Insister sur la disqualification des gouvernements légitimement constitués ne leur suffit pas, leur intention, parce qu’il ne les suporte pas, est de diaboliser les articulations des mouvements politiques et sociaux latino-américains et caribéens qui ont élaboré une pensée émancipatrice et progressiste dans l’intérêt des peuples
L’extrême droite ne se résigne pas à reculer et, pour cette raison, le 29 et 30 mars, elle organise un spectacle à Lima, aux énormes accents fascistes. Il n’y a pas d’adjectifs plus appropriés pour décrire la 2e Rencontre régionale du Forum Madrid.
Sans se dissimuler le moins du monde, les cibles sont définie. Dans leur ligne de mire : les gouvernements du Nicaragua, du Venezuela, de la Bolivie et de Cuba. Plus encore : dans l’appel, ils annoncent leur intention « d’expliquer et de dénoncer le plan de déstabilisation du Forum de Sao Paulo et du Groupe de Puebla ». En d’autres termes, insister sur la disqualification des gouvernements légitimement constitués dans ces pays, leur intention, parce qu’ils ne les supportent pas, est de diaboliser les articulations des mouvements politiques et sociaux d’Amérique latine et des Caraïbes qui ont élaboré une pensée émancipatrice et progressiste dans l’intérêt des peuples.
Comme si cela ne suffisait pas, ils prévoient de tirer une bordée d’attaques contre les concertations dans lesquels convergent les pays de la région, indépendamment de l’orientation idéologique des gouvernements, à savoir la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) et l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), sous prétexte qu’il s’agit de parapluies « au service des tyrannies du continent »(sic).
Et si cela ne suffisait pas, l’ordre du jour de la réunion comprend un point qui transpire la conspiration antidémocratique : l’analyse des perspectives des processus électoraux qui auront lieu au Guatemala, en Argentine et au Paraguay. Il semblerait qu’ils veuillent devancer les événements.
Le choix du lieu est une nouvelle ingérence flagrante dans les affaires intérieures d’un pays en ébullition depuis décembre dernier, à la suite de la déposition et de l’arrestation du président Pedro Castillo et de l’intronisation de Dina Boluarte. Dans la formulation même de l’appel,à travers une rhétorique perverse et sans la moindre argumentation, ils dépeignent la patrie de Vallejo et de Mariátegui comme le théâtre d’une « bataille fondamentale pour l’avenir de la démocratie en Amérique latine », et criminalisent les forces opposées au gouvernement actuel en tant qu’acteurs de « manifestations destructices et d’offensives juridiques ». Ils n’ont aucun respect pour le fait que ce qui se passe au Pérou relève de la décision des Péruviens eux-mêmes.
Qui sont les responsables de cette intrigue ? Tout est parti de l’extrême droite espagnole. Le parti Vox a inventé le Forum de Madrid en 2020, par l’intermédiaire de la Fondation Disenso, qui canalise des fonds pour la subversion des processus démocratiques progressistes, laquelle est présidée par Santiago Abascal, chef de file de la formation espagnole, dont le caractère philo-fasciste est indéniable. Lorsque, dans ses fondements, ils revendiquent « la défense de la civilisation occidentale et de l’héritage de l’Espagne dans le monde et sa vocation européenne et américaine », il faut y voir un retour aux positions rétrogrades du franquisme, la tentative d’impliquer l’Union européenne dans l’alignement idéologique rance qu’ils tentent d’imposer, ainsi que le soutien et le financement de groupes et d’individus en Amérique latine qui aspirent à remettre à flot des mandats oligarchiques.
Une information révélatrice a été publiée dans le quotidien espagnol El Mundo, dans un article publié à l’occasion du lancement de Disenso. « À la fin février, lorsqu’Abascal a effectué une tournée aux États-Unis, l’un des sujets qu’il a abordés était précisément le lancement d’une fondation. Il a donc organisé plusieurs réunions pour recueillir des idées et renforcer les liens avec d’autres laboratoires d’idées étasuniens (think tank) »,dit textuellement l’article. Quelle meilleure preuve de la concordance entre Abascal, Vox et l’empire ? Cela ne révèle-t-il pas une subordination à Washington ?
L’ « oreille velue » du néocolonialisme se manifeste par l’utilisation d’un concept qui les trahit : « l’Ibéro-sphère ». C’est ainsi qu’ils appellent une prétendue sphère d’influence dans laquelle ils s’apprêtent à agir, avec une parfaite méconnaissance des réalités dépassées par les nations d’une région qui a cessé, au 19e siècle, d’obéir aux diktats de la métropole madrilène. Ce n’est pas un hasard si la rencontre a lieu quelques jours après que le Sommet ibéro-américain de Saint-Domingue a confirmé les relations de respect et de coopération entre l’Espagne, le Portugal et l’Amérique latine, au cours duquel les concordances sur l’urgence d’aborder les problèmes urgents communs à tous ont surmonté les divergences.
La voix anti-cubaine est venue d’Orlando Gutiérrez Boronat, invité spécial de la rencontre. Le coordinateur autoproclamé de l’Assemblée de la résistance cubaine – un euphémisme derrière lequel se cache l’un des groupuscules contre-révolutionnaires basés en Floride – est un chef de fil notoire, salarié de l’USAID, promoteur du blocus des États-Unis contre l’Île et des actions visant à saper l’industrie touristique cubaine, et un défenseur déterminé de l’inclusion de Cuba dans la liste fallacieuse des États soutenant le terrorisme. Sa présence à Lima suffirait à reconnaître de quoi il retourne dans ce Forum Madrid et de la Fondation Disenso.
Auteur : Pedro de la Hoz