Défaitisme révolutionnaire, et deuxème moment mondial du socialisme. ( Réveil Communiste – 25/10/22 )

Défaitisme révolutionnaire, et deuxème moment mondial du socialisme

Est-ce que le temps est venu, un siècle après le premier , du deuxième moment mondial du socialisme?

Le socialisme est légitime et bon pour l’humanité, qu’il soit envisagé comme une idée abstraite, ou comme un but pratique, et ce n’est plus à prouver, en tout cas on ne le cherchera pas à le faire maintenant, mais pour le rappeler au public actuel, composé de la quatrième génération qui a été élevée et désinstruite dans la société de la consommation de masse et du spectacle marchand, il faut « déconstruire » l’immense fatras censé prouver le contraire, en économie, en histoire, en philosophie, etc. et effacer les images odieuses qui lui ont été associées.

Et pour cela revenir à Marx et à Lénine qui ont cherché à établir la base scientifique du socialisme est tout indiqué, ainsi qu’aux autres socialistes réellement agissants.

Admettons que ceci soit fait, qu’on ait trouvé la porte de sortie du labyrinthe que la culture anti-socialiste, c’est à dire presque toute la culture, et presque tout le champ politique de l’extrême droite à l’extrême gauche a développé à l’infini, au moins depuis la publication du Capital, en 1867. Reste à trouver le lieu réel où la contradiction du capitalisme devient explosive. C’est à dire dans quel territoire national cela va se produire. Car si les révolutions tendent à se déclencher partout à la fois, elles ne se cristallisent dans un moment historique donné que dans un ou deux territoires, « dans un seul pays » pour paraphraser Staline.

En tâtonnant, un peu à l’aveugle, on cherche en ce moment le maillon faible de la chaîne impérialiste.

Dans notre moment, où l’Empire est contesté par la périphérie, et renvoyé à ses contradictions au nom de valeurs économiques, croissance, libre marché, libre-échange, libre usage des technologies, ostentation de consommation, voire même écologie, qui sont en fait les siennes, ou aussi en s’abritant derrière un écran idéologique d’inspirations traditionalistes plus ou moins réactionnaires, mais en reprenant la logique et la critique anti-impérialiste de la gauche tiers-mondiste, dans quel endroit et à quel moment va se produire le saut qualitatif, comme en Octobre 1917 ? et quel est le rôle que peuvent jouer à ce moment les actuels États socialistes dans ce mouvement ? Et celui des anciens États socialistes qui se retrouvent directement en antagonisme avec l’Empire au lieu d’avoir été comme il était prévu à la chute de l’URSS, en 1991, absorbés par lui ? Sont-ils des point d’appuis, sont-ils indifférents ? Seraient-ils des obstacles au socialisme réinventé, comme le pensent les divers courants gauchistes ?

Ce qui est certain, que ces États qui ont connu la première vague du socialisme mondial soient toujours socialistes ou bien non, et quelque soient leurs succès, ils ne semblent pas avoir l’intention de propager leur système politique et social. D’ailleurs la seule société socialiste subsistante qui soit culturellement homogène avec les sociétés occidentales est celle de Cuba, mais les effets structurels ravageurs du blocus illégal perpétré par les États-Unis l’empêchent de développer ses potentialités et de figurer comme un modèle malgré ses mérites intrinsèques.

Plus profondément, l’Occident plongé dans une crise volontaire pour pouvoir mener une guerre hybride au reste du monde qui est peut-être au-dessus de ses capacités est-il en train de devenir le maillon faible du capitalisme ? Et peut-il exister un capitalisme sans Occident? Sa chute entraînera-t-elle un retour au, ou un accès au socialisme, sous une forme renouvelée ?

Chute qui est probable si on examine la réalité des rapports de force : si par exemple on compare les dépenses militaires des adversaires effectifs ou potentiels de la guerre mondiale qui commence, on note forcément une écrasante domination occidentale, calculée en dollars au taux de change courant ; mais ramené en parité de pouvoir d’achat, l’équilibre s’inverse : si le budget militaire des États-Unis est trois fois celui de la Chine, qu’est-ce que cela signifie réellement, si le prix des fournitures militaires y est huit fois plus élevé, sans parler du coût l’entretien des soldats ? Sans parler de l’incidence de la corruption qui gangrène de haut en bas le complexe militaro-industriel des pays capitalistes ? qui produit des armement dont l’efficacité n’est pas au niveau de la sophistication ni du coût.

On peut donc parier que l’Empire va être vaincu dans son bras de fer avec la Russie, la Chine, et le reste du Sud global, non sans éprouvantes péripéties, chantage nucléaire compris, et cela en moins de dix ans. Et en ce qui nous concerne, il nous faut donc réfléchir à construire une alternative socialiste sur les ruines (au propre comme au figuré) du capitalisme prédateur en Europe et en Amérique du Nord.

