L’organisation professionnelle Les pêcheurs bretons, réunissant les principaux armements du secteur (237 chalutiers), dit ne plus trouver de rentabilité au regard du prix du gazole. Coup de pression avant les annonces attendues du secrétaire d’État Hervé Berville, la semaine prochaine, à Nice.
Sur les quais bretons, l’inquiétude est vive face au prix du gazole marin, en hausse ces dernières semaines. (Photo Xavier Dubois/Le Télégramme)
« La plupart des armements tapent dans leur trésorerie depuis plusieurs mois du fait de l’augmentation du prix du gazole marin [autour de 0,84 centime, NDLR]. Certains demandent déjà des reports d’échéances à leur banque. « C’est très simple : nous ne pourrons bientôt plus payer les salaires. Les bateaux vont devoir rester dans les ports et leurs équipages sur les quais », assure Stéphane Pochic, dirigeant, avec son fils Valentin, d’un armement à Loctudy.
En l’espace de trois à quatre mois le prix du gazole nous a remis la tête sous l’eau
Il est un peu moins de 16 h, dans les locaux de l’organisation professionnelle Les pêcheurs de Bretagne (OPPB), à Quimper, ce vendredi 15 septembre 2023. Le ton est ferme sans être agressif. Le propos est argumenté et la menace à peine voilée. « Quatre à six mois, après, les premiers chalutiers resteront à quai. »
Mise en garde du secrétaire d’État
Réunis autour de leur président turballais Ludovic Le Roux, une dizaine d’armateurs venus de toute la côte sud de la Bretagne historique. Visages fermés, les représentants des 237 chalutiers (mille hommes d’équipage) de l’OPPB disent vouloir prévenir le gouvernement avant les Assises de la pêche et des produits de la mer qui se tiendront à Nice, les jeudi 21 et vendredi 22 septembre. La profession anticipe sur l’annonce d’éventuelles aides complémentaires permettant d’amortir la nouvelle hausse du prix du gazole pêche. L’aide tampon fixée à 20 centimes le litre est en effet programmée jusqu’à la fin décembre 2023 (fin de dépôt des dossiers mi-octobre).
« La profession ne pourra pas se satisfaire d’un prolongement de cette aide de 20 centimes pendant quelques mois », assure Yves Foëzon, directeur de l’organisation. « Elle est prise par un effet ciseaux : nos fournisseurs augmentent le prix du matériel et les transformateurs augmentent leurs prix de vente. »
Mais nous ne pouvons pas augmenter le prix du poisson, même si l’on doit faire face à des charges plus élevées. Parce que nous ne le vendons pas : on nous l’achète ! ». Or, selon l’organisation, ces prix d’achat sont restés bas, malgré la faible quantité sur les marchés : « La conséquence d’arbitrages du consommateur ».
Point de rupture
À la tête de l’Armement Bigouden, Christophe Collin illustre l’imminence de la situation de rupture en évoquant l’exemple d’un de ses bateaux (24 m), très récemment rentré au Guilvinec (29) d’une marée de 14 jours (un port où la débarque des chalutiers hauturiers de l’OPBB pèse 89 % des volumes commercialisés sous criée, selon les chiffres de l’organisation, soit près de 11 000 tonnes pour 48,70 M€) : « La pêche du bateau a été vendue 43 000 € pour, un prix moyen au kilo de 3,16 €. Le carburant pèse 23 000 €* ». « Il faut bien que les politiques comprennent que ça va s’arrêter », commente le directeur de l’OPPB. « J’espère que le secrétaire d’État ne fera pas insulte à la profession en lui reprochant n’avoir rien fait ».
Disant n’avoir rien vu des 100 M€ d’aide « promis il y a an par M. Berville », les Pêcheurs de Bretagne demandent un relèvement du plafond et une réorganisation de la ventilation des minimis (aide de 330 000 €). Plusieurs armateurs demandent surtout l’application d’un « mécanisme eurocompatible à condition de passer au-dessus de la GMS. Il est entre les mains d’Elisabeth Borne depuis un an. Rien ne bouge ».
* 25 000 à 27 000 litres de gazole nécessaires pour une marée classique de quatorze jours.
Auteur : Olivier Scaglia
URL de cet article : Des chalutiers bretons au bord de la rupture face au prix du gazole (LT.fr 15/09/2023) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)