« Chut… On meurt on travail » (IO.fr-18/11/23)

L’enquête de Mathieu Lépine est publiée au Seuil.

L’auteur de « L’hécatombe invisible » nous livre une enquête accablante entre 2019 et 2022 sur le nombre d’accidents et morts au travail en France.

Par Noémie et Muriel

« 3,52 accidents mortels pour 100 000 personnes en activité » (données Eurostat), la France est la championne européenne des morts au travail. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter avec la politique désastreuse de Macron !

Plus de 800 morts par an dans des accidents du travail ! Et il n’y a aucune fatalité.

En effet, d’après M. Lépine, nous sommes passés de 289 938 contrats d’apprentissage en 2017 à 698 000 en 2021. Les travailleurs qualifiés sont substitués peu à peu par des apprentis peu formés, peu encadrés, main-d’œuvre gratuite pour satisfaire le patronat.

On comprend mieux la réforme Blanquer des lycées professionnels qui sacrifie la jeunesse aux mains du Medef.

L’auteur montre aussi parfaitement les conséquences des lois El Khomri-Hollande et des ordonnances Macron sur les conditions de travail : on est passé de 75 % des salariés couverts par un CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) à 46 % couverts par la CSSCT (Commission santé, sécurité et conditions de travail dont les capacités d’action sont réduites par rapport au CHSCT)

Conséquence de toutes ces mesures : la croissance des accidents mortels des plus jeunes travailleurs. Selon l’INRS (Institut national de la recherche et de la sécurité), la fréquence des accidents de travail est « 2,5 fois plus importante chez les moins les 25 ans ». 1

Le secteur ouvrier, le travail ubérisé sont particulièrement touchés

Le secteur ouvrier et en particulier le BTP est le plus touché avec un mort par jour au travail ! (selon la Caisse primaire d’assurance maladie)

L’auteur décrit minutieusement les conditions de plusieurs de ces accidents : ici un cordiste enfoui dans un silo, là un jeune bûcheron de 15 ans écrasé par la chute d’un arbre, ou un jeune ouvrier qui ne fera qu’un jour de chantier, écrasé par un mur qui s’effondre.

Un nombre consternant d’accidents est recensé avec des machines obsolètes, des chutes mortelles, un manque de matériel et de respect des consignes de sécurité, faute de temps : autant de mépris du patronat qui considère les travailleurs comme de simples outils de production.

Certains accidents du travail sont même dissimulés par les employeurs, notamment pour les travailleurs sans papiers : corps déplacés, parfois même alors qu’ils sont accidentés et pourraient être pris aux urgences.

Macron se félicite-t-il de ces chiffres ?

L’ubérisation du travail et les intérims (une précarisation du statut des travailleurs tant souhaitée par les réformes du Code du travail depuis Hollande et amplifiée sous Macron) ne font qu’empirer le constat « des morts invisibles au travail. »2

« Les morts invisibles au travail »

Que se passe-t-il, ensuite, pour les victimes et leur famille ? Un véritable combat judiciaire qui dure des années sans garantie de réparation ni condamnation des employeurs !

Et que dire des grands médias, qui cantonnent les travailleurs morts au travail à une simple case « faits divers » sans même les qualifier une seule fois d’« accident du travail »

La disparition tragique d’un agent Enedis il y a quinze jours, parti dépanner les lignes coupées suite à la tempête en est un vibrant exemple : sa mort a été traitée par les médias comme si elle était une conséquence de la tempête et non un accident du travail, et aucun responsable politique national ne s’en est ému.

Un silence bien entretenu par le manque d’inspecteurs du travail, conséquence des politiques successives des gouvernements : 13 % de personnels de l’inspection du travail en moins entre 2014 et 2018 du fait de ces politiques. Pour la surveillance du chantier des JO, une équipe de 7 agents doit contrôler plus de 18 000 ouvriers sur 150 chantiers. « À l’heure actuelle, 4 morts sont à déplorer sur les chantiers du grand Paris » indique l’auteur.

Enfin, il était prévu par le gouvernement dans l’article 39 du PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale) de limiter la portée de la « faute inexcusable de l’employeur » et de réduire l’indemnisation des travailleurs dans les accidents du travail. Le gouvernement a dû reculer devant l’ampleur des réactions syndicales. Mais jusqu’à quand ?

Un ouvrage à lire absolument.

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2023/11/18/chut-on-meurt-on-travail/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/chut-on-meurt-on-travail-io-fr-18-11-23/

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