
Samedi matin 21 janvier 2023, les soignants de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Kerbernès, à Plœmeur, ont présenté, sans filtre, une série de doléances à Lysiane Métayer, députée de la circonscription de Lorient-Groix.
« Je démissionne en septembre, je ne supporte plus de faire souffrir nos aînés, je suis trop éloignée de mes valeurs. » Cette jeune aide-soignante est diplômée depuis quatre ans et demi. Elle occupe un poste à l’Ehpad de Kerbernès (1), à Plœmeur, près de Lorient (Morbihan) depuis trois ans. Malgré sa motivation pour travailler auprès du grand âge, elle a décidé de quitter son poste et même le domaine du soin.
« Pouvoir donner une douche tous les jours »
« Je vais suivre une formation dans le bâtiment. Je ne veux pas partir fâchée. Ce qui me ferait rester ? Davantage de personnel, qu’on puisse donner des douches tous les jours et pas seulement une fois tous les quinze jours à nos patients, qu’on puisse les lever tous les jours. Qu’on nous donne les moyens de travailler ! »
Une députée en immersion
À elle seule, cette jeune femme a résumé l’état des troupes qui œuvrent pourtant avec toute la bienveillance qu’il faut auprès des quatre-vingts patients que compte le service.
C’est à l’initiative de Véronique Dheurle et Sylvie Evanno, déléguées du personnel CFDT santé au Groupe hospitalier de Bretagne Sud, que la députée Lysiane Métayer a passé six heures dans ce service. Une immersion sans filtre qui a permis, durant une courte pause, de dire toute la détresse dans laquelle se trouve le service.
Arrivée à 6 h 30, l’élue a assisté aux transmissions, à la distribution des petits-déjeuners, au démarrage des soins… « Je ferai remonter tout ce que j’ai entendu. Le gouvernement travaille sur la prise en charge du grand âge et la dépendance. Il faut pour cela comprendre les besoins des soignants. »
Un manque de reconnaissance de la hiérarchie
Et ils ont de quoi dire à Kerbernès. D’abord que la dépendance a évolué en dix ans. « Les pathologies sont plus lourdes, car aujourd’hui on reste bien plus longtemps chez soi. Les gestes de soin n’ont plus rien à voir et nous n’avons pas adapté le service. On a besoin de plus de temps pour prendre soin des gens. »
Le manque de personnel depuis un an et demi dans le service essore le mental des équipes. « On est à moins un, moins deux depuis un an et demi. Les gens qui sont à 80 % font un 100 %, ceux qui sont à 100 % de temps de travail sont à 120 %, des heures supplémentaires qui ne sont toujours pas payées, ni récupérées ! »
L’équipe parle de l’image dégradée de Kerbernès. « On a une majorité de chambre double, c’est infâme en 2023, dit ce soignant. Le bâtiment n’est pas adapté, le matériel tombe souvent en rade. Bref, ici on se rend compte que la société ne met pas les moyens pour les personnes âgées. »
Aides-soignants et infirmières pointent aussi le manque de reconnaissance de l’encadrement. « On pointe toujours ce qui ne va pas, mais ne souligne pas les points positifs. L’autre soir, ma collègue a prolongé sa journée d’1 h 30 après un décès, pour soutenir la famille. L’encadrement ne l’a pas vu. Ce qui les fait tenir ? La reconnaissance des familles, celle des patients eux-mêmes . »
(1) L’Ehpad est un des services du centre gérontologique de Kerbernès qui accueille un service de soins de suite. Il fait partie du Groupe hospitalier Bretagne Sud.
Delphine LANDAY