Concarneau. Le sujet du suicide au travail abordé au Cinéville (OF.fr-7/02/24)

Le sociologue Christian Baudelot sera présent, le 16 février, au Cinéville de Concarneau. | OUEST-FRANCE

Christian Baudelot est sociologue et auteur de plusieurs ouvrages sur les conditions de travail. Il sera le 16 février au Cinéville pour la projection du film Par la fenêtre ou par la porte, à 20 h 15

Entretien avec François SCHOCKWEILLER.

Quel regard portez-vous sur la crise agricole ?

On redécouvre, par cette mobilisation, les conditions dans lesquelles travaillent les agriculteurs et les difficultés à tirer un revenu. De toutes les professions, ce sont les agriculteurs qui se suicident le plus souvent.

Les crises économiques influencent le recours au suicide ?

La courbe du suicide a énormément augmenté avec le début du chômage et la fin des Trente glorieuses. Depuis les années 1985, en France et dans la plupart des pays, ce taux baisse.

Si les facteurs qui conduisent au suicide sont toujours là, la réaction de la société a changé. Notamment par l’apparition de nouvelles molécules qui ont permis d’apaiser les gens.

Il y a aussi eu un énorme progrès de la psychiatrie et des prises en charge. Maintenant quand quelqu’un dit : « Je suis déprimé, je vais voir un psy », personne ne le prend pour un fou. C’est entré dans les mœurs.

Ces approches traitent les conséquences, mais pas les causes… Qu’est-ce qui est fait pour soulager la souffrance au travail ?

Les situations sont compliquées et dépendent du secteur professionnel et des entreprises. Mais ce qui est sûr, c’est que le procès des responsables de France Telecom a permis la constitution d’un nouveau délit : la reconnaissance du harcèlement managérial.

La souffrance au travail semble différemment ressentie par les salariés. Pourquoi ?

Avec Michel Gollac et nos étudiants, nous avons étudié le sujet et écrit Faut-il travailler pour être heureux ? Nous avons constaté qu’il y avait trois attitudes à l’égard du travail.

Un investissement total, accompagné de joie, qui allait souvent avec un salaire élevé et un investissement complet de la personne, qui peut se réaliser dans son travail.

Il y avait, d’autre part, des gens profondément malheureux, qui souffraient, maltraités. Une souffrance dure, dans la relation avec les collègues, avec les supérieurs, vis-à-vis des horaires et avec des pics de fatigue.

Et une troisième position, une sorte de neutralité : je ne m’investis pas, je fais le minimum, juste ce qu’il faut faire. Et à ce moment-là, on souffre moins, mais on n’a pas non plus de joie particulière. Cette dernière tendance a beaucoup progressé.

Le salarié se protège en prenant de la distance vis-à-vis de son travail ?

Tout à fait. Dans les études faites par les psychiatres, psychanalystes et sociologues, à la suite des suicides chez France Telecom – Orange, on s’est aperçu que ceux qui se suicidaient le plus étaient ceux qui s’investissaient le plus. Ce phénomène a été appelé « le drame de la conscience professionnelle ».

Ceux qui en ont le plus souffert au point de passer à l’acte, ce sont les personnes pour qui leur travail était leur vie. Ce sont eux qui ont le plus craqué, car ils étaient entièrement investis.

Si vous avez besoin d’aide, ou de conseils pour accompagner un proche, appelez gratuitement le 3114, numéro national pour la prévention du suicide.

Source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/concarneau-29900/le-sujet-du-suicide-au-travail-aborde-au-cineville-3d364c1c-c2b2-11ee-af40-0572f37cda9b

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