Revoilà venu le temps de la stratégie du défaitisme révolutionnaire de Lénine.

Et cela signifie aussi qu’il va falloir un militantisme révolutionnaire très endurci pour faire face à une situation extrême, dans une région du monde qui sera certainement très appauvrie par la perte de la rente impérialiste et déstabilisée politiquement et où les tendances fascistes qui sont actuellement développées comme repoussoir politique vont obtenir de nouveau avec l’aggravation des troubles sociaux l’appui direct des médias et des capitalistes comme ce fut le cas en Italie au cours de la crise révolutionnaire de 1919- 1920 et en Allemagne à la fin de la République de Weimar. Et c’est déjà le cas maintenant, en Ukraine.

Le socialisme ne peut pas apparaître ailleurs ni autrement qu’au sein d’une formation sociale bien définie, c’est à dire dans un pays souverain déterminé à une époque déterminée. Certes il a pu aussi s’étaler après le Deuxième Guerre mondiale en tâche d’huile à partir du territoire soviétique sur des territoires voisins, occupés militairement par l’Armée rouge, qui sont restés ensuite en règle générale des zones de faiblesse (pas forcément d’ailleurs, en Pologne, oui, en Bulgarie, en Serbie, non).

Donc dans quels genre de pays va-t-il réapparaître ?

On peut être sûr d’une chose, c’est qu’il apparaîtra par surprise, et dans un moment où ses adversaires seront trop divisés, trop occupés à se battre entre eux pour veiller au grain, et qu’il apparaîtra discrètement. qu’il ne sera peut être même pas pris au sérieux au début. Ce qui tend à faire penser que cela sera dans un pays plutôt périphérique, pas très grand, ou momentanément dans l’angle mort de l’attention des appareils idéologiques de la bourgeoisie globale.

Ou même faire penser qu’il commencera peut-être même sa course sous une toute autre étiquette que le socialisme.

Le Venezuela, premier pays important candidat au titre de socialiste du XXIème siècle montre assez bien le début un tel processus : dans un premier temps une gauche politique se recompose autour de la surprise de la présidence Chavez , dans un but somme toute très modéré, social-démocrate, de redistribution aux classes populaires de la rente pétrolière. Mais ce qui est modéré dans le premier monde est radical en Amérique latine au vu des caractéristiques perverses et archaïques des classes dirigeantes qui règnent là-bas. C’est l’action indifférenciée et fanatique des oligarques locaux entraînant avec eux leurs protecteurs impérialistes qui radicalise la situation jusqu’à mettre en jeu le capitalisme, et le pays est en guerre hybride déclarée avec les États-Unis (et l’UE) depuis la mort de Chavez en 2013. Donné pour perdu au moment de l’opération Guaido, en 2019, le socialisme vénézuélien semble sur la voie de la résilience, au prix d’une modification très douloureuse de la structure économique fondamentale et de le reconstruction d’une base politique, notamment par le moyen de la réforme agraire.

Ce socialisme réinventé passe par un compromis avec les forces capitalistes nationales, voire même incite à les créer. Le socialisme de cette espèce est non pas défini par le régime de propriété, mais le contrôle des moyens de production par la collectivité. Il est vrai que la perpétuation d’un secteur capitaliste dynamique exige aussi le maintien d’un État coercitif respecté et craint pour lui interdire des ambitions politiques.

Ce pouvoir au nom du prolétariat n’est légitime que par l’appui que ce dernier apporte, et n’est efficace que par l’ énorme effort d’éducation et de formation des masses qui l’accompagne.

Mais ce qui est possible – et parfois impossible- de réaliser dans un pays émergent, ou encore faiblement développé n’est pas toujours une clef efficace pour imaginer ce qui pourrait être fait dans le cadre de l’Occident en crise de déclassement. Et où vont se produire à cause de la baisse du niveau des revenus réels d’autres « surprises à la Chavez » dans les mois et les années prochaines.

Le critère minimal du socialisme, c’est la mise au pas de la capacité politique des capitalistes, ce qui est peut être plus aisé qu’il ne paraît à première vue dans un contexte où les capitalistes ont eu l’imprudence, par perte de culture politique, de décrédibiliser les partis qui les représentent, de mettre en avant des politiciens incultes et bouffons, et de mettre en danger les institutions des États démocratiques libéraux (justice, médias, diplomatie, etc.) qui étaient pourtant optimales pour les protéger politiquement.

On en restera là sur cette note modérément optimiste, pour le moment.

GQ, 25 octobre 2022

Source : Défaitisme révolutionnaire, et deuxème moment mondial du socialisme – Réveil Communiste (reveilcommuniste.fr)

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