DEUX RAISONS D’ESPÉRER, par Jean-Claude Delaunay (H&S-30/05/23)

Illustration : Laurent Parienti (1)

Outre le fait qu’existent, en Europe même, d’autres forces que ce ventre mou qu’est devenu le PCF, je trouve deux autres raisons d’espérer que la guerre n’aura pas lieu, même si ce n’est qu’une espérance. C’est ce que nous dit Jean-Claude et personnellement je suis assez d’accord avec lui. Je dirais en plaisantant que si une intelligence artificielle devait se prononcer sur la question et particulièrement à partir des situations européennes (voire de l’étonnante attitude d’une certaine gauche et du PCF), l’affaire serait faite : nous nous dirigeons vers la guerre comme des somnambules. Fort heureusement, il y a dans l’humain des ressources inconnues. Jean-Claude voit dans le fait que ce soit la Russie, pays devenu capitaliste, qui résiste est selon lui une raison d’espérer. Tout à fait d’accord avec sa démonstration, mais j’insisterais sur le rôle des révolutions, en m’appuyant sur ce que Michel Vovelle me disait jadis: “Les rois sont revenus pour ré-installer la féodalité, mais c’était impossible” et la France n’a cessé d’être secouée de luttes des classes y compris jusqu’à voir surgir avec la Commune l’amorce de la Révolution prolétarienne.” C’est dans le fond ce qui nous anime et nous fait supporter le grotesque, jusqu’à la trahison, de la lutte des classes en France aujourd’hui : il est impossible que le peuple français se résigne à un tel panel politique. (note de Danielle Bleitrach, pour histoireetsociete)

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La première raison est que ce soit un pays capitaliste qui ait osé affronter la tête de file de l’impérialisme, et finalement, tout l’impérialisme.
 
Cette réalité me paraît inédite par rapport au temps de Lénine. A cette époque, l’impérialisme était un impérialisme de nations et les nations se sont fait la guerre deux fois et à fond. Puis, vers 1970, la crise de suraccumulation du capital est devenus si forte, dans des conditions techniques qui devaient être totalement renouvelées, que l’impérialisme s’est à la fois financiarisé et mondialisé.
 
Il s’est globalisé, il s’est resserré, en tant que système de l’impérialisme en même temps qu’il cherchait à ouvrir les portes de la globalisation pour le très grand capital monopoliste. Tout en se globalisant, l’impérialisme s’est reconnu un chef, un leader permanent, et ses composantes ont accepté que ce leader devienne de plus en plus envahissant et autoritaire.
 
Un certain nombre de petits pays capitalistes ont commencé à réagir. Ils ont été écrabouillés. Vers cette époque, l’URSS est tombée dans l’escarcelle de l’impérialisme. Ce fut le délire. Puis la Russie s’est réveillée et a commencé à se développer de manière indépendante, sans penser qu’elle se mettrait à dos les puissances impérialistes. Elle n’a pas le droit, ont dit les Brits. Quand j’entends le mot indépendance, je tire mon gun, a dit le Grand Sam. Les Germains, plus réalistes, ont continué à faire leurs petites affaires avec les Russes. Et puis un jour, il y a un an environ, la guerre a éclaté et les choses sont devenues claires. C’est l’impérialisme tout entier qui ne voulait pas d’une Russie indépendante et souveraine. Ils voulaient la piller, et toutes les républiques alentour, tranquilles, en bavardant entre eux tout en buvant du whisky.
 
Le problème, pour l’impérialisme, c’est que même «les sous-développés», un jour ou l’autre, se développent et que, un jour ou l’autre, ils produisent non seulement des chaussures et des chapeaux mais des armes modernes. Et ne voilà-t-il pas que ces Russes insupportables, mais quand même héritiers d’une grande nation militaire, ne se laissaient pas faire?
 
C’est ma première raison d’espérer. On ne fait pas entendre raison à des imbéciles avec seulement des citations de Spinoza. Quand je lis l’article de Christopher Black, je lis notamment ces déclarations des dirigeants de la Russie, à savoir que, si la Grande-Bretagne continue de fournir des armes à l’Ukraine pour tuer des Russes et s’attaquer à la Russie, cela aura des conséquences sur la Grande-Bretagne elle-même.
 
Les dirigeants de la Russie ont de toute évidence, des nerfs d’acier. Ils sont comme les Chinois. Cela dit, leurs propos ne concernent pas que les Britanniques. Jusqu’à ce jour, l’impérialisme US a fait son bonheur d’être isolé de l’Europe où se réglaient les comptes. J’ose espérer qu’un certain nombre d’entre eux commencent à serrer les fesses. Ils ne seront pas à l’abri eux aussi s’ils continuent à déconner. 

La deuxième raison pour laquelle j’ai quelque espoir pour la paix, c’est ce que fait la Chine. Elle agit pour la paix. Il est clair que sa tournée européenne ne pouvait être conclue par le début du début d’une négociation. L’OTAN veut la peau de la Russie parce que lorsque cette dernière sortira victorieuse de son engagement militaire, c’est tout le monde en train de se développer ou qui voudrait bien se développer, soit 60% de la population mondiale, qui en profitera. Ce sont aussi les pays socialistes, soit 22% de cette population. Au total, les quatre-cinquièmes du monde seront tranquilles et pourront se concentrer sur leur développement.
 
L’impérialisme ne veut pas de ça parce que la richesse des pays qu’il domine et exploite est le sang lui permettant de vivre.
 
Les Chinois, qui ont une vue mondiale des problèmes et de leurs solutions, qui par ailleurs n’exploitent et ne dominent personne, vont donc agir pour rassembler, unir davantage, consolider, le camp immense des pays dont les intérêts n’ont rien à voir avec ceux du système impérialiste. Ils ne restent pas les bras croisés, assis dans leur coin. Ils vont déployer une activité diplomatique intense.
 
Telles sont mes deux raisons d’espérer malgré le ventre mou qu’est le PCF, à savoir d’une part la puissance militaire de la Russie, puissance assise sur une perspective politique novatrice (la mise en place d’un monde multipolaire viable et centré sur le développement), et d’autre part la volonté affichée par la Chine d’œuvrer pour la consolidation et l’élargissement du camp de la paix dans le monde.

Jean-Claude DELAUNAY

(1): Laurent Parienti : Révéler, se connecter, transcender. Nomade dans l’âme, Laurent Parienti, vit dans un petit village de pêcheurs au bord de la Méditerranée, un endroit isolé et sauvage où il puise son énergie et sa créativité. Il aime révéler l’âme d’un lieu ou d’une personne, et réalise des images en argentique et des films en Super 8. Il travaille depuis quelques années avec une équipe d’ethnologues auprès des MOKEN, un peuple nomade marin vivant au cœur de l’archipel Mergui en Birmanie.

Source: https://histoireetsociete.com/2023/05/30/les-deux-raisons-desperer-par-jean-claude-delaunay/#comment-9522

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