre-ville de Nantes, Smaïl Moustafy souffle un peu. Les dernières heures ont été stressantes. Né à Casablanca, il n’a pas eu tout de suite connaissance de la catastrophe. « Samedi matin, j’étais bombardé de messages, je me suis réveillé avec ça… Ma grande sœur est en vacances au Maroc. Là, j’ai senti l’angoisse. » Le réseau socialWhatsApp lui a donné des nouvelles. « Mes oncles, mes tantes, mes cousins, à Agadir, à Marrakech, à Tanger : tout le monde donnait des informations rassurantes. Près de chez certains d’entre eux, des maisons se sont écroulées. Ils sont sortis et ont passé la nuit dehors. Sur place, chacun a pris soin des autres. » Le vidéaste, qui a grandi à Bellevue, va participer à l’élan de solidarité coordonné par le secteur associatif et notamment Casse ta routine (lire ci-dessous).

« Répertorier le patrimoine culturel »

En larmes au téléphone, Karim Ammour est encore sous le choc. « J’étais en visio avec des amis, dont une copine à Agadir, vendredi soir. Il était 23 h 11 là-bas, une heure de plus ici, lorsque mon amie a crié. Je lui ai dit : tu sors tout de suite et la connexion a été interrompue… »

Le directeur du projet musical Urban Voices à Nantes possède de nombreuses attaches au Maroc, particulièrement dans la région touchée par le séisme. Il a emmené 300 choristes nantais à Agadir en novembre 2022. Ils ont chanté, accompagnés de 300 musiciens du Haut-Atlas. « Ils ne sont pas joignables, certains habitent de petits villages à flanc de montagne, dans des maisons de terre traditionnelles, ancestrales, tellement belles mais tellement fragiles… Plus le temps passe, plus tu vois l’ampleur. »

Le Nantais était à Taroudant (entre Agadir et Marrakech), il y a quelques semaines. « Je préparais, avec les Chikhates, des femmes musiciennes et chanteuses des traditions de l’Atlas, la venue d’une cinquantaine de choristes de Nantes pour dix jours de stage en novembre prochain. »

Le voyage est maintenu mais « nous réfléchissons en ce moment à l’aide que nous pourrions apporter aux artistes dans les montagnes dévastées, à tous ceux avec qui nous avions chanté en novembre 2022… Je pense à ceux qui ne peuvent plus jouer, aux instruments précieux perdus, détruits. On va tenter de répertorier tout ce patrimoine culturel. »

À Nantes nord, Louisa se démène

Elle n’a dormi que quelques heures depuis le séisme. Dans l’urgence de la situation, Louisa Battoy se démène. Franco-Marocaine, responsable de l’association solidaire Casse ta routine (1) à Nantes nord, elle coordonne une « chaîne de solidarité » en train de se mettre en place pour le Maroc. « À Nantes, les gens savent que j’ai des origines marocaines et m’envoient des messages de soutien. Ils me demandent aussi ce qu’ils peuvent faire. » 

Louisa Battoy a fondé l’association Casse ta routine, à Nantes nord.

Elle sait que le temps presse. « Il faut agir vite mais pas n’importe comment, en s’appuyant sur des associations fiables sur place. » En lien avec d’autres associations nantaises et la Ville, elle commence à stocker dans le petit local de Casse ta routine. « La population sur place a besoin de couvertures et de tentes car certains dorment dehors. De vêtements aussi, de denrées sèches comme du riz, des lentilles, des pâtes. Des petits villages n’ont encore vu personne, ils n’ont plus rien, ils sortent leurs morts tout seuls… »

Louisa Battoy a mobilisé aussi son réseau d’entreprises avec lesquelles son association travaille à l’année. Les jours prochains, il va falloir gérer l’afflux de dons, trouver un lieu plus grand pour stocker, trier, emballer. En contact avec des transporteurs, elle espère pouvoir faire partir un convoi à destination de Marrakech d’ici quelques jours.

Contacts : Casse ta routine, tél. 02 72 65 94 47 et 07 68 55 83 96.

(1) Lieu d’accompagnement, d’accueil, d’écoute et d’orientation, pour des personnes en rupture sociale.

Source: https://www.ouest-france.fr/monde/maroc/cest-difficile-detre-loin-apres-le-seisme-au-maroc-la-solidarite-se-deploie-a-nantes-feab0f34-4fdc-11ee-aaf6-974564520e1f

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/cest-difficile-detre-loin-apres-le-seisme-au-maroc-la-solidarite-se-deploie-a-nantes-of-fr-10-09-23/

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