Dans le Finistère, quinze ramasseurs de volaille étaient devenus des esclaves modernes(OF.fr-14/10/22-6h54)

Le tribunal de Brest, où s’est déroulée l’audience ce jeudi 13 octobre 2022.

Jeudi 13 octobre 2022, à Brest (Finistère), trois prévenus étaient poursuivis pour avoir fait travailler illégalement et hébergé quinze personnes sans papier dans des conditions indignes.

« Indigne » et « courage » sont les deux mots qui définissent cette première affaire d’envergure de traite d’êtres humains, portée, ce 13 novembre 2022, devant le tribunal de Brest (Finistère). « Indigne », parce que trois personnes y sont jugées, suspectées d’avoir « participé à l’exploitation par le travail et à l’hébergement dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine ». Et « courage », parce que quinze victimes ont décidé de porter plainte. « U n saut dans le vide », alors qu’elles allaient tout y perdre : emploi, ressources et hébergement, « sans famille, sans nulle part où aller ».

Un système d’exploitation rodé

Il est reproché au gérant de la société avicole Prestavic, sa compagne (tous les deux absents à l’audience et non représentés par un avocat) et un loueur d’avoir mis en place un système d’exploitation implacablement rodé entre Saint-Sauveur, Morlaix, Scrignac et Landivisiau, de mars 2018 à septembre 2020. Quinze travailleurs avaient été placés dans « des situations de dépendance et vulnérabilité incontestables », assure leur avocat Mehdi Bouzaida, qui représente également le Comité contre l’esclavage moderne.

Ces travailleurs viennent en grande majorité de la Côte-d’Ivoire ; ils ont la même nationalité que la compagne du gérant qui les avait recrutés.

À ces personnes mises au travail le soir même de leur embauche, le gérant proposait un contrat de travail en apparence régulier, « une coquille vide en réalité ». Et, surtout, il promettait de régulariser leur situation : « Tout ce que je te demande, c’est d’être courageux, leur disait-il. Le reste, les papiers, je m’en charge. »

Seul le loueur, « le marchand de sommeil » de 59 ans, s’est présenté à la barre du tribunal jeudi : en échange de chambres insalubres « où courraient rats et cafards », ses loyers de 250 € étaient directement prélevés sur les salaires des ramasseurs. 700 € par mois en moyenne pour « un travail tellement pénible qu’aucun Français ne veut le faire. »

« Ma vie n’avait pas de sens »

« Ma vie n’avait pas de sens, je n’avais pas l’impression d’être en France », résume un des salariés intronisés ramasseurs de volaille, sans aucune formation, corvéables à merci, insultés, menacés, épuisés par des cadences infernales et sans couverture sociale

« Le gérant n’a eu aucune considération pour ses salariés, ses choses, il s’est comporté en véritable propriétaire, leur versant un semblant de salaire pour avoir tous les droits, assène la procureure, Carole Feulvarch, qui requiert pour cet homme de 62 ans, quatre ans de prison avec mandat d’arrêt, 1 000 € d’amende par victime et une interdiction définitive de gérance.

Pour sa compagne de 37 ans, elle requiert deux ans de prison dont un avec sursis, et également un mandat d’arrêt. Pour la société Prestavic, 30 000 € d’amende et 1 000 € par victime. Pour l’hébergeur, deux ans de prison dont un avec sursis, 10 000 € d’amende et l’interdiction d’acheter un bien immobilier à usage d’habitation pendant dix ans.

Maître Bouzaida a déposé une demande de préjudice économique pour les 15 travailleurs. S’ils ont obtenu un permis de séjour valable le temps de la procédure, ils espèrent, un jour, être régularisés, « pour avoir enfin une vie normale. »

La décision sera rendue le 7 décembre prochain.

Frédérique GUIZIOU

source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/finistere/dans-le-finistere-quinze-ramasseurs-de-volaille-etaient-devenus-des-esclaves-modernes-fec39298-4b19-11ed-a299-c34310d448f8

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