Les représentants du syndicat Force ouvrière de l’hôpital et des pompiers de Saint-Brieuc s’alarment des nombreux manquements dans le système de santé des Côtes-d’Armor. Un équilibre très précaire, qui a de fortes conséquences sur les pompiers.
Carine Le Tertre, secrétaire du syndicat Force ouvrière au centre hospitalier de Saint-Brieuc et Cédric Cierpka, pompier à Saint-Brieuc et également secrétaire général de FO. | OUEST-FRANCE
Ce n’est pas un secret, le système de santé chancelle. Aussi bien à l’échelle nationale que dans les Côtes-d’Armor. Régulation d’urgence, suspension de soins…
L’impact, outre pour les usagers, se fait appesantir sur les épaules d’autres services publics. « L’hôpital est comme le Titanic et il fait plonger les pompiers avec lui », image Carine Le Tertre, secrétaire du syndicat Force ouvrière au centre hospitalier de Saint-Brieuc.
Des temps de trajet multipliés
En premier lieu, la régulation des urgences de Lannion ou Guingamp. « Les pompiers costarmoricains sont de plus en plus amenés à transporter les gens aux urgences de Morlaix ou de Brest, énumère Cédric Cierpka, pompier briochin et secrétaire FO. Pendant ce temps-là, on n’est plus disponible pour intervenir sur des urgences du secteur. »
Exemple. Une urgence relative à Rostrenen aurait pu être gérée par l’hôpital de proximité de Carhaix. Mais avec la régulation, les pompiers peuvent partir jusqu’à Brest. Soit au moins une heure de route. Uniquement pour l’aller…
Que dire pour les victimes dont chaque minute compte ? Pour un AVC, « à Dinan, par exemple, on doit aller à Saint-Malo… »
Contactées, les hautes instances du Centre opérationnel départemental d’incendie et de secours partagent le constat. « Si on mobilise nos pompiers volontaires de 23 h à 5 h du matin pour des urgences relatives, on peut comprendre que ça démotive. Ce n’est satisfaisant pour personne », réagit le colonel Jean Moine, directeur départemental.
« Les pompiers sont devenus les taxis pour le Samu »
Autre facteur aggravant : « Les pompiers sont devenus les taxis pour le Samu, martèle Cédric Cierpka. Le privé prend les urgences relatives comme il le veut. Sauf que pendant ce temps, les pompiers ne sont plus disponibles pour faire du secours à la personne, des incendies. Là, on est les seuls à pouvoir agir. »
Quand les pompiers prennent le relais des ambulances privées, cela s’appelle une carence. Une convention prévoit un forfait annuel de 1 492 carences. Un système conçu pour « dépanner », plutôt ponctuellement. Or, elles ont explosé cette année 2023.
Les facturations ne sont donc pas à la hauteur des interventions réalisées. « Nous n’avons pas signé la convention pour l’instant. Dans le cas où l’on peut avoir au moins 5 000 carences en 2023… Tout n’est donc pas couvert, reconnaît le colonel Jean Moine. Cette année, on fait crédit, car on avance pour l’année suivante. »
« La part du privé n’est pas remplie »
Chaque carence est facturée 200 €, à régler par l’hôpital qui prend en charge. « Il faut qu’on se mette d’accord sur le nombre de carences à payer plutôt qu’un forfait, commente le colonel Jean Moine. On ne cherche pas de l’argent, on veut juste réduire le nombre de ce genre d’interventions. » Pour le directeur, le constat est clair : « La part du privé n’est pas remplie. »
Et ce malgré la mise en place récente d’un régulateur du Samu, chargé de faire le lien avec les transporteurs privés. Il devait inverser la tendance.
Conséquence : la part de carences a baissé de… 1,12 % entre septembre 2022 et septembre 2023. Dans des départements voisins, ce système les a fait « descendre de 10 % à 18 % ». Il y a donc bel et bien un problème.
Comment l’hôpital pourra éponger ce surcoût supplémentaire ? « Son budget est verrouillé. On veut voir nos élus se bouger dans les hémicycles pour défendre l’hôpital public, le soutenir réellement », conclut Carine Le Tertre.
Auteur : Gaëlle Colin
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