Les élections régionales se sont déroulées dimanche en Saxe et en Thuringe, deux régions d’ex-RDA.
L’AfD et la CDU s’imposent dans ce scrutin qui fragilise un peu plus l’impopulaire gouvernement de coalition du chancelier Olaf Scholz, à un an des élections législatives.
Dans les ruines fumantes de la gauche est-allemande, le BSW supplante Die Linke, Sahra Wagenknecht réussi son pari politique.
Article et traduction Nico Maury
Les élections régionales en Saxe et en Thuringe confirment l’impression d’une crise persistante. Dans les deux lands, Die Linke a perdu la moitié de ses voix et elle perd même la direction du land de Thuringe.
Mais le sort de Die Linke n’est qu’une partie d’un drame plus vaste, l’AfD réalise des percées électorales par rapport aux dernières élections régionales, et cela, malgré d’importantes manifestations antifascistes. L’extrême droite disposera d’une minorité de blocage dans les parlements des Länder de Saxe et de Thuringe.
En Saxe, Die Linke est sauvée de justesse par ses deux mandats directs
En Saxe, les conservateurs de la CDU arrivent en tête du scrutin avec 34,4% des voix sur le scrutin dans les circonscriptions uninominales (27 sièges) et 31,9% dans le scrutin de liste (15 sièges). La CDU remporte 42 des 120 sièges du Landtag (-3).
L’AfD avec, 34% et 30,6% des voix remporte 41 sièges (+3) et dispose désormais d’une minorité de blocage (1/3 des sièges est nécessaire). Cette extrême droite, sans aucun filtre de respectabilité, s’est imposée dans 28 des 60 circonscriptions du land.
L’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) prend la troisième place et occupe à présent l’espace politique abandonné par Die Linke dans les petites villes et les espaces ruraux. Le BSW remporte 6,3% des voix dans les circonscriptions (0 siège) et 11,8% dans le scrutin de liste (15 sièges). Les résultats du premier test électoral du BSW sont intéressants, car le BSW ne prend pas des voix à l’AfD, mais prend la place de Die Linke, notamment dans les espaces qu’elle a désertés par pure idéologie postmoderniste.
Il est important de regarder l’influence du BSW sur le long terme. Vu les positions floues du parti, il faudra regarder s’il y a une implantation électorale durable ou un effet de mode. Quoi qu’il en soit, leur prétendu objectif d’affaiblir l’AfD a complètement échoué.
Le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) sauve les meubles avec 6,2% et 7,3% des voix. Le SPD conserve 9 de ses 10 sièges. Les Grünen/Bündnis 90 perdent la moitié de leurs sièges. Ils remportent 5,1% des voix, ils gagnent deux circonscriptions et remportent quatre sièges au scrutin de liste.
Die Linke sauve sa représentation parlementaire grâce aux mandats directs sur les circonscriptions de Leipzig 1 (39,8%) et Leipzig 4 (36,5%). Au total, Die Linke remporte 6,4% des voix dans le scrutin de circonscriptions et 4,5% des voix au scrutin de liste. Comme Die Linke obtient deux sièges dans les circonscriptions, elle peut bénéficier d’une représentation proportionnelle, cela malgré son score insuffisant au scrutin de liste. Il y aura donc 6 élus (-8) de Die Linke.
Il s’agit du pire résultat obtenu par les héritiers de la SED. Même lors des élections de 1990, le PDS-SED avait réalisé un meilleur score (10,2%).
Si l’on analyse le scrutin en détail, on constate que Die Linke remporte ses meilleurs scores dans les circonscriptions urbaines (Leipzig, Dresde) et est même en tête du scrutin dans le district de Leipzig 6 (20,6%), alors que dans les districts ruraux ou des petites villes, jadis bastion du PDS-SED, elle dégringole et est devancée par le BSW qui prend la 3ᵉ place.
Enfin, le Freie Wähler termine le scrutin avec un mandat direct remporté (Leipzig 3). Les autres partis et listes n’obtiennent aucune représentation au Landtag.
À noter que la participation a bondi de 7,9 points pour atteindre les 74,4% de participation.
Die Linke perd la Thuringe
La Thuringe était la seule région d’Allemagne à être dirigée par Die Linke. Alors que l’AfD et le BSW ont remporté des voix massives aux élections régionales de Thuringe, le parti du Premier ministre Bodo Ramelow est le grand perdant.
L’AfD est arrivée en tête du scrutin avec 34,3% et 32,8% des voix. L’extrême droite dispose de 32 sièges au landtag (+10) et d’une minorité de blocage avec plus d’1/3 des sièges sur les 88 du Parlement régional.
