Déconstruction de navires : rude concurrence pour les chantiers français (LT.fr-13/03/24)

L’Abeille Flandre, qui a fait une bonne partie de sa carrière à Brest, y a été déconstruite, l’été dernier, par la société Navaleo des Recycleurs bretons. (Photo d’archives Le Télégramme)

Pourquoi des navires français partent-ils encore se faire déconstruire sur des plages de pays non-européens ? Un député finistérien vient de taper du poing sur la table. Le gouvernement dit avoir entendu.

Par Stéphane JEZEQUEL.

Des navires qui ont fonctionné en grande partie grâce avec de la commande et de l’argent public partent encore se faire déconstruire à l’étranger dans des chantiers parfaitement autorisés par les contrôleurs de l’Union européenne. C’est le cas du Raymond-Croze, un ancien navire câblier d’Orange Marine, parti se faire désosser en Turquie.

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Le sujet n’est pas nouveau. Alors que le prix de la tonne d’acier se négocie entre 300 et 400 euros en Turquie, contre de 0 à 100 euros depuis un chantier français et que le coût du travail tout comme les normes à faire respecter sont loin d’être comparables, le choix des armateurs se fait, le plus souvent, sans équivoque. Recevoir de l’argent pour déconstruire son navire en Turquie ou devoir faire un gros chèque en France ou dans un autre pays européen soumis à des standards sociaux, environnementaux et de sécurité équivalents.

L’Abeille Languedoc a été déconstruite en cale sèche à Brest.
L’Abeille Languedoc a été déconstruite en cale sèche à Brest. (Le Télégramme)

Difficile de rester compétitif pour les chantiers français (Brest, Bordeaux, Le Havre) soumis à une réglementation drastique qui leur demande des investissements réguliers, tout en satisfaisant à des contrôles réguliers. Protection des salariés, retraitement des eaux et des produits dangereux (amiante)… Rien que le coût de location des cales sèches suffit à plomber les propositions des chantiers français, qui arrivent tout de même à récupérer les vieilles coques de la Marine nationale.

Des chantiers turcs dans le viseur

Documenté par Pierre Rolland, de la société brestoise de déconstruction Navaleo (Recycleurs bretons), Didier Le Gac, député de la majorité de la 3e circonscription du Finistère, est monté au créneau. Il a interpellé le gouvernement sur ces questions de distorsion de concurrence et sur le manque de contrôles des chantiers non-européens figurant sur la liste des 44 sites homologués par l’Union européenne. Dans le collimateur, neuf chantiers turcs procédant au traitement des navires à même la plage.

Mi-février, le gouvernement, par la voix de Dominique Faure, ministre délégué en charge des collectivités territoriales, a reconnu une situation « inacceptable ». « La prochaine révision du règlement sur les navires sera l’occasion de faire évoluer la pratique », assure-t-il. Deux des neuf chantiers turcs homologués ont d’ores et déjà été retirés de la liste. « Le gouvernement a rappelé son souhait de maintenir un haut niveau de contrôles, en mettant en place, dès cette année, des inspections inopinées et fréquentes. On est plutôt actuellement sur des visites annoncées six mois à l’avance », regrette Pierre Rolland de Navaleo.

Une filière à défendre

« Il n’y a qu’à vérifier sur Google Earth les chantiers alignés les uns après les autres sur ces grandes plages de Turquie », regrette le chef d’entreprise finistérien.

Comme ici, à Antalya, les bateaux sont traités à même la plage sur certains chantiers turcs.
Comme ici, à Antalya, les bateaux sont traités à même la plage sur certains chantiers turcs. (Google Earth)

L’association Mor Glaz a aussi défendu, à plusieurs reprises, la déconstruction des navires français à Brest. En jeu, le maintien de la filière de déconstruction navale à Brest, Bordeaux et Le Havre. Et la notion d’industrialisation de la France, si souvent défendue au plus haut niveau.

Source: https://www.letelegramme.fr/economie/mer/deconstruction-de-navires-rude-concurrence-pour-les-chantiers-francais-6542686.php

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