Des contorsions et deux 49.3 pour un budget austéritaire (H.fr-3/02/25)

Après le recours au 49.3 sur les textes budgétaires, deux motions de censure ont été déposées par une partie de la gauche. © Xose Bouzas / Hans Lucas

François Bayrou a dégainé, ce lundi, deux 49.3 pour faire adopter respectivement le projet de loi de finances de l’État et celui de la Sécurité sociale. Deux motions de censure ont été déposées par une partie de la gauche, le Parti socialiste a annoncé qu’il ne les votera pas.

Par Anthony CORTES.

On dit que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit. Ce n’est pas le cas du 49.3. Ce lundi 3 février, à la tribune de l’Assemblée nationale, le premier ministre François Bayrou a annoncé y recourir pour engager la responsabilité du gouvernement sur deux textes : le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale.

« Nous voici à l’heure de vérité et de responsabilité, a-t-il annoncé en introduction de sa prise de parole. Est-ce que ce budget est parfait ? Non, mais c’est un équilibre. Nous sommes tous ensemble face à notre devoir : dans les dix jours, la France aura ses budgets. » Deux textes qui, selon lui, ont « trois géniteurs » : « Le gouvernement de Michel Barnier, le gouvernement constitué depuis le 23 décembre et le Parlement dans ses deux chambres. »

Une façon d’insister sur la volonté de « compromis » qui l’animerait. « Le mot compromis ne doit plus être une insulte dans la vie politique française, a renchéri David Amiel, député macroniste et rapporteur du budget. Nous sommes tous intoxiqués à un fait majoritaire qui ne mène qu’à l’impuissance et à la crise. »

« C’est un budget pire que celui de Michel Barnier »

Des propos qui ne correspondent pourtant en rien à la réalité. Si le projet de loi de finances (PLF) a fait l’objet de débats à l’occasion d’une commission mixte paritaire (CMP), sa composition était largement acquise au camp gouvernemental et à ses priorités. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), lui, n’a même pas eu ce piètre honneur puisque les discussions à son propos n’ont repris que la semaine dernière. Elles sont interrompues par ce coup de force qui permet à François Bayrou de contourner le Parlement.

Dans les deux cas, le caractère largement austéritaire du PLF et du PLFSS frappe. Cela malgré les propositions des forces du Nouveau Front populaire (NFP) pour augmenter la part des recettes plutôt que la recherche d’économies dans le fonctionnement de l’État.

« C’est un budget pire que celui de Michel Barnier, déplore Éric Coquerel, président FI de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. L’Observatoire français des conjonctures économiques chiffrait que le budget du précédent premier ministre aurait un effet récessif de 0,8 point. Celui de François Bayrou, avec 23,5 milliards de coupes budgétaires, nous coûtera encore plus cher ! Les faibles concessions ne sont qu’un arbuste qui cache la forêt austéritaire. »

Par conséquent, Mathilde Panot, cheffe de file des députés insoumis, a annoncé le dépôt de deux motions de censure. Causeront-elles la chute de François Bayrou et de ses ministres ? Il faudrait pour cela la mobilisation de l’ensemble du Nouveau Front populaire, mais aussi les voix de l’extrême droite. Cela n’en prend pas le chemin.

Une autre motion pour dénoncer les propos de Bayrou sur la « submersion migratoire »

À la mi-journée, quelques heures avant la prise de parole du premier ministre, le bureau national du Parti socialiste (PS) a annoncé qu’il ne censurerait pas le gouvernement. Au total, 59 voix se sont prononcées en ce sens, contre 54 à la veille de la précédente motion de censure visant François Bayrou, le 16 janvier.

Une position qui concerne autant le vote de la motion de censure correspondant au PLF que celle du PLFSS. Au prix de quelques contorsions. « Cela n’empêche pas que nous nous opposons politiquement à l’action du gouvernement, précise Béatrice Bellay, députée socialiste de la Martinique. Nous écoutons simplement les remontées de terrain de nos élus qui nous font part de leurs difficultés sans budget. Mais nous continuons à dire que ce budget ne va pas dans le bon sens avec, par exemple, deux milliards en moins pour l’habitat. »

Reste à savoir si l’ensemble du groupe socialiste se rangera derrière cette volonté. Au mois de janvier, huit députés avaient refusé de s’aligner sur la position du parti. Il en faudrait plus d’une vingtaine pour causer la chute du gouvernement si le Rassemblement national (RN) et ses alliés votent également la censure. Ces derniers ont fait savoir qu’ils annonceront leur position ce mercredi. Le temps de tenter d’obtenir quelques concessions du premier ministre ?

Malgré cette décision du bureau national, les socialistes ont réaffirmé qu’ils continueraient à s’opposer à un « gouvernement qui participe à la trumpisation du débat public ». En cause, ses « attaques contre le pacte vert au niveau européen », la remise en cause du droit du sol à Mayotte et en Guyane, le durcissement des critères de régularisation des sans-papiers, la diminution des crédits de l’aide médicale d’État ou de l’aide publique au développement, ainsi que les propos de François Bayrou sur une prétendue « submersion migratoire ».

Ces derniers seront à l’origine du dépôt, par les députés socialistes, d’une motion de censure spontanée sur « les valeurs de la République ». La démarche est loin de calmer la déception des autres groupes du NFP devant leur refus de voter la censure. La motion socialiste sera en effet rejetée par le camp gouvernemental comme par l’extrême droite et n’a donc aucune chance d’aboutir.

 « Piétiner » et « humilier » la démocratie

« Je suis choquée par leur décision, fait savoir Aurélie Trouvé, députée FI de Seine-Saint-Denis, à propos du refus socialiste de s’associer aux deux motions. Les socialistes ont été élus sur un programme, celui du NFP, construit pour proposer autre chose que le macronisme. Notre motion servira à déterminer qui est dans le soutien du gouvernement et qui est dans l’opposition. C’est une question de fidélité pour nos électeurs. »

« Ce choix n’est à mon avis pas le bon, estime pour sa part Benjamin Lucas-Lundy, député du groupe Écologie et social. C’est un mauvais budget qui prolonge la politique d’Emmanuel Macron depuis 2017 et qui est à l’opposé des grandes orientations que nous devons prendre pour le pays, en particulier en matière de bifurcation écologique ou de justice sociale. »

« Ce budget est pire que le précédent. Il est honteux d’obliger des députés à voter la censure pour pouvoir s’exprimer, parce qu’on leur a retiré toute prise sur le budget », s’agace le communiste André Chassaigne, coprésident du groupe GDR. Et le député PCF Nicolas Sansu de se désoler également du recours au 49.3, qui « piétine » et « humilie » la démocratie. Un outil constitutionnel dont toutes les composantes du NFP avaient exigé en vain l’abandon, auprès de François Bayrou, contre un accord de non-censure.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/assemblee-nationale/budget-deux-49-3-pour-zero-censure

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/des-contorsions-et-deux-49-3-pour-un-budget-austeritaire-h-fr-3-02-25/

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