La CDU prend la seconde place avec 33,5% et 23,6% des voix. Les conservateurs, qui visent à prendre le poste de Bodo Ramelow, disposeront de 23 sièges (+2).
L’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) réussi son test électoral en terminant à la troisième place, et devant Die Linke. Le BSW remporte 2,4% des voix dans le scrutin sur circonscription et 15,8% au scrutin de liste. Le BSW dispose de 15 sièges au Parlement régional.
Die Linke s’est effondré, comme en Saxe, mais la personnalité de Bodo Ramelow a certainement joué pour limiter la chute. Die Linke remporte 15,2% des voix dans les circonscriptions (-10,6) et 13,1% des voix au scrutin de liste (-17,9). Die Linke remporte quatre mandats directs et huit sièges sur liste. Avec 12 sièges au Parlement (-17), Bodo Ramelow aura du mal à reprendre la présidence du Land.
Compte tenu des résultats des élections, le chef de la CDU de Thuringe, Mario Voigt, a les meilleures chances de remporter le poste de chef du gouvernement. Mais former un gouvernement dans l’État libre risque d’être si compliqué qu’à moyen terme, il pourrait revenir à un modèle minoritaire. La CDU a ouvert des discussions avec Die Linke, une première, car la CDU interdit toute coopération avec Die Linke.
Enfin, le Parti social-démocrate d’Allemagne ferme le ban avec 7,8% et 6,1% des voix. Le SPD disposera de six sièges (-2) au landtag.
On note au passage que les Grünen-Bundnis 90 et les libéraux du FDP perdent tous leurs sièges.
Que nous apprennent les résultats de ces élections ?
Le gouvernement d’Olaf Scholz est clairement sanctionné électoralement et les partis formant la Coalition en feu tricolore (rouge, jaune, vert) paient un prix lourd.
Die Linke frôle la disparition en Saxe et perd plus de la moitié de ses voix en Thuringe. Die Linke paie le prix de ses renoncements et de son réalignement idéologique. En abandonnant les campagnes et les petites villes, jadis bastion du PDS-SED, au profit des centres urbains, et en s’alignant sur une idéologie proche de ce que propose LFI en France, Die Linke est devenu un parti de cadres, d’étudiants, entré en concurrence avec l’électorat traditionnel des Verts et des milieux gauchistes.
Pire, dans ces conditions, les cadres de Die Linke appellent déjà à constituer des fronts avec le SPD, les Verts, Volt, le Parti de la protection des animaux, les restes du Parti pirate, les syndicats et de nombreux mouvements de la société civile. Incapable de tirer un bilan de ses désastres électoraux, ces cadres appellent à diluer davantage Die Linke dans la sociale-démocratie postmoderne allemande.
Cette situation a clairement profité à l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), le grand vainqueur des élections. Le parti, fondé début 2024, a obtenu des résultats à deux chiffres dans les deux Lands. Le BSW, selon la perception des électeurs, couvre d’importants sujets et ne se concentre pas sur un thème. Ainsi, pour les électeurs, le BSW est un parti qui représente le mieux la paix en Ukraine, les intérêts de l’Allemagne de l’Est, la justice sociale. Néanmoins, le BSW reste difficile à évaluer politiquement, d’autant plus qu’il est centré sur une seule personne : la fondatrice et homonyme Sahra Wagenknecht.
Si l’on regarde la migration des électeurs (qui est calculée à partir des sondages sortis des urnes), elle montre en réalité que le BSW est le seul parti au profit duquel l’AfD a perdu des voix dans l’ensemble. Cependant, la plus grande proportion d’électeurs du BSW sont ceux qui ont voté pour la gauche en 2019.
Le grand perdant de ces élections, c’est la classe ouvrière est-allemande.
Ni l’AfD, ni la CDU ne pourront apporter une réponse aux attentes des travailleurs d’ex-RDA. Comme Die Linke a oublié la classe ouvrière et que le BSW reste floue sur ses positions politiques, l’idée de socialisme portée hier par le Parti du Socialisme Démocratique (PDS-SED), l’idée qu’il existe une alternative au capitalisme, disparait du champ politique, laissant ainsi un boulevard idéologique à l’extrême droite raciste, qui peut distiller son poison dans les zones abandonnées par Die Linke.
Source : https://www.editoweb.eu/nicolas_maury/Die-Linke-ist-kaputt_a16513.html
URL de cet article : https://lherminerouge.fr/die-linke-ist-kaputt-perspective-communiste-02-09-24/